Pour lâĂ©tĂ©, InternetActu vous propose de revenir sur les usages dâinternet en compagnie de quelques-uns des chercheurs, sociologues, anthropologues, psychologues qui nous aident Ă comprendre lâinternet. Il y a 4 ans, nous rencontrions AndrĂ© Gunthert, directeur du Laboratoire dâhistoire visuelle contemporaine Lhivic, pour Ă©voquer avec lui la rĂ©volution Flickr. Depuis, le web sâest largement installĂ©, mĂȘme sâil a aussi largement montrĂ© ses limites, notamment Ă transformer tout un chacun en producteur de contenus, dâimages, de vidĂ©os, de textes⊠Il nâest pas Ă©trange quâaujourdâhui, ce ne soit plus tant la maniĂšre dont on produit des images quâil nous intĂ©ressait dâinterroger, que la maniĂšre dont on les consulte. Le web crĂ©atif des amateurs est-il en train de cĂ©der le pas face au web des industries culturelles ? Chacun Ă leur mesure, Hadopi comme lâiPad dâApple, un outil tout entier dĂ©diĂ© Ă la consultation », nâen sont-ils pas les premiers symboles ? Le contenu gĂ©nĂ©rĂ© par lâutilisateur User generated content, UGC est-il vraiment le trĂ©sor » du web ? Quâest-ce qui est plus important finalement sur YouTube, les quelques vidĂ©os créées par les amateurs ou cette transformation radicale de la diffusion ? AndrĂ© Gunthert Sur YouTube, le modĂšle dominant nâest pas celui de la crĂ©ation de contenus. Sur Youtube, nos enfants ne produisent pas de vidĂ©os. Ils sĂ©lectionnent des contenus. Leur usage principal câest le visionnage. Les chercheurs ont tendance Ă considĂ©rer la production plutĂŽt que lâactivitĂ© de consommation. Ils nâobservent pas beaucoup non plus lâespace du partage, qui se situe entre les deux et dont le signalement, tel quâil se pratique sur Facebook ou Twitter, est certainement lâactivitĂ© majeure. On construit nos identitĂ©s numĂ©riques par du signalement dâarticles, de vidĂ©os, dâimages. Câest du flux quâon transmet. Les deux activitĂ©s les plus importantes ne sont donc pas du ressort de la production. On est restĂ© avec lâidĂ©e que les nouveaux outils numĂ©riques facilitaient la rĂ©alisation dâimages â et câest vrai -, mais ce nâest rien par rapport Ă la rĂ©volution de la diffusion. Cette dimension de la consultation est essentielle, dâautant quâelle ne sâeffectue plus comme autrefois. La diffĂ©rence avec les mĂ©dias traditionnels est quâon y est actif ce que lâon trouve personne » ne lâa trouvĂ© pour nous. Longtemps, pour consulter les contenus nous avons eu besoin de les collectionner⊠AndrĂ© Gunthert Mes enfants ne ressentent pas le besoin dâaccumuler les contenus. Jeune Ă©tudiant, la BibliothĂšque nationale Ă©tait mon deuxiĂšme bureau, jây allais presque tous les jours. Jâachetais trĂšs peu de livres, seulement les ouvrages rĂ©cents. Un jour, je rends visite Ă un ami Ă Fribourg, qui avait une trĂšs belle bibliothĂšque. Il Ă©tait loin de tout, il avait besoin dâun outil de rĂ©fĂ©rence. La conservation des contenus, que nous percevons comme un rĂ©flexe naturel est en rĂ©alitĂ© dictĂ© par un contexte, qui peut Ă©voluer. Pour les images, la situation dâabondance est trĂšs nouvelle. La volontĂ© de rassembler tous les livres existe depuis Alexandrie. Il y a eu des pinacothĂšques, mais il nây a jamais eu de BNF des images. YouTube ou Google Images offrent des ressources auxquelles nous nâavons jamais eu accĂšs. Câest bien une rĂ©volution de la consultation plus que de la production. Cette rĂ©flexion est liĂ©e aux transformations de la pĂ©riode rĂ©cente et notamment au dĂ©placement de lâinvestissement social du grand public de lâespace institutionnel vers lâespace personnel. Dans les annĂ©es 1960, les modĂšles sociaux ont le vent en poupe les partis et les syndicats sont les modĂšles dâorganisation de la sociĂ©tĂ©, alors que la famille, jugĂ©e conservatrice, est dĂ©valorisĂ©e. Aujourdâhui, câest lâinverse. La famille est au premier rang de lâinvestissement social. Le succĂšs de Facebook sâexplique si lâon prend en compte ce grand dĂ©placement de la confiance ou de la dĂ©fiance selon le point de vue oĂč lâon se place. Tous les Ă©lĂ©ments en perte de vitesse sont marquĂ©s du sceau des institutions, alors que tout ce qui est marquĂ© du sceau du personnel est valorisé⊠Et toute lâĂ©conomie du signalement de Facebook est circonscrite Ă cette dynamique. Ce ne sont pas tant les capacitĂ©s particuliĂšres de Facebook qui font son succĂšs, que ce quâil valorise le local, la dimension personnelle, le groupe dâamis comme nouveau noyau social. Dans cette dynamique, lâimage est bien sĂ»r situĂ©e du cĂŽtĂ© de la culture privĂ©e. Lâimage est lâune des choses quâon nâapprend pas Ă lâĂ©cole. Elle se situe du cĂŽtĂ© du modĂšle de lâinvestissement personnel lâexplosion de lâimage ne sâexplique pas seulement parce que câest une ressource abondante, facile Ă produire, mais surtout, parce quâelle est pour chacun de nous quelque chose dâintime et de proche. Elle appartient Ă notre culture personnelle, celle, sauvage », que nous avons construit nous-mĂȘmes, comme nous construisons ce que nous cherchons sur Google. Le fonctionnement sĂ©mantique de lâimage est plus fluide, moins fixĂ© que la transmission du langage ou dâautres formes dâinformation codĂ©e. Cela tient en partie Ă la dimension sĂ©miotique particuliĂšre de lâimage, mais surtout au facteur culturel. Tout ce qui appartient Ă la culture sauvage bouge, circule. Les significations vĂ©hiculĂ©es par lâimage ont un grand caractĂšre de fluiditĂ©, de plasticitĂ©. Lâimage est un outil pour jouer, pour produire du sens second, de la dĂ©rivation⊠La contrepartie, câest le risque de la mĂ©comprĂ©hension, la mĂ©sinterprĂ©tation⊠La plasticitĂ© de lâimage comporte en elle-mĂȘme une ambiguĂŻtĂ© native, qui favorise par exemple la publicitĂ© ou Ă la propagande⊠La question de notre environnement numĂ©rique interroge en profondeur le passage dâun espace personnel, devenu si dense, Ă un espace public, devenu multiple. Paradoxalement, est-ce que lâabondance de contenus ne signe pas la fin de leur conservation ? AndrĂ© Gunthert On nâa jamais tout conservĂ©. La photo est dâailleurs un trĂšs bon exemple on a perdu bien plus dâimages quâon nâen a gardĂ©es, et câest probablement tant mieux. Pourquoi ? Parce quâon ne peut pas appliquer les mĂȘmes critĂšres Ă la production familiale ou privĂ©e quâĂ lâoeuvre dâart. Lâimage a diffĂ©rentes fonctions et notamment certaines qui sont de consommation rapide et pĂ©rimable. Il faut remettre en contexte nos usages des images. On sâaperçoit alors quâil y a de nombreux cas oĂč lâimage ne sert que de façon trĂšs provisoire⊠Il y a plusieurs usages de lâimage comme il existe diffĂ©rents types de mĂ©moire moyen, court et long terme. Lâusage rĂ©cent de photographier le numĂ©ro de sa place de parking est un exemple dâinformation qui nâa aucune pertinence Ă long terme. Lâerreur est dâappliquer des raisonnements liĂ©s aux modĂšles de lâarchive Ă des activitĂ©s qui nâont pas vocation Ă en gĂ©nĂ©rer. Sur Facebook on poste beaucoup dâimages. Mais on en dĂ©truit aussi beaucoup. Lâusage de la photo sur Facebook est un usage relationnel. Une fois quâelle a rempli sa fonction crĂ©er du lien, une fonction qui dure entre 24 et 72h, elle nâa plus lieu dâĂȘtre. Bien sĂ»r, pour les lettrĂ©s, comme les blogueurs, le reflexe de la conservation et de la collection est dans nos gĂšnes. On a commencĂ© Ă rĂ©flĂ©chir avec des bibliothĂšques⊠La collection, câest les LumiĂšres, la naissance du British Museum, câest-Ă -dire le moment oĂč on transforme les cabinets de curiositĂ© en rĂ©serves de savoir, en corpus organisĂ©s, en outil culturel. Ce sont des collectionneurs qui ont inventĂ© lâhistoire, lâarchĂ©ologie. Notre rapport au savoir et Ă la politique se transforme Ă partir de lĂ . Cette organisation du rĂ©el se perpĂ©tue, mais une autre logique se superpose celle dâune consommation immĂ©diate et trĂšs rapide des contenus. Jâai perdu successivement 5 ou 6 bases bibliographiques composĂ©es avec Zotero, perdant avec dĂ©pit plusieurs milliers de rĂ©fĂ©rences. Mais je me suis rendu compte que je ne les consultais pas. Nous subissons une pression du prĂ©sent, qui mange le passĂ©. Tout se passe comme si lâoffre de nouveaux contenus Ă©tait de toute façon plus importante que le reste. Notre comportement par rapport Ă lâarchive se modifie. Parmi mes collections, les DVD que jâai achetĂ©s depuis 10 ans sont probablement ceux que jâai le moins reconsultĂ©s. Comme pour la technologie, oĂč le meilleur modĂšle est toujours celui dâaprĂšs-demain, notre attention est en permanence sollicitĂ©e par la promesse, ce qui sâarticule mal avec la mobilisation de nos dĂ©sirs passĂ©s. Nos collections prennent la poussiĂšre, sâĂ©tiolent et meurent sans mĂȘme quâon sâen aperçoive. Ajoutons que dans les discussions que nous avons aujourdâhui sur lâarchive, la vision quâon a de la conservation est souvent idĂ©alisĂ©e. Il faudrait aussi rappeler la dimension contraignante de lâarchive. La rĂ©alitĂ© de lâarchive, câest le contrĂŽle de son accĂšs. Notre nouvelle situation, celle de lâaccĂšs permanent, pose de nombreux problĂšmes, mais ce quâelle nous ouvre en termes de ressources est sans commune mesure avec lâĂ©tat antĂ©rieur. Pour lâinstant, ce quâon a gagnĂ© avec internet est plus prĂ©cieux que ce que lâon a perdu. Chez les plus jeunes, je constate que lâidĂ©e de collection est Ă©trange. LâidĂ©e dâacheter des choses pour les garder les surprend. Ils ont du mal Ă comprendre lâutilitĂ© de lâarchive ils vivent sur lâidĂ©e de lâabondance des contenus, de la disponibilitĂ© permanente et perpĂ©tuelle des images, orientĂ©e vers le futur et non pas vers le passĂ©. Il y a des serveurs qui, magiquement, maintiennent disponibles un contenu dĂ©sirable⊠Le contenu de demain sera toujours plus dĂ©sirable que le contenu de la veille, et si tu ne trouves pas ce que tu cherches, tu as toujours Ă ta disposition un contenu de remplacement. Sur Youtube, il y a toujours une rĂ©ponse. La sĂ©rendipitĂ© est comme une pertinence seconde, qui vient se substituer Ă la rĂ©ponse exacte. Ce que vous dĂ©crivez Ă une consĂ©quence⊠Le monde est restreint Ă ce qui est disponible. Ce qui ne lâest pas nâexiste pas⊠AndrĂ© Gunthert Oui, la question est bien celle de la disponibilitĂ©. Pour exister aujourdâhui dans lâespace culturel, il faut exister dans cet Ă©cosystĂšme lĂ . Vous dessinez la problĂ©matique dâune histoire de la consultation dâinternet⊠AndrĂ© Gunthert La consultation est difficile Ă dĂ©crire. Alors que la production est souvent interprĂ©tĂ©e Ă partir dâune observation au cas par cas, sur le modĂšle de lâoeuvre, la consommation est mesurĂ©e globalement, de façon statistique. Je pense que le paysage de la consultation ne pourra apparaĂźtre quâĂ partir dâune observation beaucoup plus rapprochĂ©e et plus prĂ©cise. Sur mon blog, jâessaie dâenregistrer des exemples en contexte Comment nos enfants, en faisant des recherches sur Youtube, lui adressent leurs rĂȘves ? Pour eux, câest dĂ©jĂ un rĂ©flexe Ă©vident. Il y a lĂ de nouvelles problĂ©matiques Ă crĂ©er. On peut regarder le dĂ©veloppement de jeux sociaux. La visualisation en commun de vidĂ©os Ă succĂšs, dans un contexte amical ou familial, par exemple. Typiquement, câest la tante qui nâa pas vu ses neveux depuis longtemps, et qui leur propose de regarder ensemble des vidĂ©os sur son ordinateur. A la maniĂšre des jeux de cartes Panini quâon Ă©changeait dans les cours de rĂ©crĂ©ation, il y a lĂ un nouveau rituel social, un Ă©quivalent du conte de fĂ©es racontĂ© au coin du feu ou de la priĂšre avant de sâendormir. Les vidĂ©os vidĂ©o gags, hits, publicitĂ©s originales⊠servent de monnaie dâĂ©change pour fabriquer du lien social. On Ă©change de petits objets qui ne coĂ»tent pas cher mais, dont la consommation en commun est prĂ©cieuse, sur le modĂšle anthropologique du don contre-don. Bien sĂ»r, comme le soulignait le sociologue Sylvain Maresca, dans un rĂ©cent billet Ă©voquant la non-utilisation dâĂ©cran photo connectĂ© par certains membres dâune famille, lâinstallation dâune nouvelle culture ne se fait pas sans exclusion. La culture est un combat identitaire, qui ne va pas sans perte ni sans douleur. Et la mĂ©moire alors ? AndrĂ© Gunthert Le discours sur la perte des donnĂ©es numĂ©riques est un leurre. Nous avons aujourdâhui un problĂšme de trop-plein, de tri et de sĂ©lection. Ce dont on a besoin câest dâune bonne gestion de lâoubli. La discussion sur le droit Ă lâoubli initiĂ©e par la secrĂ©taire dâEtat Ă lâĂ©conomie numĂ©rique est mal posĂ©e, mais elle demeure une bonne question face Ă lâunivers numĂ©rique qui par dĂ©faut conserve tout⊠Ce qui est vite ingĂ©rable. Gmail propose de conserver par dĂ©faut tous nos mails. Tout y est accumulĂ©, mais le tri sâeffectue grĂące Ă notre mĂ©moire rĂ©elle par ce dont on arrive Ă ce souvenir. Ce quâon a oubliĂ©, câest ce qui nâĂ©tait pas important. Câest parce quâon ne lâa pas oubliĂ© quâon sait comment retrouver un vieux mail dâil y a trois ans ! Nous avons trop de mĂ©moires numĂ©riques. La bonne rĂ©ponse nâest pas la mĂ©moire, mais lâhistoire. Lâhistoire, câest ce qui reste quand on a fait le tri, ce quâon a jugĂ© important, ce qui fait sens. Lâune des rĂ©ponses que jâai dĂ©veloppĂ©es sans mâen rendre compte avec ARHV puis Culture Visuelle, câest de faire lâhistoire en cours de route, dâessayer aussi vite que possible dâinterprĂ©ter, de fixer une signification, de focaliser sur les Ă©lĂ©ments symptomatiques⊠Produire du sens est une rĂ©ponse efficace en termes de gestion de lâinformation. Lâimportant, ce nâest peut-ĂȘtre pas les collections de photos quâon amasse, mais lâacte de produire la photo. Comprendre pourquoi prendre une photo est important au moment oĂč on la prend, plutĂŽt que pour sa pseudo-valeur mĂ©morielle. Ce sont les nouvelles questions qui sâouvrent Ă partir de lâobservation des outils dâaujourdâhui. Propos recueillis par Hubert Guillaud, le 27 janvier 2010. AndrĂ© Gunthert est maĂźtre de confĂ©rences Ă lâEcole des hautes Ă©tudes en sciences sociales EHESS, il dirige le Laboratoire dâhistoire visuelle contemporaine Lhivic, premiĂšre Ă©quipe de recherche française consacrĂ©e aux visual studies, quâil a créé en 2005. Il a fondĂ© en 1996 la premiĂšre revue scientifique francophone consacrĂ©e Ă lâhistoire de la photographie, Etudes photographiques, quâil a dirigĂ©e jusquâen 2008. Ses travaux actuels portent sur les nouveaux usages des images numĂ©riques et les formes visuelles de la culture populaire. Il a lancĂ© rĂ©cemment une plateforme de blogs consacrĂ©e Ă la culture visuelle, sur laquelle il tient son propre carnet de recherche, quâil faut complĂ©ter par son bloc-note personnel. Image AndrĂ© Gunthert lors dâune rĂ©cente intervention prĂ©sentant Culture Visuelle, par Didier Roubinet. Pour lâĂ©tĂ©, InternetActu vous propose de revenir sur les usages dâinternet en compagnie de quelques-uns des chercheurs, sociologues, anthropologues, psychologues qui nous aident Ă comprendre lâinternet. LâintimitĂ© au travail Ă©galement disponible en format numĂ©rique est un livre Ă mi-chemin entre le documentaire et le pamphlet. Lâanthropologue Stefana Broadbent, qui travaille au Laboratoire dâanthropologie numĂ©rique du CollĂšge universitaire de Londres, y fait une dĂ©monstration aussi puissante quâĂ©vidente sur lâaliĂ©nation du monde du travail, plus aboutie encore quâelle ne lâavait fait Ă TED Global ou Ă Lift France. Elle montre dâabord lâimportance quâont acquis en quelques annĂ©es nos communications personnelles. Plus que de nous relier au Village Global », tous les canaux de communication que nous utilisons servent avant tout Ă communiquer avec une poignĂ©e de gens trĂšs proches se rĂ©sumant le plus souvent au cercle familial. Elle montre ensuite lâaliĂ©nation que reprĂ©sente la sĂ©paration artificielle entre la vie privĂ©e et la vie professionnelle et combien nos pratiques de communication personnelle durant lâactivitĂ© professionnelle cherchent Ă rĂ©tablir lâĂ©quilibre affectif duquel nous sommes exclus. Le livre dĂ©fend la thĂšse que plutĂŽt que de chercher Ă restreindre la communication personnelle sur les lieux de travail, les organisations auraient intĂ©rĂȘt Ă la faciliter, car elle est fondamentalement bĂ©nĂ©fique au travail et Ă lâapprentissage. Câest fort de ce propos affirmĂ© avec conviction, que nous avons voulu rencontrer Stefana Broadbent pour continuer Ă comprendre, avec elle, les mutations de nos Ă©changes. Interview. Dans votre livre vous Ă©voquez les Ă©volutions de nos lieux de travail, mais assez peu les Ă©volutions de la maison, du foyer familial⊠Stefana Broadbent Jâai hĂ©sitĂ© Ă faire un chapitre sur le sujet. Pourtant, oui, notre rapport Ă lâespace domestique nâa cessĂ© de changer, notamment Ă mesure que se modifiait notre rapport au travail. On a transformĂ© les espaces de travail en espaces clos, privĂ©s en mĂȘme temps quâon vidait les maisons des fonctions de travail quâelles occupaient jusquâau XIXe siĂšcle. Câest ce mouvement quâĂ©voque trĂšs bien lâhistorien Philippe AriĂšs, montrant que quand les bourgeois ont commencĂ© Ă travailler en dehors de leurs propriĂ©tĂ©s, la maison est devenue un refuge. Le lieu de travail a exclu les communications privĂ©es, et le lieu privĂ© a exclu lâextĂ©rieur. Dans mes recherches, jâai Ă©tĂ© frappĂ© de constater combien il y avait peu de visites extĂ©rieures dans la maison. Rares sont les personnes, extĂ©rieures au foyer qui y soient invitĂ©. Le nombre de visites extĂ©rieures est globalement trĂšs faible. La privatisation de la maison a conduit Ă sa fermeture au monde extĂ©rieur. Mais si rares sont les visiteurs physiques qui en franchissent le seuil, les visites virtuelles sont plus nombreuses. La maison est assez permĂ©able aux communications. Quand on observe les usages de Skype ou des messageries instantanĂ©es, on constate quâil est frĂ©quent que les gens ouvrent une fenĂȘtre vidĂ©o sur un autre espace. Plus que dâavoir une conversation directe et limitĂ©e, les gens utilisent ces systĂšmes de maniĂšre immersive on accĂšde Ă la piĂšce de lâautre, on peut bouger, voir ce que lâautre fait, parfois mĂȘme diner ensemble et Ă distance⊠Skype dâailleurs travaille beaucoup Ă rendre son systĂšme accessible via la tĂ©lĂ©vision, car ils se sont rendu compte que lâusage repose plus sur la communication entre espaces que sur le dialogue en face Ă face. Jâai eu lâoccasion de le dire aux fabricants de webcams, leur expliquant quâil serait certainement judicieux de proposer des webcams avec des angles plus larges⊠Mais ce nâest visiblement pas les produits quâils ont lancĂ©s. Ils prĂ©fĂšrent les machines qui suivent les personnes et qui ont un angle assez restreint⊠RĂ©sultat, pour lâinstant, les gens se baladent avec leurs camĂ©ras pour montrer Ă leurs interlocuteurs ce quâils ont Ă leur montrer. Image Stefana Broadbent sur la scĂšne de TED Global en 2009. A quoi nous servent les multiples canaux de communications et ils sont dâautant plus nombreux que leur nombre nâa cessĂ© dâaugmenter que nous utilisons ? A ĂȘtre reliĂ© au village global ? A ĂȘtre disponible Ă tous et tout le temps ? Ou Ă nâĂȘtre disponible quâĂ nos proches ? Stefana Broadbent 80 % de nos Ă©changes rĂ©guliers se font toujours avec les mĂȘmes 4-5 personnes. Bien sĂ»r, dans les 20 % qui restent, il y a beaucoup de variabilité⊠Les Ă©tudes sur Facebook ont montrĂ© que malgrĂ© nos 120 amis en moyenne, ceux avec lesquels ont Ă©change rĂ©ellement sont peu nombreux. Alors que nous avons tous un grand nombre de personnes disponibles dans les rĂ©pertoires de nos tĂ©lĂ©phones mobiles, dans les listes de contacts de nos messageries instantanĂ©es, dans nos rĂ©pertoires dâe-mails, sur les rĂ©seaux sociaux que ce soit Facebook, Cyworld ou MixiiâŠ, la rĂ©alitĂ© de lâĂ©change rĂ©gulier est que nous communiquons avec peu de personnes et souvent les 4-5 mĂȘmes. DĂšs quâon demande aux personnes de regarder eux-mĂȘmes la rĂ©alitĂ© de leurs Ă©changes, tout le monde lâadmet. Ce que jâai essayĂ© de montrer, câest les raisons de cela. Il y a des canaux qui ne peuvent ĂȘtre dĂ©diĂ©s quâĂ trĂšs peu de personnes ce sont les canaux synchrones, qui ont tendance Ă ĂȘtre plutĂŽt vocaux comme le tĂ©lĂ©phone ou Skype. OĂč est lĂ dans la gestion de la relation. Bien souvent, on Ă©change avec des personnes avec lesquelles lâappel a dĂ©jĂ Ă©tĂ© nĂ©gociĂ© par SMS, par tchatâŠ. La synchronicitĂ© favorise le fait quâon Ă©change avec peu de personnes. Un utilisateur de Skype appelle en moyenne toujours les 2 mĂȘmes personnes. Demander lâattention immĂ©diate de quelquâun comme on le fait quand on appelle, est un acte socialement trĂšs chargĂ©. Car donner de lâattention Ă quelquâun veut dire lui donner un statut Ă©levĂ© et inversement, la personne qui donne lâattention se met dans une position de statut infĂ©rieur. On hĂ©site donc Ă demander de lâattention Ă des personnes que lâon estime de statut supĂ©rieur ou que lâon connait mal son chef, une femme dont on est amoureux, etc.. Câest pour cette raison que la voix est dĂ©diĂ© essentiellement aux intimes ou aux personnes avec qui les problĂšmes de statut ont Ă©tĂ© rĂ©solus. Dâautres canaux peuvent ĂȘtre dĂ©diĂ©s Ă plusieurs personnes. Ce sont souvent des canaux asynchrones qui ont tendance Ă ĂȘtre Ă©crits plus que vocaux, comme lâe-mail. Avec lâe-mail, il faut distinguer lâe-mail professionnel de lâe-mail privĂ©. Ce dernier est de plus en plus dĂ©diĂ© Ă des activitĂ©s semi-administratives Ă la maison rĂ©servation, communication avec des institutions â Ă©coles, associationsâŠ. Câest le canal semi-professionnel de la maison. Mais on y trouve aussi des conversations privĂ©es, qui lĂ aussi, bien souvent, concernent peu de personnes. Lâe-mail demeure le canal dâenvoi des piĂšces attachĂ©es et notamment des photos privĂ©es, mais aussi des blagues et des Ă©changes de PowerPoint thĂ©matiques qui se regroupent en 4 thĂ©matiques selon Elena Angel, Ă©tudiante au dĂ©partement dâAnthropologie de lâUCL les diaporamas religieux, ceux sur le sens de la vie, ceux sur la nature et enfin les diaporamas politiques souvent nationalistes. Ce renfermement sur soi, sur la cellule familiale, sur les quelques proches avec lesquels on communique frĂ©quemment paraĂźt plutĂŽt inquiĂ©tant⊠Stefana Broadbent Avec la crise Ă©conomique et Ă©cologique, la question est de savoir si les noyaux familiaux restreints vont ĂȘtre soutenables. Allons-nous revenir Ă lâaccueil intergĂ©nĂ©rationnel dans les foyers ? Jâai tendance Ă penser que la crise va nous y forcer, que nous allons ĂȘtre contraints Ă nous regrouper dans des mĂȘmes espaces physiques. En mĂȘme temps, câest plutĂŽt le contraire quâon constate lâatomisation de la cellule familiale ! Stefana Broadbent Les personnes qui ont les communications les plus intenses sont souvent des personnes qui ont des problĂšmes financiers, des gens qui ne peuvent pas sortir de leur pays permis de sĂ©jour limitĂ©s, des familles Ă©clatĂ©es⊠Dans les maisons Ă revenus restreints, jâai toujours Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© de voir trĂŽner de grands Ă©crans de tĂ©lĂ©, alors que la taille de lâĂ©cran a une incidence directe sur son prix. On pourrait penser que dans les familles Ă petits revenus, la tĂ©lĂ© devrait ĂȘtre petite. Or câest bien le contraire quâon constate. Pourquoi ? Mais parce que câest lâensemble des activitĂ©s de loisirs qui passent par cet Ă©cran. On voit les films Ă lâĂ©cran plutĂŽt quâau cinĂ©ma, on joue sur la console plutĂŽt que de sâoffrir des vacances au ski⊠Plus les revenus sont restreints, moins on a des expĂ©riences de loisirs diffĂ©rentes. Câest la mĂȘme logique qui prĂ©side Ă ouvrir une fenĂȘtre Skype avec sa famille quand il est trop cher dâaller la voir. Pourquoi ses relations de proximitĂ©s sont-elles aussi intenses ? Pourquoi utilisons-nous tous ces canaux pour les raffermir ?Stefana Broadbent Contrairement Ă ce quâon a longtemps cru, lâinnovation sociale dans les comportements de communication nâa jamais Ă©tĂ© dans lâextension des contacts, mais dâabord dans la continuitĂ©, lâapprofondissement. La chercheuse Mimi Ito parle de conscience permanente permanent awareness. Nous sommes sensibles Ă lâĂ©tat de nos proches oĂč sont-ils le fameux OĂč es-tu ? » ? Que font-ils ? Comment se sentent-ils ? ⊠Dans les journaux de communication que nous demandons aux utilisateurs de tenir qui recensent et dĂ©crivent toutes leurs communications, on trouvait tout le temps des messages catĂ©gorisĂ© comme des descriptions de lâĂ©tat. Avec nos proches, nous voulons toujours avoir la sensation claire de leur Ă©tat. Maintenant, lâintensitĂ© des Ă©changes nâest pas aussi forte quâil y paraĂźt. Hormis des phases particuliĂšres de stress ou de relations intenses relations amoureuses notamment, on parle de 2 SMS par jour et un appel tĂ©lĂ©phonique pendant la journĂ©e en moyenne. Cette intensitĂ© culmine en moyenne Ă 7 Ă©changes par jour via des outils de communication, mĂȘme sâil y a de fortes variations individuelles il nâest pas rare de trouver des gens envoyer jusquâĂ 70 messages par jour. Ce qui donne cette impression dâintensitĂ© est que les comportements demeurent trĂšs stables jour aprĂšs jour. InternetActu Mais nâest-ce pas contradictoire de vouloir ĂȘtre tout le temps en communication avec les gens que nous voyons le plus ? Stefana Broadbent Sur ces questions, jâai discutĂ© avec des psychologues, mais beaucoup ont tendance Ă parler rapidement de dĂ©pendance⊠Les gens ne savent pas vivre seuls, ont besoin de satisfactions immĂ©diates⊠» Les thĂ©ories montrent que ce besoin est surtout liĂ© Ă la sĂ©paration et Ă lâattachement. Quand les gens doivent gĂ©rer de lâanxiĂ©tĂ©, souvent, ils tendent Ă sâappuyer sur des proches, Ă les interpeler pour gĂ©rer le moment de stress. Ce contact permet en fait de faire diminuer le stress, en en parlant. En observant la nature des communications des gens, on se rend compte que beaucoup des petits contacts que nous avons avec nos proches via les outils de communication moderne sont de cette nature. Bien sĂ»r, tous les Ă©changes quâon a nâont pas pour but de gĂ©rer uniquement lâanxiĂ©tĂ©, mais beaucoup de nos Ă©changes sont de cette nature, servant Ă partager un moment pĂ©nible, une contrariĂ©tĂ©, Ă lâanticiper Je suis bien arrivĂ© ! », Ă reprendre le contrĂŽle. Cela se voit encore plus quand les gens ne peuvent avoir accĂšs Ă des moyens de communication, comme quand ils sont empĂȘchĂ©s par les rĂšglements de leur entreprise ou quand ils ont perdu leur tĂ©lĂ©phone⊠Bien souvent, lâabsence du mobile gĂ©nĂšre une anxiĂ©tĂ© Ă©norme On ne va pas pouvoir ĂȘtre joint ». Dans notre sociĂ©tĂ© sĂ©curitaire, tous les gens justifient lâachat dâun mobile pour les situations dâurgence. Or, elles ne sont pas si frĂ©quentes. On voit bien quâil y a une association trĂšs forte entre lâoutil qui permet de gĂ©rer des situations dâurgence et le stress de son usage. Quand les gens sont dans des situations de restriction fortes, les oppositions Ă ces restrictions Ă©voquent dâabord et avant tout des questions de sĂ©curitĂ©s ou dâurgence. Quand on restreint lâaccĂšs des tĂ©lĂ©phones mobiles Ă lâĂ©cole, les parents sont bien souvent les premiers Ă sâen plaindre. Maintenant, il est vrai quâon constate dans notre sociĂ©tĂ© un surinvestissement sur la famille. Y-a-t-il pour autant une perte de la CitĂ©, de lâespace social ? On peut en dĂ©battre. La famille semble ĂȘtre devenue le seul point de repĂšre psychique, Ă©conomique, sĂ©curitaire⊠La dissolution de la communautĂ© sociale rend lâextĂ©rieur plus dangereux. DâoĂč certainement le fait quâon souhaite garder le lien, via la palette des outils qui nous sont disponibles, avec la seule chose qui semble sĂ»re la famille. Quel est le rĂŽle des catĂ©gories socioprofessionnelles sur nos communications ? LâĂ©tendue du rĂ©seau social est-elle proportionnelle au niveau de revenu ? Quels sont les effets de la variĂ©tĂ©, la diversitĂ© des relations ? Le tĂ©lĂ©phone mobile de mon collĂšgue ne lui sert quâĂ communiquer avec sa femme, mais celui de mon patron aussi ! Stefana Broadbent Dans le cadre des communications privĂ©es, on ne constate pas de diffĂ©rences sociales entre le patron et le collĂšgue. En ce qui concerne lâimportance et lâintensitĂ© de nos Ă©changes de proximitĂ©s, nous sommes tous dans le mĂȘme bain. Jâai commencĂ© un projet sur les sans-abris de Londres⊠Et je constate que dans les centres sociaux oĂč ils dorment, ils cherchent la prise Ă©lectrique pour charger leurs mobiles ; dans les bibliothĂšques oĂč ils passent leurs journĂ©es, ils prennent dâassaut les ordinateurs pour se connecter Ă Facebook⊠Pour beaucoup, ils ressemblent Ă nâimporte quels Ă©tudiants. Mais ce nâest pas tant la catĂ©gorie sociale de lâindividu qui compte, que lâactivitĂ© quâil fait. Plus on est dans des activitĂ©s de type cols bleus, plus il y a de contrĂŽles de vos communications privĂ©es. On peut dâailleurs Ă©valuer une organisation aux rĂšgles de restriction quâelle impose sur les canaux privĂ©s. Plus il y a de filtrages, dâinterdiction et plus la structure est organisĂ©e avec une forte dĂ©composition des tĂąches, une organisation du travail fondĂ© sur le temps passĂ© plutĂŽt que sur la rĂ©ussite du projet. A lâinverse, les organisations qui laissent de la libertĂ© sont fondĂ©es sur lâautonomie du travail et la rĂ©ussite des objectifs. Les cols bleus sont plus contrĂŽlĂ©s que les cols blancs qui ont plus dâautonomie. DerriĂšre cette distinction, Ă mon sens, il y a vraiment un modĂšle social de domination. La hiĂ©rarchie distingue des gens auxquels on peut se fier et ceux auxquels on ne peut pas se fier. Selon votre niveau hiĂ©rarchique, vous avez ou pas accĂšs Ă votre mobile personnel, Ă YouTube, Ă Facebook⊠Votre livre dĂ©montre lâimportance des communications intimes au travail. Mais plutĂŽt que de chercher Ă les rĂ©duire ou les faire disparaĂźtre, vous suggĂ©rez quâil faut les faciliter pour Ă©viter les tensions et le stress, accroitre lâacceptabilitĂ© du travail⊠Quâil faut apprendre Ă lâintĂ©grer plutĂŽt quâĂ la combattre⊠Stefana Broadbent Jâai beaucoup regardĂ© les questions de contrĂŽle, notamment le contrĂŽle aĂ©rien, nuclĂ©aire ou de transport [NDE voir lâĂ©tonnant dĂ©montage dâun accident de transport amĂ©ricain que Stefana rĂ©alisa pour Lift France et dont nous vous avions rendu compte par le dĂ©tail]. Bien souvent, dans les incidents qui ont lieu dans ce secteur on recherche le facteur humain en cause. Ce que mâont montrĂ© 30 ans de recherches dans le domaine, câest quâon ne peut pas rĂ©duire le rĂŽle de lâopĂ©rateur Ă un rĂŽle de monitoring pur. Cela ne marche pas ! On ne peut pas rester inactif et en Ă©tat de veille pendant des heures. Dâautant plus quand les gens peuvent avoir entre les mains des outils qui suscitent leur intĂ©rĂȘt⊠Câest Ă©vident quâils vont avoir tendance Ă les utiliser, malgrĂ© les interdictions. A la fin, on punit lâemployĂ©, mais on ne se pose pas la question de ce qui a rendu le travail inintĂ©ressant. VidĂ©o Stefana Broadbent sur la scĂšne de Lift France 2010 par Thierry Weber. Or, il faut comprendre comment est organisĂ© le travail aujourdâhui. Ces 20 derniĂšres annĂ©es, grĂące aux TIC, on a isolĂ© les travailleurs, on les a instrumentalisĂ©s, divisĂ©s⊠JusquâĂ lâintroduction des tĂ©lĂ©phones mobiles, on pouvait encore compter sur la prĂ©sence, sur lâattention de lâemployĂ©, mais depuis⊠Les mobiles font resurgir toutes les failles de lâorganisation du travail telle quâon lâa construite. Bien sĂ»r, la rĂ©action consiste trop souvent Ă contrĂŽler, punir, restreindre⊠Alors que câest le travail lui-mĂȘme quâil faut repenser. On ne peut pas avoir un niveau croissant dâĂ©ducation, dâautonomisation, dâhabileté⊠et un contexte de travail aussi pauvre socialement et cognitivement ! Que pensez-vous de lâargument de Nicholas Carr selon lequel nous outils modifieraient nos capacitĂ©s cognitives en rĂ©duisant notre capacitĂ© dâattention et de concentration ? Stefana Broadbent PlutĂŽt que de regarder tous nos canaux de communication comme des distractions, je pense quâil faudrait plutĂŽt regarder comment le contrĂŽle de lâattention est devenu un thĂšme crucial. Qui peut contrĂŽler son attention et qui nâen a pas le droit ? A qui donne-t-on le droit de la contrĂŽler ? Il y a une distinction sociale de lâattention qui me semble prĂ©pondĂ©rante. Lâattention est sociale et non pas cognitive. Carr la regarde comme une capacitĂ© personnelle, Ă©conomique â ne parle-t-on pas de dĂ©pense » ? Or il y a un dĂ©saccord social profond de ce sur quoi nous devons ou pouvons porter attention. Le systĂšme scolaire est totalement construit autour du contrĂŽle de lâattention, un contrĂŽle que nâaurait pas reniĂ© Michel Foucault on isole les enfants, on ne les laisse pas parler entre eux, il y a une figure centrale et toute puissante et toutes les sanctions tournent autour de lâattention. Or nos outils permettent aux gens de devenir plus autonomes et notamment dans leur attention. Câest cet hiatus entre autonomie et contrĂŽle qui créé dĂ©bat. Or, le problĂšme nâest pas tant lâattention que lâobjet de lâattention. On dit que les gens gaspillent leur attention, mais la question est plutĂŽt de savoir ce sur quoi ils la gaspillent. Si on regarde plutĂŽt ce sur quoi les gens portent de lâattention, on change dâenjeu. Je suis plus sceptique sur le changement de type neurologique ou mental quâĂ©voque Carr. Ce type de changement est lent. On assiste plutĂŽt, il me semble, Ă une transformation des relations entre individus et institutions, plutĂŽt quâĂ une modification de nos capacitĂ©s cognitives. Câest dâailleurs ce dont je parle dans ce livre on assiste Ă une rupture des croyances que lâon peut avoir sur lâattention, la productivitĂ©, le travail. Certes, il est dĂ©solant que quelquâun prĂ©fĂšre regarder Lady Gaga plutĂŽt que dâĂ©couter un cours. Mais la question est autre. Pourquoi Lady Gaga est-elle plus attirante quâun cours ? Lâappauvrissement, la simplification du discours, le fait de tout traduire en contenus Ă©motionnels, comme on le trouve dans une grande partie de la presse, sont-ils un effet des canaux de communication ou dâune transformation des contenus mĂ©dias ? On traite toujours lâattention comme un phĂ©nomĂšne de type ressource individuel ». Le plus souvent on utilise dâailleurs une mĂ©taphore Ă©conomique pour la dĂ©signer comme une ressource rare. Je pense quâil faut la regarder dâun point de vue social. Lâattention est dâabord relationnelle. Quand je donne de lâattention Ă quelquâun, je lui donne dâabord un statut. Le statut social est liĂ© Ă lâattention. Quand on donne de lâattention, on place la personne dans un statut de supĂ©rioritĂ©. Quand on reçoit de lâattention, câest nous qui sommes placĂ©s dans un statut de supĂ©rioritĂ©. Certains canaux demandent plus dâattention que dâautres, comme ceux qui utilisent la voix, les communications synchrones. Dâailleurs, Ă une Ă©poque oĂč il nây avait pas dâautres canaux, il y avait une tolĂ©rance bien plus forte Ă lâinterruption. Aujourdâhui, lâappel non planifiĂ© devient une imposition forte. On interrompt donc sa mĂšre ou son Ă©pouse, mais câest notre patron qui nous interrompt⊠Les canaux asynchrones, comme Facebook, sont particuliĂšrement polis ils ne demandent lâattention de personne, car personne nâa lâobligation de rĂ©pondre. Quand ils le font, câest vraiment un cadeau. Le risque demeure quâil se banalise, quâil créé ses contraintes ou quâon nây parle Ă personne. Quand on regarde dâautres canaux, plus Ă©troits, les obligations sont souvent plus fortes, comme sur Cyworld. Mais ce nâest pas vrai de tous. On est moralement obligĂ© de rĂ©pondre aux mails, car les gens attendent une rĂ©ponse. Le stress et la fatigue de lâe-mail sâexpliquent ainsi on ne peut se cacher des rĂ©ponses que lâon doit. Si je ne rĂ©ponds pas, je viole la rĂšgle, celle de lâengagement rĂ©ciproque tacite. Câest pourquoi les gens donnent plus facilement leur adresse Facebook que leurs mails. Les nouvelles technologies ont-elles changĂ© la nature de la confiance Ă lâoeuvre entre les gens ?Stefana Broadbent Dans mon livre, jâĂ©voque le cas de St Paulâs, une des Ă©coles secondaires les plus prestigieuses de Grande-Bretagne, dont les rĂ©sultats sont exceptionnels et qui a dĂ©cidĂ© dâouvrir lâĂ©cole aux mĂ©dias sociaux en permettant aux Ă©lĂšves dây amener et dây utiliser tous les appareils quâils veulent. MĂȘme dans cette Ă©cole, on sait quâil y aura des abus et des problĂšmes, mais on les utilise pour discuter. On profite quâon est dans un lieu dâapprentissage pour Ă©laborer une conscience des comportements sociaux Ă avoir avec ces technologies. Lâapprentissage est dâabord collectif et intĂ©riorisĂ©. Lâabus le plus frĂ©quent, câest lâabus de confiance. Quelquâun prend une photo dâune personne en situation ridicule ou dangereuse et la transmet Ă tout le monde. Avant dâĂȘtre un problĂšme technologique, il y a lĂ un abus de confiance manifeste. Nous cherchons tous Ă Ă©laborer des comportements et des rĂšgles autour des nouvelles technologies. Dans certaines situations, des normes sociales vont apparaĂźtre, dans dâautres cas, la sociĂ©tĂ© va Ă©laborer des lois pour les imposer. Aujourdâhui, mes Ă©tudiants ne prennent plus de notes. Ils enregistrent tous nos propos quittent Ă crĂ©er des montages pour les rĂ©exploiter ensuite hors de contexte. Que dois-je faire ? Dois-je changer ma façon dâenseigner ? Dois-je traiter toutes les conversations comme quelque chose dâofficiel ? Je crois que la seule façon de voir est de discuter au cas par cas. Tout cela est tellement nouveau, il faut quâon utilise les cas pour Ă©laborer la norme qui nous permettra de vivre harmonieusement avec ces technologies. Un article rĂ©cent sur le sujet dans le New York Times, montrait lĂ encore quâon ne peut pas traiter autrement les cas dâintimidation en ligne que par la pĂ©dagogie. Mais on trouve plutĂŽt des Ă©coles qui confisquent et brouillent les tĂ©lĂ©phones. Lâattitude de fermeture est bien souvent le choix du moindre mal, plus quâun choix militant, hĂ©las. La question reste de savoir si les abus sont si frĂ©quents que cela. Les mĂ©dias les mettent en avant, car ils portent des questions sur le processus dâĂ©laboration des normes sociales. Ce sont des sujets dont on peut discuter. Il me semble surtout quâils ressortent parce quâils permettent de discuter de la norme, de dire ce qui est acceptable et ce qui ne lâest pas. Propos recueillis par Hubert Guillaud le 29 mars 2011. La lecture de la semaine, il ne sâagit pas comme dâhabitude de la traduction dâun texte anglo-saxon, mais de ma lecture du dernier livre de Michel Houellebecq, La Carte et le territoire, paru Ă la fin du mois dâaoĂ»t aux Ă©ditions Flammarion. Je ne vais pas faire une critique littĂ©raire de ce livre, rassurez-vous, dâautres, et ils sont nombreux, sâen sont largement chargĂ©. Mais il est possible â en tout cas câest ce qui mâa frappĂ© -, dâen faire une lecture sous lâangle des technologies. On sait Michel Houellebecq intĂ©ressĂ© par les questions scientifiques. Il est ingĂ©nieur de formation dâabord ingĂ©nieur agronome, puis il a fait ensuite de lâinformatique, Les particules Ă©lĂ©mentaires avaient lâaspect, en bien des passages, dâun manuel de physique, et La possibilitĂ© dâune Ăźle Ă©tait aussi une rĂ©flexion sur les utopies posthumaines dont on sait Ă quel point elles sont importantes dans les problĂ©matiques numĂ©riques souvenons-nous les rapports entretenus par Google, pour ne citer que Google, avec le transhumanisme et autres thĂ©ories de la SingularitĂ©, qui, pour aller vite, postulent un avenir oĂč les technologies pourraient rĂ©soudre bon nombre des problĂšmes humains, la mort notamment. Avec La Carte et le territoire, le questionnement est moins immĂ©diat. Le livre raconte la vie dâun artiste, Jed Martin, qui va connaĂźtre gloire et fortune avec une oeuvre qui a consistĂ© dâabord Ă photographier des cartes Michelin, puis Ă peindre Ă lâhuile des personnes au travail, et enfin, dans le dernier temps de sa vie, Ă faire des photos Ă©tranges, de la nature et dâobjets, comme les cartes mĂšres dâordinateur qui filmĂ©es, sans aucune indication dâĂ©chelle, Ă©voquent dâĂ©tranges citadelles futuristes ». Les lieux oĂč Houellebecq Ă©crit vraiment, câest-Ă -dire oĂč il semble se soucier quelque peu de la langue, sont dâailleurs les longs passages oĂč il dĂ©crit ces oeuvres, ravivant avec pas mal de talent il faut dire le vieux genre de lâexphrasis WikipĂ©dia. Mais lâessentiel pour nous est dâailleurs. Il est dans trois moments qui sont moins spectaculaires que lâouting de Jean-Pierre Pernault, mais nettement plus intĂ©ressants et importants pour la progression globale du livre. Et dâabord deux longues conversations dans lesquelles, comme souvent chez Houellebecq, sont abordĂ©es des questions thĂ©oriques. Or dans ces deux conversations, est rĂ©animĂ©e une figure passionnante de lâhistoire de lâart et de la pensĂ©e, William Morris. William Morris WikipĂ©dia est un personnage important du 19e siĂšcle britannique. Ecrivain, traducteur des sagas nordiques, Ă©diteur, architecte, entrepreneur, thĂ©oricien de ce que lâon a considĂ©rĂ© comme le design moderne, proche des prĂ©raphaĂ©lites, et trĂšs engagĂ© dans les mouvements socialistes. Je note que si William Morris nâest pas trĂšs connu en France, sa pensĂ©e continue dâirradier en Grande-Bretagne, ce nâest pas un hasard si dans la mobilisation rĂ©cente des artistes britanniques contre les rĂ©ductions du budget de la Culture, câest une phrase de William Morris qui a Ă©tĂ© choisie pour lâaffiche publicisant cette mobilisation Facebook. Revenons Ă Houellebecq. Et Ă la premiĂšre conversation, celle qui a lieu entre Jed Martin et son pĂšre, un architecte qui a oubliĂ© ses idĂ©aux de jeunesse pour gagner sa vie dans la construction de stations balnĂ©aires. Voici ce que Jean-Pierre Martin explique Ă son fils Pour les prĂ©raphaĂ©lites, comme pour William Morris, la distinction entre lâart et lâartisanat, entre la conception et lâexĂ©cution, devait ĂȘtre abolie tout homme, Ă son Ă©chelle, pouvait ĂȘtre producteur de beautĂ© â que ce soit dans la rĂ©alisation dâun tableau, dâun vĂȘtement, dâun meuble â ; et tout homme avait le droit, dans sa vie quotidienne, dâĂȘtre entourĂ© de beaux objets. Il alliait cette conviction Ă un activisme socialiste qui lâa conduit, de plus en plus, Ă sâengager dans les mouvements dâĂ©mancipation du prolĂ©tariat ; il voulait simplement mettre fin au systĂšme de production industrielle. » Jed Martin, le hĂ©ros de Houellebecq ne connaissait pas William Morris avant cette conversation avec son pĂšre. Quelques pages plus tard, il a une autre longue conversation avec Michel Houellebecq, qui, comme vous le savez sans doute, est un des personnages principaux de La Carte et le Territoire. Et cette conversation tourne aussi autour des idĂ©es de William Morris. Voici ce que Michel Houellebecq, le personnage, dit Ă Jed Martin Chesterton a rendu hommage Ă William Morris dans Le retour de Don Quichotte. Câest un curieux roman dans lequel il imagine une rĂ©volution basĂ©e sur le retour Ă lâartisanat et au christianisme mĂ©diĂ©val se rĂ©pandant peu Ă peu sur les Ăźles Britanniques, supplantant les autres mouvements ouvriers, socialistes et marxistes, et conduisant Ă lâabandon du systĂšme de production industrielle au profit de communautĂ©s artisanales et agraires. » Cette question de la fin du systĂšme de production industrielle, associĂ© Ă la figure de William Morris, revient donc dans deux moments clĂ©s du livre. Et on la retrouve dans la toute fin de La Carte et le territoire. Si une bonne partie du livre se dĂ©roule dans les annĂ©es 2010, câest-Ă -dire dans des annĂ©es Ă venir, la fin est carrĂ©ment une vision de la France des annĂ©es 2040, 2050. Or, comment Michel Houellebecq, lâauteur, imagine-t-il cette France des annĂ©es 2040 ? Il lâimagine comme une rĂ©alisation des utopies de William Morris, mais dans une version technologique. Il imagine une Ă©trange coexistence du numĂ©rique et de lâartisanat. Si dans le moindre cafĂ© de la Creuse, chaque table [est] Ă©quipĂ©e dâune station dâaccueil pour laptop avec Ă©cran 21 pouces, prises de courant aux normes europĂ©ennes et AmĂ©ricaine, dĂ©pliant indiquant les procĂ©dures de connexion au rĂ©seau CreuseSat », le paysage de la France est aussi un paysage presque totalement dĂ©sindustrialisĂ©. Houellebecq imagine une France oĂč lâon aurait vu rĂ©apparaĂźtre la ferronnerie dâart, la dinanderie » et les hortillonnages ». Comment ne pas voir lĂ une victoire dĂ©calĂ©e dans le temps et dans les outils, des utopies de Morris ? Ca me semble ĂȘtre une ligne forte de La Carte et le territoire. Mais si je vous raconte tout ça, câest parce que je nâai cessĂ© de penser pendant toute la lecture de ce livre Ă une tendance forte des technologies contemporaines. Cette tendance, câest celle dont jâai dĂ©jĂ un peu parlĂ© ici, et dont on reparlera bientĂŽt, une tendance quâon peut rassembler sous le nom de Fab Lab ». En effet, on assiste depuis quelques annĂ©es, sous lâimpulsion notamment des Fab Lab du MIT, Ă un mouvement qui nâest pas si loin des utopies de Morris. Ce mouvement rassemble des gens qui sont trĂšs forts en informatique, mais qui pensent quâil y a plus intĂ©ressant que le bidouillage des logiciels, il y a le bidouillage du matĂ©riel. Des gens qui dĂ©veloppent par exemple ce quâon appelle les imprimantes 3D, qui ne sont rien dâautre que des petites usines capables dâĂȘtre programmĂ©es pour fabriquer des objets. Aujourdâhui, ces imprimantes 3D sont encore Ă©lĂ©mentaires et il y a beaucoup dâobstacles Ă leur dĂ©veloppement. NĂ©anmoins, ce qui est derriĂšre est passionnant. Câest lâidĂ©e que nous pourrions Ă terme nous rĂ©approprier la fabrication des objets qui nous entourent. Je tĂ©lĂ©charge dans mon imprimante 3D le programme de fabrication de pinces Ă linge, et, Ă condition que je lâalimente de plastique et de mĂ©tal, elle me fabrique des pinces Ă linge. Je dis pince Ă linge », mais ça pourrait ĂȘtre des vĂȘtements, des meubles et une multitude dâautres objets. LâidĂ©e Ă©tant aussi que je peux customiser ces objets, que je peux les adapter Ă mes besoins, leur donner la forme que je veux, que je peux mâabstraire de la standardisation. Bref que je peux mâĂ©panouir dans la fabrication de beaux objets, oĂč lâon retrouve les idĂ©aux exprimĂ©s par Morris. Et puis, on nâest pas loin non plus des prĂ©occupations politiques de Morris, car ces Fabs Labs se dĂ©veloppent en particulier dans les pays oĂč les produits industriels sont inaccessibles aux populations et oĂč le fait de pouvoir les fabriquer Ă bas coĂ»ts, avec des matĂ©riaux de rĂ©cupĂ©ration, serait une avancĂ©e non nĂ©gligeable. Les plus prosĂ©lytes de ces nouvelles pratiques y voient la fin possible de lâĂšre industrielle, lâĂ©mergence dâune forme dâartisanat qui ferait la synthĂšse entre autoproduction et technologie. Et lâon retrouve lĂ la conclusion du livre de Michel Houellebecq, cette France de 2050 dont la vision occupe les derniĂšres pages de La carte et le territoire. Houellebecq ne parle pas explicitement des Fabs Labs dans son roman, ou de quelconques mouvements lui ressemblant. Peut-ĂȘtre nâen connaĂźt-il pas lâexistence. Ce qui serait encore plus beau. Mais il sâintĂ©resse aux technologies. Et ce qui est beau, câest le rĂȘve de lâĂ©crivain qui rejoint une avant-garde technologique. Les deux cherchant chacun de leur cĂŽtĂ© avec leurs outils et leurs substrats thĂ©oriques. Et mĂȘme, sans le savoir peut-ĂȘtre, il rĂ©inscrit ce mouvement dans une histoire longue, une histoire intellectuelle et politique. Si, Ă lâimage de Proust Ă©crivant ce que le tĂ©lĂ©phone Ă©tait en train de changer Ă son monde, beaucoup de grands Ă©crivains ont pensĂ© et mis en mot les mutations de leur temps, alors oui, Houellebecq est un Ă©crivain qui mĂ©rite dâĂȘtre lu. Xavier de la Porte Xavier de la Porte, producteur de lâĂ©mission Place de la Toile sur France Culture, rĂ©alise chaque semaine une intĂ©ressante lecture dâun article de lâactualitĂ© dans le cadre de son Ă©mission. Une lecture accessible chaque lundi matin sur Cette lecture Ă©tait liĂ©e Ă lâĂ©mission du 3 octobre 2010 qui Ă©tait consacrĂ©e au philosophe Bernard Stiegler, directeur de lâInstitut de recherche et dâinnovation IRI du Centre Georges-Pompidou et auteur de Ce qui fait que la vie vaut la peine dâĂȘtre vĂ©cue. Avant-derniĂšre partie de notre plongĂ©e dans lâunivers des Makers premiĂšre partie, seconde partie, avec un retour sur lâĂ©dition de la confĂ©rence Lift 2010 qui donna lieu Ă un vivifiant exposĂ© de ce que sont les FabLabs aujourdâhui par ceux qui les font ! Que ce passerait-il si demain nâimporte qui pouvait fabriquer presque nâimporte quoi ? Ou, pour ĂȘtre un peu moins caricatural, si tout un chacun pouvait fabriquer presque tout ce quâil voulait ? Câest ce que proposent dĂšs Ă prĂ©sent les FabLabs abrĂ©viation de Fabrication laboratory, laboratoires de fabrication, ces ateliers permettant Ă tout un chacun de concevoir et construire tout et nâimporte quoi. Quels que soient leurs noms TechShops, HackerSpaces, FabLabs⊠des centaines dâespaces de ce type ont rĂ©cemment vus le jour de part le monde. Que sây passe-t-il ? Comment y travaille-t-on ? Quelles nouvelles perspectives ces endroits permettent-ils ? Telle Ă©tait la question que la confĂ©rence Lift Ă Marseille voulait poser Ă certains de ceux qui sont Ă lâorigine de ces nouveaux espaces censĂ© repenser lâavenir de la production. RepRap se rĂ©approprier les outils de production Adrian Bowyer, cet ingĂ©nieur et mathĂ©maticien britannique, inventeur de la RepRap, cette imprimante 3D libre capable dâimprimer des objets en volume, a commencĂ© par citer Karl Marx. Pour Marx, le prolĂ©taire dĂ©signe des travailleurs qui sont rĂ©duits Ă vendre leur force de travail pour vivre parce quâils ne possĂšdent pas dâoutils de production. La solution pour libĂ©rer le prolĂ©tariat consistait Ă faire la rĂ©volution pour confisquer les moyens et les outils de production. On a su par la suite quâil sâagissait dâune mauvaise idĂ©e, sâamuse Bowyer, mais Marx avait cependant raison sur le diagnostic estime-t-il la pauvretĂ© consiste Ă ne pas avoir accĂšs aux moyens de production. Image Adrian Bowyer sur la scĂšne de Lift France, photographiĂ© par Florent Kervokian. Adrian Bowyer propose une autre solution au problĂšme qui passe par une autre rĂ©volution, celle dâavoir accĂšs plus facilement Ă des outils de production. Câest lâidĂ©e qui prĂ©side Ă la RepRap quâil a conçu une imprimante 3D capable dâimprimer une partie de ses propres piĂšces, Ă peu prĂšs la moitiĂ© â le reste des piĂšces pouvant facilement sâacheter dans la plupart des grandes villes. Le prix total dâune RepRap se monte Ă environ 350 euros. La machine est capable de reproduire des objets en plastique, en dĂ©posant des couches de plastiques les unes sur les autres pour produire des objets pour lâinstant dâun volume de presque 20 cm cube vidĂ©o. Elle est capable de sâautorĂ©parer en produisant ses propres piĂšces de rechange on parle de machine autorĂ©plicante. Bien sĂ»r, les spĂ©cifications de la machine sont libres et gratuites, permettant Ă chacun de construire la sienne. Aujourdâhui, elle est utilisĂ©e dans de nombreux pays occidentaux, et commence Ă pĂ©nĂ©trer des pays comme lâAfrique. Les utilisateurs peuvent partager et diffuser des plans dâobjets conçus pour la RepRap via par exemple un site comme Thingiverse. AprĂšs avoir prĂ©sentĂ© sa machine, Bowyer a tentĂ© de montrer comment la RepRap sâinsĂšre dans un fonctionnement global en prĂ©sentant les diffĂ©rentes contraintes que la machine doit relever. Pour lui, il y a diffĂ©rent types de contraintes celle des rĂšgles, de la loi et de la coutume. Au-dessus dâelles, il y a la contrainte Ă©conomique, puis celle de la biologie et celle de la physique, couche fondamentale de lâexistence. En ce qui concerne le premier niveau, celui des rĂšgles, du droit, du copyright et des brevets, Bowyer rappelle quâil est permis dâimprimer nâimporte quel type dâobjet. Sâil existe des contraintes, tout nâest pas interdit, au contraire. Par exemple, si on dĂ©sire rĂ©parer un rĂ©troviseur cassĂ© et quâon doit lui donner une forme âbrevetĂ©eâ, on nâenfreint pas la loi. On nâest pas non plus dans lâillĂ©galitĂ© si on reproduit un objet brevetĂ© quâon ne souhaite pas vendre. Au niveau Ă©conomique, la RepRap, avec son prix moyen de 350 euros, est bien moins chĂšre que la moins onĂ©reuse des imprimantes 3D 12 000 euros pour les premiers modĂšles. Elle est Ă©galement Ă©cologique puisquâelle ne consomme que 8 grammes de carbone pour produire un objet et en enferme 17 dans les objets imprimĂ©s. Sur le plan biologique, la machine repose sur la notion dâautoreproduction propre au vivant. Quant au plan de la physique, il nâest pas sĂ»r que la centralisation et le grossissement soit un principe dâĂ©volution unique pour les ĂȘtres vivants comme pour les objets. Si câest aujourdâhui le cas par exemple des voitures, qui sont créées dans des usines de plus en plus imposantes, dâautres mouvements vont dans le sens inverse, favorisant plutĂŽt la dĂ©centralisation et la rĂ©duction. La machine Ă laver personnelle a ainsi remplacĂ© la blanchisserie centrale. Câest dans cette derniĂšre logique que se situe la RepRap⊠avec lâespoir quâun jour, les gens possĂšderont chez eux de plus en plus dâoutils effectuant un travail longtemps rĂ©servĂ© aux industries. FabLabs des fabriques de communautĂ©s Quand il avait cinq ans, Ton Zijlstra blog Ă©tait persuadĂ© que ses grands-parents Ă©taient des gens trĂšs riches ils avaient leur propre jardin potager, ainsi quâun atelier oĂč son grand-pĂšre pouvait rĂ©parer tout ce quâil voulait. Et pour le petit Ton, ĂȘtre capable de pouvoir faire les choses par soi-mĂȘme reprĂ©sentait une richesse extraordinaire. Image Ton Zijlstra sur la scĂšne du théùtre de la CriĂ©e Ă Marseille, photographiĂ© par Florent Kervokian. Adulte, il sâest retrouvĂ© Ă travailler en solitaire, isolĂ©, alors mĂȘme quâil occupait un poste de directeur dans une entreprise. Et câest grĂące Ă son blog quâil a pu se rĂ©aliser âjâavais plein de connexions dans le monde entier, un feedback extraordinaire. Et câest en combinant les deux, la rĂ©silience de mes grands-parents, et le rĂ©seau globalâ quâil a commencĂ© Ă sâinteresser aux FabLabs, ces espaces imaginĂ©s il y a presque 10 ans par Neil Gershenfeld, directeur du Laboratoire Bits and atoms du MIT, comme il lâexpliquait Ă TED 2007. Les FabLabs, explique-t-il dans sa prĂ©sentation, sont ces endroits qui contiennent des machines qui permettent de faire nâimporte quoi y compris des machines », mouvement dans lequel il est trĂšs impliquĂ© depuis, et qui, pour lui, repose sur ces deux fondements la possibilitĂ© de pouvoir fabriquer, par soi-mĂȘme, et celle de pouvoir en discuter, en insĂ©rant ces fabrications personelles dans une communautĂ©. âIl faut respecter les concepts dâaccessibilitĂ© ouverte et dâutilisation pour tous, et donc que ce soit ouvert, quâon puisse y entrer, y partager expĂ©riences et compĂ©tences. Il sâagit aussi dây construire une communautĂ©. » Pour lui, un FabLab doit ĂȘtre âlibreâ, et ĂȘtre dotĂ© de machines imprimantes 3D, dĂ©coupeurs laser ou vynil, RepRaps, etc. et des logiciels, pour concevoir, construire et fabriquer. Mais surtout, il ne faut pas quâil nây ait quâun seul FabLab, mais plusieurs, dâabord et avant tout pour Ă©changer. Le premier FabLab nĂ©erlandais a Ă©tĂ© créé en 2007 Ă Amsterdam. Depuis, quatre autres ont Ă©tĂ© lancĂ©s au Pays-Bas Utrecht en 2008, La Haye en 2009, Groningen et Arnhem en 2010, et au BĂ©nĂ©lux Ă Louvain et Gent notamment, dont un FabLab mobile, et 11 autres projets devraient voir le jour dans les 18 mois Ă venir 7 autres projets seraient en cours dâĂ©laboration en France dont le FabLabSquared, un prototype mobile. Ces projets sont indĂ©pendants, mais connectĂ©s des rĂ©unions rĂ©unissent rĂ©guliĂšrement, non seulement leurs dirigeants, mais Ă©galement leurs utilisateurs, des confĂ©rences annuelles leur permettent de rencontrer les autres FabLabs du monde entier comme la 6e confĂ©rence internationale des FabLabs qui aura lieu en aoĂ»t Ă Amsterdam, mais ils partagent Ă©galement certaines compĂ©tences et ressources humaines, Ă lâimage de ce spĂ©cialiste pointu de lâimpression en 3D, qui passe dâun FabLab Ă un autre et permet de mutualiser son expertise, et son coĂ»t. A la question de savoir si ces FabLabs pourraient se retrouver en concurrence, Ton Zijlstra rĂ©pond que non, parce que chacun dâentre eux est unique en son genre, bien ancrĂ© dans sa communautĂ©, dans sa ville, avec son propre Ă©cosystĂšme, quâils rĂ©pondent aux besoins locaux, et sont suffisamment diffĂ©rents pour ne pas se marcher sur les pieds. On a une infrastructure, qui donne un effet rĂ©seau, et chaque nouveau FabLab augmente la valeur des autres, parce que ça apporte une expertise nouvelle, parce quâon peut dire que pour telle chose il vaut mieux sâadresser Ă tel ou tel FabLab. » ConcrĂštement, on y fait quoi ? Difficile de dresser de grandes lignes, et un FabYearBook revient chaque annĂ©e sur les projets les plus marquants. Ton Zijlstra nâen cite pas moins un rideau fait en bĂ©ton, des mobiliers de bureau, bijoux, lampes, jeux, stickers, T-shirts, robots⊠créés tant par des particuliers que sous forme de prototypes par des professionnels notamment via un concours de conception permanent, mais Ă©galement un projet de prothĂšses coĂ»tant moins de 40$, Ă destination des pays Ă©mergents, ou encore le projet Big Bird destinĂ© Ă aider les villages indiens Ă rĂ©cupĂ©rer lâeau de la pluie⊠Dans sa prĂ©sentation des FabLabs, Ton Zijlstra montre une communautĂ© organisĂ©e, en rĂ©seau, qui utilise tous les moyens de communication dâaujourdâhui mĂȘme un canal vidĂ©o, sâappuyant notamment sur une universitĂ© permanente oĂč les projets se rencontrent les uns les autres, qui explore des modĂšles Ă©conomiques de longue traĂźne en partie locaux et en partie via le rĂ©seau. Et qui a encore pour dĂ©fi de continuer Ă consolider sa communautĂ©, de rĂ©ussir la construction dâun Ă©cosystĂšme local. FabLabs La puissance du rĂ©seau Haakon Karlsen Jr, est le crĂ©ateur de la FabFoundation et du FabLab NorvĂ©gien installĂ© au-dessus du cercle Artique. Tout Ă commencĂ© par lâinstallation dâantennes et de capteurs sur des moutons dont Haakon Ă©tait propriĂ©taire pour repĂ©rer leurs dĂ©placements dans la montagne. Câest pour trouver une solution technique Ă ce besoin quâil a dĂ©veloppĂ© le premier FabLab norvĂ©gien. Image Haakon Karlsen Jr, lâorganisateur de la FabFoundation, photographiĂ© par Florent Kervokian. Le FabLab a Ă©tĂ© montĂ© en octobre 2002 et a ouvert en juin 2003. Au dĂ©but, il ne consistait quâen une fraiseuse, une machine Ă dĂ©couper et quelques ordinateurs installĂ©s dans une grande de ferme. En 2003, Neil Gershenfeld, directeur du Centre Bits et Atomes du MIT et crĂ©ateur du modĂšle des FabLabs a envoyĂ© une machine Ă dĂ©coupe laser du MIT qui est devenu depuis la machine de base du FabLab. Il en a envoyĂ© de nombreuses autres alors que le projet se transformait en un âvillage de lâinventionâ en 2005. Le FabLab norvĂ©gien, malgrĂ© sa situation gĂ©ographique particuliĂšre accompagne quelques 120 projets par an et accueille chaque annĂ©e quelque 6000 personnes et plus de 5 millions de visites sur son site web. Le FabLab au dĂ©but Ă©tait un endroit de prototypage rapide permettant de reproduire tout et nâimporte quoi. Mais dĂ©sormais, câest avant tout un rĂ©seau de personnes souhaitant coopĂ©rer et partager leurs connaissances. Les outils permettent dâatteindre cet objectif, comme le rĂ©seau de vidĂ©oconfĂ©rence qui les relie, explique Haakon Karlsen Jr avant de montrer un reportage de CNN prĂ©sentant le FabLab du cercle arctique. Il est devenu difficile de dĂ©nombrer le nombre de FabLabs existants dans le monde. Et il a fallu du temps Ă la fondation pour quâelle organise et structure le rĂ©seau et les missions, entre les laboratoires .org, les services commerciaux .com et Ă©ducatifs .edu. Le FabLab est un endroit pour rĂ©pondre aux besoins des gens quels quâils soient explique Haakon Karlsen Jr. en se souvenant dâune femme venue leur commander un moule pour crĂ©er des chocolats, puis un autre⊠puis une boĂźte pour les emballer. Puis 100. Puis 1000 puis 10 000. Le FabLab a fini par lui en fabriquer 40 000 ! JusquâĂ devenir trop petit pour cela⊠De nombreuses petites entreprises se lancent ainsi, petit Ă petit, en commençant une production unitaire. Le FabLab du Kenya produit des mĂ©dicaments antipaludĂ©ens, et disposent dâune vingtaine dâemployĂ©s. Nous faisons Ă la fois de la recherche, de lâĂ©ducation et de la commercialisation⊠Mais câest lĂ encore une difficultĂ© on a des problĂšmes pour aider Ă la crĂ©ation de commerces et dâentreprises notamment. » MalgrĂ© ces succĂšs, il nous reste du chemin Ă faire pour mieux esquisser le rĂ©seau des FabLab », estime celui qui en est le maĂźtre dâoeuvre. Et de nous inviter au BootCamp annuel quâil organise au fin fond de la NorvĂšge, pour partager et Ă©changer techniques, projets mais aussi savoir-faire autour de la gestion et de lâorganisation des FabLab. On y va ? Hubert Guillaud, Jean-Marc Manach, RĂ©mi Sussan De quoi le mouvement Makers est-il le nom ? Le mouvement makers est en plein essor, comme le montre la multiplication des lieux qui leurs sont dĂ©diĂ©s voir la premiĂšre partie de ce dossier. LâĂ©closion des TechShops, des foires, des ateliers, qui sont pour beaucoup dans une logique de dĂ©veloppement et dâessaimage du modĂšle y participe pleinement. A certains endroits, Ă San Francisco, le TechShop est au cĆur de la rĂ©habilitation dâun quartier comme câest le cas Ă South Market. Mais surtout, ces lieux sâimplantent au coeur dâun Ă©cosystĂšme qui favorise leur dĂ©veloppement Ă©coles, musĂ©es, start-ups et grands acteurs de lâinternet qui souhaitent redĂ©ployer leur activitĂ© en centre-ville⊠Faire sociĂ©tĂ© des lieux et de leurs enjeux Pour Michael Shiloh, lâenjeu va bien au-delĂ des lieux. Il consiste Ă rĂ©introduire lâenvie de faire des choses. Il consiste Ă permettre aux enfants de faire et pas seulement dâapprendre ». Avec ses ateliers itinĂ©rants, Michael Shiloh souhaite montrer Ă chacun son potentiel de crĂ©ativitĂ©. Il faut redonner confiance aux enfants, leur apprendre Ă faire des choses⊠» On devine derriĂšre ce mouvement makers, un vĂ©ritable enjeu pour un apprentissage diffĂ©rent. On pense bien sĂ»r Ă nos Ă©coles, Ă nos enfants, oĂč la culture du faire est trĂšs peu prĂ©sente si ce nâest inexistante. En France, il y a fort heureusement quelques initiatives comme celle des petits dĂ©brouillards qui proposent des ateliers aprĂšs lâĂ©cole. Mais ce nâest que trop embryonnaire⊠Plus encore, on devine derriĂšre ce mouvement une vraie remise en cause de notre systĂšme Ă©ducatif et de nos maniĂšres dâapprendre, comme lâexpliquait Kevin Kelly dans un rĂ©cent article ce que nous apporte avant tout la technologie ne repose pas sur des solutions toutes faites, mais au contraire, sur le fait que la technologie nous pousse toujours Ă apprendre. La leçon de la technologie ne repose pas dans ce quâelle permet de faire, mais dans le processus. » En donnant tout entier corps au processus, Ă lâaction de faire », les makers rappellent quelque chose dâessentiel Ă lâapprentissage. Reprendre confiance dans sa capacitĂ© Ă crĂ©er Les animateurs de workshops rencontrĂ©s ont partagĂ© avec nous un constat fort la plupart des participants manquent de confiance en eux en ce qui concerne leur capacitĂ© Ă crĂ©er. Pour Michael Shiloh comme pour Mike Petrich du Tinkering Studio, pour Dale Dougherty de Make Magazine comme pour Paulo Blikstein du FabLab de Stanford la rĂ©assurance est une des problĂ©matiques qui doit ĂȘtre anticipĂ©e dĂšs les phases de crĂ©ation et dâanimation du lieu de fabrication numĂ©rique. Image visite du Maker Space avec Michael Shiloh. Tout le monde ne sâimprovise pas designer ou ingĂ©nieur Ă©lectronique â et ce nâest dâailleurs pas la vocation de ces lieux. La dĂ©marche pour la plupart des acteurs du rĂ©seau consiste donc Ă associer plusieurs pratiques, visant toutes Ă crĂ©er un environnement crĂ©atif rassurant tout en restant ambitieux. Parmi ces bonnes pratiques », trois nous semblent essentielles au sein mĂȘme du lieu de fabrication lâĂ©quipe dâanimateurs, la dynamique de communautĂ© et lâorganisation de lâespace. Dans tous les maker spaces » que nous avons visitĂ©s, lâaccueil et lâaccompagnement par les animateurs du lieu ont Ă©tĂ© formidables. TrĂšs grande disponibilitĂ©, attention particuliĂšre Ă nos demandes et partage dâexpĂ©riences lâĂ©quipe de jeunes chercheurs facilitateurs » du FabLab de Stanford aussi bien que les artistes du Shipyard, les Dream coachs » de Techshop comme les membres de Noisebridge. LâĂ©change et la rencontre font rĂ©ellement partie intĂ©grante de la culture du faire » qui anime ces lieux, mĂȘme si les styles peuvent ĂȘtre trĂšs diffĂ©rents. Pour le nouvel arrivant comme pour celui qui rĂ©alise ses projets au long cours, la vie en communautĂ© est un des autres aspects forts qui permettent dâencourager la confiance en soi et la crĂ©ativitĂ© individuelle. Parce que chacun a ses champs de spĂ©cialitĂ© Ă©lectronique, dĂ©coupe du bois, couture, ou simplement le dĂ©sir dâapprendre et de participer, le travail en Ă©quipe est naturellement encouragĂ©. A The Crucible Ă©norme espace dâapprentissage manuel Ă Oakland par exemple, les ateliers de rĂ©parations de vĂ©lo rassemblent les enfants du quartier dans lâatelier chaque samedi, Ă The Shipyard atelier dâartistes situĂ© lui aussi Ă Oakland la cour principale voit se monter chaque annĂ©e les projets fous prĂ©sentĂ©s Ă Burning Man qui mĂȘlent mĂ©tal, feu, Ă©lectronique, sur lesquels travaillent ensemble des groupes de 10 personnes au minimum voire 60 ou 200 selon les projets. Tout le monde est invitĂ© Ă participer et le credo principal, relayĂ© en permanence est toi aussi tu peux le faire ». Donner confiance passe par lâĂ©change humain donc, mais aussi par la dĂ©monstration de ce qui peut ĂȘtre rĂ©alisĂ©. Un Ă©vĂ©nement comme Maker Faire par exemple, Ă©norme rassemblement de makers » qui se dĂ©roule fin mai dans la Bay Area et dans bien dâautres villes Ă travers le monde dĂ©sormais, a pour vocation Ă la fois dâĂȘtre une formidable caverne dâAli Baba de crĂ©ations faites maisons, originales et incroyables prĂ©sentĂ©es par plus de 600 exposants, mais aussi de montrer que derriĂšre chacun de ces projets se cache un amateur passionnĂ©, qui a souvent appris et essayĂ© par lui-mĂȘme pendant son temps libre. Transformer, partager vers une culture Open Source de la fabrication numĂ©rique Les lieux de fabrication numĂ©rique sont le théùtre dâinventions en tout genre, dâexpĂ©rimentations et de mise en place de projets souvent extraordinaires ! Parce que le mouvement maker dĂ©fend lâidĂ©e de mettre de lâart dans la science et de la science dans lâart, les projets qui voient le jour sont trĂšs souvent inĂ©dits, particuliĂšrement inventifs et humains. A The Shipyard par exemple, oĂč une vingtaine dâartistes a installĂ© ses ateliers dans des containers Ă bateau, a Ă©tĂ© crĂ©e une cĂ©lĂšbre art car voiture-Ćuvre en forme de maison victorienne mouvante prĂ©sentĂ©e plusieurs fois Ă Burning Man. Alors que lors de notre visite dâAmerican Steel Ă Oakland un quartier composĂ© de hangars et dâateliers dâartistes certains Ă©taient occupĂ©s Ă dĂ©couper un petit avion pour un projet dâenvergure ; dâautres ont créé Ă Noisebridge un robot fauteuil roulant Ă©quipĂ© dâun capteur de mouvement issu de la console Kinect de Microsoft. Ces exemples qui sont avant tout des expĂ©rimentations soulignent aussi ce goĂ»t gĂ©nĂ©ralisĂ© du hacking, du dĂ©tournement dâobjets, et la volontĂ© permanente de comprendre comment les choses fonctionnent et peuvent ĂȘtre modifiĂ©es. Image la voiture-oeuvre en forme de maison victorienne⊠Ce postulat dâouverture et dâĂ©change est plus quâun simple goĂ»t pour le travail collectif, il sâagit dâun vĂ©ritable parti-pris, aussi fort que celui qui anime les dĂ©fenseurs de lâOpen Source. Les lieux de fabrication numĂ©rique sont ainsi un terrain dâexpĂ©rimentation pour lâOpen Source Hardware, câest-Ă -dire non pas seulement pour la conception de logiciels, mais pour la crĂ©ation dâobjets dont la conception et fabrication est ouverte Ă tous. Au sein de ces lieux, la plupart des objets sont en effet créés collectivement et souvent Ă partir dâautres objets. La pratique la plus courante consiste Ă partager sa crĂ©ation avec le reste des membres, en mettant en ligne plans, instructions, liste des matĂ©riaux, recommandationsâŠen bref, tout ce qui permet de reproduire lâobjet chez soi, de le rĂ©utiliser, le dĂ©tourner, lâamĂ©liorer. Lâensemble des makers rencontrĂ©s fait le mĂȘme constat le projet a plus de chance de rĂ©ussir sâil est partagĂ© avec les autres parce quâil sâenrichit et sâamĂ©liore au contact de la communautĂ©. La paternitĂ© de lâobjet est aussi dâautant plus reconnue et protĂ©gĂ©e que le ou les crĂ©ateurs prĂ©sentent leur projet et lâexposent aux autres. Publier son projet sur le site amĂ©ricain de rĂ©fĂ©rence en matiĂšre de tutoriaux de fabrication, son fichier 3D sur ou prĂ©senter son projet Ă Maker Faire font souvent partis du trio lĂ©gitimant. Une tendance forte parmi les projets créés â et dâautant plus que ces lieux sont frĂ©quentĂ©s par nombre dâingĂ©nieurs logiciels travaillant dans la Baie faire de ces objets ouverts des objets connectĂ©s. Utiliser une roue de vĂ©lo comme support Ă un kit Ă©lectronique qui permet de crĂ©er des motifs visibles uniquement lorsquâon roule SpokePOV, vidĂ©o, un porte-clĂ© gadget qui permet dâĂ©teindre nâimporte quelle tĂ©lĂ©vision le fameux TV B-Gone imaginĂ© par Mitch Altman, un stylo qui Ă©met des sons si on approche son doigt le Drawdio, vidĂ©o. Les projets qui parviennent Ă un stade de maturitĂ© suffisant pour ĂȘtre montrĂ©s, prototypĂ©s voire prĂ©produits sont malgrĂ© tout bien sĂ»r assez rares, surtout dĂšs lors que lâon touche Ă lâĂ©lectronique. La naissance dâun Ă©cosystĂšme local de manufacturers semble ĂȘtre la prochaine Ă©tape de dĂ©veloppement de ce marchĂ© du DIY, elle est en tout cas de plus en plus demandĂ©e par les makers » de la Baie, pour leur permettre de passer du stade du prototype Ă la vente de quelques modĂšles⊠Du maker space Ă la start-up Si la vision commune des diffĂ©rents lieux de fabrication numĂ©rique de la Baie est bien dâencourager la crĂ©ativitĂ© et le partage, certains vont encore plus loin, en se voulant plus que de simples lieux dâexpĂ©rimentations, mais bien des lieux de prototypage et prĂ©production industrielle. La diffĂ©rence se joue principalement sur les types de machines prĂ©sentes et leur accessibilitĂ©. Dans la grande majoritĂ© des makers spaces, la machine Ă dĂ©coupe laser, qui permet de dĂ©couper trĂšs prĂ©cisĂ©ment depuis des plans en 3D presque nâimporte quelle surface, est la reine. La marque Epilog est clairement leader sur le marchĂ©. Parmi les machines que lâon trouve facilement dans ces lieux imprimantes 3D en gĂ©nĂ©ral des Makerbots, qui permettent de crĂ©er des petits objets en volume le plus souvent en plastique Ă partir dâun fichier 3D, machine Ă dĂ©couper le vinyle, machine pour mouler le plastique sous-vide, machine Ă coudre notamment pour coudre des fils conducteurs dâĂ©lectricitĂ© ou studio de photographie, sans compter nombre dâoscilloscopes ou de fers Ă souder. Lâensemble permet de rĂ©aliser un grand nombre de projets. Techshop se dĂ©marque avec une offre extrĂȘmement riche et davantage orientĂ©e vers les amateurs dĂ©sireux de prototyper des projets sur des machines de type professionnel WaterJet, machines Ă travailler le bois, fraiseuses, tours, âŠ. Lorsquâil est bien Ă©quipĂ©, le maker space devient alors une sorte de mini-usine de quartier, entre club de bricolage et micro-usine adaptĂ©e Ă la production de prototypes et sĂ©ries limitĂ©es. Pour la plupart des makers, ces lieux deviennent peu Ă peu une rĂ©elle opportunitĂ© de faire de leur passion ou de leur bonne idĂ©e un business, pour un coĂ»t accessible. Au sein dâun lieu comme Techshop par exemple, nâimporte qui peut venir esquisser son objet, voire mĂȘme le produire Ă petite Ă©chelle, comme lâa fait DODOcase le premier mois de son succĂšs. La jeune compagnie San Franciscaine, spĂ©cialisĂ©e dans la confection de coques pour iPad au design inspirĂ© par Moleskine et les reliures traditionnelles, a passĂ© ses premiĂšres semaines au TechShop de Menlo Park pour designer, rĂ©aliser son prototype et produire les premiers exemplaires en petite sĂ©rie. AprĂšs deux mois, les commandes affluaient tant que DODOcase a dĂ» passer au stade de production industrielle afin de rĂ©pondre aux demandes. Un lieu comme le TechShop ne fournit pas dâaide spĂ©cifique pour manufacturer ou vendre son produit â câest un simple espace avec machines Ă disposition â mais il ne prend pas non plus de commission en cas de rĂ©ussite du business. Image Makerbots en sĂ©rie. Passer de la production de prototypes a de petites sĂ©ries, du soutien de lâinitiative individuelle au soutien de micro-projets qui peuvent devenir grand⊠On voit bien que se dessine ici une tout autre ambition pour ces espaces. Une ambition qui nâest plus tant dans la rĂ©invention de la sociĂ©tĂ© fondĂ©e sur le partage, lâouverture et lâapprentissage, que finalement celle dâune sociĂ©tĂ© marchande toujours plus large, plus Ă©tendue, plus conquĂ©rante. Une sociĂ©tĂ© qui nâest pas sans commencer Ă poser problĂšme dâailleurs rĂ©cemment Ars Technica faisait part de lâarrivĂ©e des premiers conflits de propriĂ©tĂ© liĂ©s Ă des crĂ©ations qui ont vu le jour dans ces espaces. Plus que le grand public, câest peut-ĂȘtre bien les avocats qui seront les prochains clients des makerspaces. Mathilde Berchon et VĂ©ronique Routin VĂ©ronique Routin est directrice du dĂ©veloppement Ă la Fing, lâassociation Ă©ditrice dâInternetActu qui anime notamment le programme FabLabÂČ sur ce sujet. Mathilde Berchon termine une exploration de trois mois autour de San Francisco Ă la rencontre de la communautĂ© des makers » de la Bay Area. Elle continue de raconter cette aventure dans son blog On les appelle Makers. Et les traductions hĂ©sitent entre artisans et bricoleurs, peut-ĂȘtre parce quâils tiennent un peu des deux. Certains ne sont que douĂ©s de leurs mains, dâautres ont Ă©galement une autre vision de la sociĂ©té⊠Une sociĂ©tĂ© relocalisĂ©e, oĂč les gens se rĂ©approprieraient les outils de productions, oĂč le partage des outils, des plans, des logiciels, du matĂ©riel et des savoir-faire finirait par transformer le monde. âWe are all makersâ Nous sommes tous des artisans. Le credo de Dale Dougherty, fondateur de Make Magazine et de Maker Faire, le plus grand Ă©vĂ©nement dĂ©diĂ© au mouvement âmakersâ, est en passe de devenir le nom de rĂ©fĂ©rence dâune communautĂ© extrĂȘmement diverse et dynamique, en pleine expansion. DerriĂšre ce sigle rassembleur, inventĂ© par Make Magazine il y a plus de 10 ans au sein mĂȘme dâOâReilly Media, gĂ©ant de lâĂ©dition orientĂ©e techno fondĂ©e par Tim OâReilly lâun des gourous de lâinternet Ă lâorigine du concept de Web on trouve une idĂ©e clĂ© il faut encourager la crĂ©ativitĂ© individuelle car elle est porteuse de plus de conscience et responsabilitĂ© sociale, comme lâexprimait Dale Dougherty sur la scĂšne de TED. Profitant de la vague du DIY Do it yourself, pour âFais le toi-mĂȘme !â de lâautre cĂŽtĂ© de lâAtlantique se multiplie les âmaker spacesâ ou lieux de fabrication numĂ©rique Hackerspaces, TechShop, mini-espaces dĂ©diĂ©s Ă la fabrication personnelle au sein dâĂ©coles ou dâentreprises, Ă©vĂ©nements emblĂ©matiques Burning Man, Maker Faire, âŠ, start-ups et sites internet Ă succĂšs pour Ă©changer des tutoriaux, pour vendre ses productions, pour Ă©changer des maquettes et des plans en 3D, ateliers en tout genre Arduino, Light painting, sculpture sur bois, 3D printingâŠ, rassemblements informels Dorkbot, MakeSF, BioCuriousâŠ, publications Make Magazine qui tire Ă 125 000 exemplaires dont la moitiĂ© sont des abonnementsâŠ, travaux acadĂ©miques dĂ©partements dĂ©diĂ©s au Design, Interaction & Technologies Ă lâuniversitĂ© dâEtat de San Francisco, Berkeley, le Makerâs club de Stanford ou lâInstitute for the Arts lâenthousiasme est gĂ©nĂ©ralisĂ©. Le âfaireâ, assurent ses promoteurs, permet de se rĂ©approprier le monde grĂące Ă une meilleure connaissance des processus de fabrication, permet de prendre confiance en soi et en sa capacitĂ© Ă comprendre et crĂ©er, permet aussi de partager son savoir et bĂ©nĂ©ficier des dĂ©couvertes de la communautĂ©. Trois objectifs qui en font un peu plus quâun mouvement, presque une philosophie⊠Qui sont les makers ? Dale Dougherty compare cette communautĂ© des makers aux amateurs du monde de la musique peu de gens sont considĂ©rĂ©s comme des professionnels de la musique alors que beaucoup de gens en jouent, chez eux ou Ă lâextĂ©rieur. En gĂ©nĂ©ral on sâintĂ©resse Ă lâinnovation provenant du haut de la pyramide, les makers, eux, sont Ă la base de cette pyramide. Dale cherche Ă rendre visible cette innovation par la base. En crĂ©ant Make, il sâest intĂ©ressĂ© Ă cette communautĂ© de gens qui font des choses et partagent leur crĂ©ation. Le rĂ©seau social de ces artisans amateurs a permis de sortir les gens de leur garage et de les rendre visibles. Dale a Ă©galement dĂ©veloppĂ© les Maker Faires, ces foires aux makers, qui poussent un peu partout aux Etats-Unis DĂ©troit, New York, Kansas CityâŠ, mais aussi en Europe Angleterre et Allemagne, AmĂ©rique du Sud et Afrique. Ces foires ont grossi au fil du temps accueillant de 300 Ă 8000, voire 20 000 personnes. Elles rĂ©unissent un monde dâamateurs et de professionnels qui utilisent les mĂȘmes outils et partagent la mĂȘme passion. La place particuliĂšre de San Francisco dans ce monde des makers est peut ĂȘtre Ă trouver dans le fait que les gens, ici, ont eu le talent dâinitier le rĂ©seau. La diversitĂ© culturelle de la ville la majoritĂ© de ses habitants nâest pas originaire de San Francisco, a permis une utilisation encore plus importante quâailleurs du rĂ©seau et de son haut niveau de connectivitĂ©. Des chercheurs comme Paul Graham ont beaucoup Ă©tudiĂ© cette dimension culturelle des villes. Dale compare ces amateurs aux nouveaux outsiders, âceux qui nâentrent dans aucune caseâ. âLa plupart sont des inventeurs ! Ils ne font pas les choses comme les autres. Ils mettent la main Ă la pĂąte, ils touchent Ă tout ! Ils sont dans la culture du DIY. Ils ont accĂšs aux outils et en ont suffisamment la maĂźtrise pour âfaire des chosesâ.â Est-ce Ă dire que ce mouvement ne concernerait quâune infime partie de gens ou est-il plus profond ? Lors dâune prĂ©sentation publique Ă lâoccasion du Fab6 la confĂ©rence internationale annuelle du rĂ©seau des Fab Labs, Dale Dougherty dĂ©clarait quâil Ă©tait difficile de quantifier le nombre » de makers en activitĂ© aux Etats-Unis. NĂ©anmoins, lui qui est investi dans ce mouvement depuis des annĂ©es, faisait remarquer que lâinternet avait contribuĂ© Ă structurer ce mouvement, Ă permettre aux gens de se rencontrer, de faire des projets ensemble. Si le phĂ©nomĂšne nâest peut-ĂȘtre pas appelĂ© Ă concerner tout le monde, peut-ĂȘtre faut-il, Ă la suite dâEric von Hippel, ne pas croire quâil se limite aux geeks mais quâil concerne une plus large part de la population qui sâĂ©tend Ă tous les innovateurs du quotidien. Dans lâune de ses enquĂȘtes de lectorat Make Magazine a rĂ©alisĂ© quâen plus dâavoir des espaces de publications pour partager idĂ©es et plans, 90 % de ses lecteurs souhaitaient avoir accĂšs Ă des outils et des ateliers des lieux dĂ©diĂ©s pour rĂ©aliser leurs projets. Si tous les bricoleurs possĂšdent un fer Ă souder ou une perceuse, trĂšs peu disposent dâune imprimante 3D ou dâune fraiseuse Ă commande numĂ©rique. Et tout cela pour faire quoi ? Si lâen en croit la mĂȘme enquĂȘte, 68 % des rĂ©pondants Ă lâenquĂȘte de Make Magazine fabriquent des fusĂ©es, 47 % des robots, 11 % un kart et 7 % un Kegerator pour garder la biĂšre au frais. Pour mieux comprendre ce mouvement et sa diversitĂ©, lâĂ©quipe du FabLabÂČ est allĂ© visiter les diffĂ©rents makers spaces de San Franciso. Panorama des maker spaces de San Francisco The Tinkering Studio âatelier de bidouillageâ Le Tinkering Studio est installĂ© dans lâExploratorium de San Francisco, un musĂ©e similaire Ă la CitĂ© des Sciences et de lâIndustrie Ă Paris. Une Ă©quipe de trois Ă©ducateurs accueillent les curieux dans un espace mi-ouvert, visible de tous les visiteurs du musĂ©e mais protĂ©gĂ©s de lâhyperactivitĂ© ambiante. Lâespace en question ne fait que 50 mÂČ, mais câest un espace en Ă©volution permanente, en fonction des activitĂ©s et dĂ©monstrations du moment. Fers Ă souder, pinces, marteaux sont Ă la disposition de tous sur de grandes tables. Lâanimateur Mike Petrich, nous explique que, si au sein du musĂ©e les visiteurs sâattardent en moyenne moins de 10 secondes par machine exposĂ©e, le temps passĂ© au Tinkering Studio oscille entre 30 et 40 minutes ! Le Studio est donc un espace oĂč le prend le temps de se poser et dâapprendre vidĂ©o. Lâobjectif du Studio est de dĂ©velopper la crĂ©ativitĂ© des gens par la crĂ©ation manuelle retour Ă la matiĂšre, aux bases de lâĂ©lectricitĂ©, soudure, sculpture, dĂ©coupe du bois ou du mĂ©tal. Images photo du Thinkering Studia de San Francisco. Le Tinkering Studio en action, vidĂ©o promotionnelle du Learning Studio sur Vimeo. The Tinkering Studio est une illustration assez rĂ©ussie de ce que peut donner un atelier de ce type dans un environnement institutionnel notamment via son fonctionnement Ă©quilibrĂ©, entre espace ouvert et club fermĂ©, entre espace rĂ©servĂ© aux enfants et participation collective, entre courte initiation Ă la crĂ©ation manuelle et suivi complet de projet. Ajoutez Ă cela lâintervention dâanimateurs de renoms comme Michael Shiloh ou Jess Hobbs un des artistes Ă lâorigine de la Flux Foundation et vous obtenez un lieu assez atypique de la culture âmakerâ. FabLabSchool prototyper lâĂ©ducation de demain Le concept de Fab Lab est trĂšs prisĂ© en Europe. Autour de la Baie, il semble pour le moins Ă©clipsĂ© par la grande diversitĂ© des espaces de fabrication Ă disposition des diffĂ©rents publics enfants, Ă©tudiants, designers, ingĂ©nieurs, bricoleurs amateurs. Lâinitiative de prototype de Fab Lab menĂ©e par Paulo Blikstein au sein du dĂ©partement de Sciences MĂ©caniques de Stanford se dĂ©marque donc. AppelĂ© FabLabSchool, lâespace est un lieu de fabrication numĂ©rique expĂ©rimental destinĂ© Ă essaimer dans nâimporte quelle Ă©cole Ă travers le monde, pour un public dâenfants ĂągĂ©s de 10 Ă 17 ans. Le prototype permet dâexplorer in vivo lâimpact des Fab Labs dans le secteur de lâĂ©ducation et diffĂ©rents formats dâanimation et dâinteraction avec les enfants. A lâintĂ©rieur de ce Fab Lab, on rĂ©flĂ©chit aux outils et Ă leur prise en main par les enfants. Les lundis et mardis sont rĂ©servĂ©s aux jeunes venant des Ă©coles alentour. Pendant les vacances scolaires, les enfants viennent par petits groupes pour rĂ©aliser des projets sur un mois. Lâanimation en direction des enfants se fait autour de problĂšmes de sociĂ©tĂ©, touchant par exemple aux questions Ă©nergĂ©tiques comment limiter la consommation dâeau ou dâĂ©lectricitĂ© Ă la maison. Image photos du FabLabSchool Ă Stanford. LâĂ©quipe derriĂšre le projet rĂ©flĂ©chit et expĂ©rimente autour de ce qui fait un bon maker space Ă©ducatif organisation de lâespace et prise en main des machines de grandes tables de travail au centre qui permettent lâĂ©change, couleurs trĂšs vives, machines toutes accessibles mais protĂ©gĂ©es, systĂšme de QR code et Ă©tiquetage qui permettent dâassocier vidĂ©os et tutoriaux Ă chaque machineâŠ, outils mis Ă disposition la classique machine Ă dĂ©coupe laser, une imprimante 3D Ă haute prĂ©cision, scanner 3D, scie Ă©lectronique. Les chercheurs-animateurs nâhĂ©sitent pas Ă expĂ©rimenter et faire le lien entre les prototypes de support Ă©ducatif dĂ©ployĂ©s dans dâautres dĂ©partements comme le GoGoBoard une carte Arduino simplifiĂ©e pour rĂ©pondre Ă des prĂ©rogatives Ă©ducatives ou Scratch le langage de programmation pour enfants dĂ©veloppĂ© par le MIT. Fablabschool de Stanford a Ă©tĂ© financĂ© par Schlumberger pour un coĂ»t global de 300 000$ Ă©quipement et formation pour un an avec un coordinateur Ă temps plein, qui ne comprend donc ni les frais de fonctionnement ni les salaires. Le premier vĂ©ritable FabLabSchool ouvrira ses portes Ă Moscou en juin normalement. Le FabLab de Stanford est une expĂ©rimentation acadĂ©mique qui soulĂšve un intĂ©rĂȘt local principalement venant des Ă©coles alentours et des Ă©tudiants de Stanford et international. Un lieu trĂšs actif qui est aussi Ă lâorigine du Stanford Makers Club, Ă©vĂ©nement rĂ©gulier et informel de 150 âmakersâ de tous horizons. Hackerspaces communautĂ© experte et libertĂ© dâaction A ces lieux de fabrication numĂ©rique structurĂ©s, acadĂ©miques et institutionnels, viennent rĂ©pondre des espaces volontairement dĂ©sorganisĂ©s oĂč priment lâabsence de hiĂ©rarchie et de rĂšgles imposĂ©es. Les Hackerspaces font partie des lieux les plus vivants de la communautĂ© ; pour ne citer que les plus connus de la rĂ©gion Noisebridge Ă San Francisco, The Hacker Dojo Ă Mountain View ou le tout nouveau Ace Monster Toys Ă Oakland. Le Hackerspace mythique de San Francisco a Ă©tĂ© fondĂ© il y a trois ans par un groupe de hackers entendez passionnĂ©s dâinformatique fĂ©rus de comprendre et transformer tout ce qui leur passe sous la main menĂ© entre autres par Mitch Altman. Noisebridge est un ancien atelier textile qui offre une large vue sur le quartier populaire de Mission. Avec de grandes baies vitrĂ©es de parts et dâautres, lâespace est lumineux, tout en longueur, mais surtout dĂ©borde dâun fatras inimaginable. Coin-cuisine, bibliothĂšque et espace de projection de films complĂštent les trois piĂšces plus petites consacrĂ©es aux ateliers, Ă la programmation Turing Room et au bricolage Dirty Shop. Lâopen space est aussi organisĂ© autour dâun coin Ă©lectronique, dâun espace couture et dâun large bric-Ă -brac de projets en cours et matĂ©riaux donnĂ©s, prĂȘts Ă ĂȘtre revisitĂ©s. A cet ensemble dĂ©jĂ trĂšs dense sâajoutent un petit studio de dĂ©veloppement photo et une micro-piĂšce occupĂ©e par la machine Ă dĂ©coupe laser. Parmi les machines Ă disposition quelques Makerbots ces imprimantes 3D, une machine Ă dĂ©coupe laser et des machines Ă coudre, des murs de composants Ă©lectroniques, une bibliothĂšque de livres rares⊠mais surtout lâentre-aide des membres du lieu, qui peuvent ĂȘtre plus dâune centaine certains soirs. Image Noisebridge. Ici, tout respire la communautĂ© et lâĂ©change. La profusion de crĂ©ativitĂ© et lâatmosphĂšre trĂšs particuliĂšre qui se dĂ©gage du lieu rĂ©vĂšlent des strates dâactivitĂ©, de discussions, de projets collectifs. Les murs sont couverts dâaffiches et de messages qui font rĂ©fĂ©rences Ă la culture hacker partagĂ©e par tous âShut up and hack !â Taisez-vous et bidouillez !. Ce rapide tour du propriĂ©taire souligne bien une double particularitĂ© des hackerspaces expertise et communautĂ©. MĂȘme sâil se prĂ©sente comme ouvert Ă tous â et câest le cas -, Noisebridge reste un lieu plutĂŽt rĂ©servĂ© Ă un public de connaisseurs, qui demeure intimidant pour celui qui nâest pas du sĂ©rail. A cela sâajoute une vĂ©ritable âdĂ©sorganisation organisĂ©eâ, toutes les dĂ©cisions sont prises collectivement et personne ne dĂ©cide pour les autres. Lâespace est ouvert nuit et jour, la cotisation pour devenir membre est laissĂ©e Ă la discrĂ©tion de chacun, ainsi que la participation Ă lâachat et lâentretien du matĂ©riel. Pour sous-tendre lâensemble, une seule rĂšgle âBe excellent.â Techshop rendre la fabrication numĂ©rique accessible Ă tous A lâinverse des Hackerspaces, qui sont une nĂ©buleuse de lieux dĂ©pendants avant tout de lâinitiative de petits groupes de passionnĂ©s et sans volontĂ© commerciale, Techshop est en train de se positionner comme lâentreprise de rĂ©fĂ©rence en matiĂšre de lieu de fabrication personnelle. Le premier Techshop a Ă©tĂ© ouvert Ă Menlo Park, au sud de San Francisco, Ă lâinstigation dâun inventeur enthousiaste, Jim Newton, qui se dĂ©sespĂ©rait de ne pas avoir dâespace de bricolage de grande envergure Ă sa disposition. Le deuxiĂšme Techshop vient Ă peine dâouvrir ses portes, cette fois en plein coeur de San Francisco. Immense building occupĂ© sur deux Ă©tages par des machines professionnelles accessibles de façon illimitĂ©e par tous les membres contre un abonnement mensuel environ 120$ et le suivi de classes dâinitiation au fonctionnement et Ă la sĂ©curitĂ© environ 50$ par classe. Machines Ă dĂ©coupe laser, fraiseuses, tours, machines Ă dĂ©couper du bois, machines Ă coudre professionnelles, imprimante et scanner 3D, dĂ©coupeuse vinyle, oscilloscope, une trentaine dâordinateurs Ă©quipĂ©s des derniers logiciels de conceptualisation 3D, et mĂȘme un WaterJet Ă©norme machine qui utilise un jet dâeau surpuissant pour dĂ©couper nâimporte quel matĂ©riau de plusieurs dizaines de centimĂštres dâĂ©paisseur⊠Ici, on trouve tous les outils. Ce qui explique peut-ĂȘtre quâon trouve aussi tous les profils aussi bien des bricoleurs et inventeurs farfelus que des entrepreneurs venant prototyper leur projet, des artistes que des Ă©tudiants souvent en design et architecture. Image photo dâun TechShop de San Francisco. Premier en son genre, Techshop a eu beaucoup de mal Ă convaincre des investisseurs du fait de lâoriginalitĂ© de son concept. Le projet a finalement trouvĂ© le soutien de plusieurs business angels et dâun gĂ©ant de la Valley, qui nâa pas encore rĂ©vĂ©lĂ© son nom. Lâentreprise semble aujourdâhui avoir les moyens de ses ambitions, malgrĂ© un coĂ»t dâentrĂ©e extrĂȘmement Ă©levĂ© pour un concept qui doit encore trouver son grand public. Il faut compter plus de 2,5 millions de dollars pour ouvrir un espace comme celui de San Francisco, avec un seuil de rentabilitĂ© atteint en 3 ans avec 600 Ă 700 membres rĂ©guliers. Pour Mark Hatsch, leur directeur, les espaces de fabrication personnelle deviendront Ă moyen terme un nouveau genre de fitness club, un espace oĂč lâon se rend chaque semaine pour bricoler, crĂ©er et dĂ©velopper ses projets. Lâambition forte affichĂ©e par lâĂ©quipe dirigeante qui a 8 projets dâouvertures de Techshop dâici Ă la fin 2012 va dans le sens de lâenthousiasme gĂ©nĂ©ralisĂ© qui accompagne lâouverture de ces lieux autour de la Baie. Mathilde Berchon et VĂ©ronique Routin VĂ©ronique Routin est directrice du dĂ©veloppement Ă la Fing, lâassociation Ă©ditrice dâInternetActu qui anime notamment le programme FabLabÂČ sur ce sujet. Mathilde Berchon termine une exploration de trois mois autour de San Francisco Ă la rencontre de la communautĂ© des âmakersâ de la Bay Area. Elle continue de raconter cette aventure dans son blog Pour prĂ©parer la 3e Ă©dition française de la confĂ©rence Lift qui aura lieu du 6 au 8 juillet Ă Marseille, nous vous proposons de redĂ©couvrir quelques-unes des plus stimulantes prĂ©sentations qui sây sont tenues ces derniĂšres annĂ©es et que nous avons couvertes. Retour sur lâĂ©dition 2010 avec les prĂ©sentations dâAnders Sandberg et François TaddĂ©i. Elaborer de nouveaux systĂšmes dâintelligence collective Anders Sandberg travaille Ă lâInstitut pour le futur de lâhumanitĂ© dâOxford, un lieu âĂ la limite de la philosophieâ ou lâon sâefforce dâĂȘtre bizarre, affirme-t-il voir notre rĂ©cente interview. La plupart des grands problĂšmes auxquels nous faisons face aujourdâhui nâauraient mĂȘme pas Ă©tĂ© compris il y a quelques annĂ©es, estime Sandberg. Pourquoi ? Parce que rĂ©soudre les problĂšmes contemporains exige de plus en plus dâintelligence comprendre les problĂšmes Ă©cologiques dâaujourdâhui implique de meilleures connaissances en physique par exemple. Câest pourquoi nous avons besoin de plus en plus dâintelligence. Pour cela il existe une grande gamme de mĂ©thodes. Les plus classiques consistent Ă bien manger, bien dormir ou faire de lâexercice. Il existe aussi des mĂ©thodes Ă©ducatives qui ont pour objectif dâaugmenter le quotient intellectuelâŠ, bien quâon arrive assez vite Ă un seuil avec ce type dâentrainement. On peut Ă©galement prendre des substances chimiques, mais toutes impliquent une contrepartie, des effets secondaires si certaines permettent de se concentrer plus facilement sur un projet, par exemple, il devient plus difficile de conduire. Il existe Ă©galement des moyens pour amĂ©liorer sa mĂ©moire, mais elles agissent chacune sur diffĂ©rents types de mĂ©moire. On peut aussi envisager de connecter directement les cerveaux et les ordinateurs. Mais en rĂ©alitĂ©, câest un processus trĂšs difficile Ă mettre en place, il faut vraiment ĂȘtre trĂšs motivĂ© pour entreprendre ce genre de projet, souligne Anders Sandberg qui a pourtant Ă©tĂ© un ardent dĂ©fenseur du transhumanisme, câest pourquoi il sâintĂ©resse surtout, aujourdâhui, aux personnes handicapĂ©es, peut-ĂȘtre parce quâil semble plus acceptable aujourdâhui de connecter le cerveau de personnes handicapĂ©es Ă des machines⊠Enfin, il ya les âgadgetsâ, les tĂ©lĂ©phones portables par exemple, qui peuvent grandement aider notre façon de penser. LâintĂ©rĂȘt de ces produits est quâils sont peu onĂ©reux. Un objet comme le tĂ©lĂ©phone portable est apparu dans le milieu des affaires et son usage sâest aujourdâhui rĂ©pandu jusque dans les pays les plus pauvres de la planĂšte. Enfin, il y a la connexion des cerveaux entre eux, lâintelligence collective. Celle-ci existe depuis longtemps en science, sous la forme de la âcritique par les pairsâ. Lorsquâun scientifique publie, il reçoit diverses observations des autres spĂ©cialistes du domaine ce qui permet dâamĂ©liorer sa thĂ©orie originelle. Mais le problĂšme avec lâintelligence collective câest que la sagesse des foules semble aller de pair avec sa folie. Ainsi, une grande foule qui dĂ©libĂšre est un excellent moyen pour augmenter les âbiaisâ cognitifs, autrement dit les prĂ©jugĂ©s et les prĂ©fĂ©rences de groupe ! Selon les chercheurs travaillant dans ce domaine, les problĂšmes pour lesquels on ne dispose pas de solutions sont par exemple mieux traitĂ©s par des personnes isolĂ©es que par des groupes. En revanche, les problĂšmes qui peuvent se subdiviser en petites tĂąches sont bien mieux rĂ©glĂ©s par les groupes. Toute la question consiste donc Ă Ă©laborer de nouveaux systĂšmes dâintelligence collective. Pour cela, il existe de multiples mĂ©thodes. Par exemple, dans un jeu Ă rĂ©alitĂ© alternĂ©e comme The Beast, les joueurs sont divisĂ©s en une multitude dâĂ©quipes pour rĂ©soudre les Ă©nigmes posĂ©es par le jeu. La WikipĂ©dia est bien sĂ»r lâexemple le plus cĂ©lĂšbre dâune telle connexion des cerveaux. Les recherches et les simulations dâAnders Sandberg ont permis dâĂ©tablir quelques faits intĂ©ressants. Tout dâabord, une page peut commencer Ă un trĂšs bas niveau et monter trĂšs vite en qualitĂ©. En fait, lâintervention de rĂ©dacteurs incompĂ©tents a peu dâincidence sur le systĂšme. Leurs erreurs sont assez vite corrigĂ©es. Une intĂ©ressante recherche Ă mis face Ă face deux groupes diffĂ©rents. Lâun Ă©tait constituĂ© de âspĂ©cialistesâ de gens qui Ă©taient considĂ©rĂ©s comme âtrĂšs intelligentsâ. Le second groupe Ă©tait plus divers, et comprenait des gens de niveaux trĂšs diffĂ©rents. Il sâavĂšre que la qualitĂ© des pages travaillĂ©es par le second groupe sâest avĂ©rĂ©e meilleure que les pages Ă©ditĂ©es par le premier. Comment cela est-il possible ? Et bien dans le second groupe, il y avait peut-ĂȘtre des gens pas trĂšs douĂ©s, mais il en avait aussi de trĂšs hauts niveaux, supĂ©rieurs, en fait aux âintelligentsâ du premier groupe ! Les blogs constituent un autre moyen de filtrer âlâintelligence collectiveâ, dont la qualitĂ© globale augmente via un processus de filtres entre pairs. Aujourdâhui pourtant, la WikipĂ©dia semble trouver ses limites, et certains se plaignent quâil devient difficile de lui ajouter grand-chose. Il va falloir trouver des modĂšles capables dâaller plus loin, mais jusquâici toutes les tentatives ont Ă©chouĂ©. La plupart des recherches en intelligence collective sont connues et apprĂ©ciĂ©es des spĂ©cialistes de lâinternet. Mais ne faut-il pas aller plus loin ? Ne faudrait-il pas essayer de faire sortir les techniques propres Ă la WikipĂ©dia du monde en ligne pour les appliquer aux mondes rĂ©els, notamment aux institutions ? Câest en tout le projet quâesquisse Anders Sandberg, reste Ă en trouver les modalitĂ©s concrĂštes. Adapter le systĂšme Ă©ducatif Ă demain Pour devenir plus intelligent, il y a une mĂ©thode trĂšs ancienne qui a peut-ĂȘtre besoin dâĂȘtre rajeunie, lâĂ©ducation. Comment adapter le systĂšme Ă©ducatif au XXIe siĂšcle ? Telle est la question que nous adresse François TaddĂ©i chercheur au Centre de recherche interdisciplinaire de lâInserm. âJe me suis intĂ©ressĂ© Ă lâĂ©ducation quand jâai eu un enfant et quâil est allĂ© Ă lâĂ©cole. Câest un enfant adorable, mais il pose trop de questions, me disait son professeur avec un ton de reprocheâ. Cette petite anecdote illustre bien le problĂšme de lâĂ©cole dâaujourdâhui, estime François TaddĂ©i. Nous vivons dans un flux dâinformation oĂč il est difficile de savoir laquelle est pertinente. La mĂ©thode socratique a Ă©tĂ© inventĂ©e il y a des milliers dâannĂ©es pour passer de lâinformation au savoir. Peut-on questionner collectivement les choses pour trouver de nouvelles narrations et scĂ©narios ? Peut-on rendre la mĂ©thode socratique collective ? Chacun de nos enfants est un petit Socrate, mĂȘme si le systĂšme Ă©ducatif leur apprend Ă poser de moins en moins de questions. Comment les aider Ă aller de plus en plus vite ? A apprendre Ă en poser plus de plus en plus ? Image François TaddĂ©i sur la scĂšne de Lift, photographiĂ© par User Studio. Le jeu dâĂ©chec est un paradigme du futur. Quand Garry Kasparov a perdu contre Deep Blue, The Economist a publiĂ© un article qui disait que si votre emploi ressemblait aux Ă©checs, il Ă©tait temps dâen changer. Or, moi mĂȘme, jâai bĂąti ma carriĂšre sur la base de ma capacitĂ© Ă mĂ©moriser et Ă calculer », reconnaĂźt François TaddĂ©i. Tous les emplois qui ne concernent que le calcul et la mĂ©morisation sont en danger et ce ne sont pas que des emplois peu qualifiĂ©s. Pourtant, une fois que lâordinateur lâa battu aux Ă©checs, Kasparov a lancĂ© les Ă©checs perfectionnĂ©s, un concours oĂč les joueurs Ă©taient assistĂ©s de leurs ordinateurs pour jouer. Il est intĂ©ressant dâobserver que ceux qui ont gagnĂ© sont ceux qui avaient les meilleures compĂ©tences dâinteraction entre lâhomme et la machine et non pas ceux qui avaient le meilleur programme ou le meilleur joueur dâĂ©chec. Et François TaddĂ©i dâen tirer une leçon Il faut apprendre aux enfants Ă utiliser la techno de maniĂšre optimale, pour faire le meilleur usage du cerveau et de lâordinateur ». La technologie est moralement neutre, mais elle peut-ĂȘtre Ă la fois utilisĂ©e pour dĂ©truire ou construire le monde. Le PoĂšte TS Elliot disait dans Le Roc, lâun de ses cĂ©lĂšbres poĂšmes OĂč est la vie que nous avons perdue en vivant ? OĂč est la sagesse que nous avons perdue dans la connaissance ? OĂč est la connaissance que nous avons perdue dans lâinformation ? » Il faut rĂ©inventer lâĂ©cole estime François TaddĂ©i. Nous Ă©duquons nos enfants pour les formater via une boite logique, alors que nous avons besoin dâun enseignement plus crĂ©atif pour les aider Ă imaginer lâavenir, Ă se responsabiliser, Ă faire ce que lâordinateur ne sait pas faire. Tous les adultes ont Ă©tĂ© Ă©duquĂ©s par le systĂšme Ă©ducatif passĂ© et nous avons du mal Ă aller au-delĂ de cette boite logique qui nous a formatĂ© et trouver de nouvelles possibilitĂ©s. » Le monde dans lequel nous vivons sâaccĂ©lĂšre sans cesse plus avant. Lewis Carroll en 1871 avait compris quâil fallait courir deux fois plus pour rester au mĂȘme endroit et aller encore deux fois plus vite pour aller ailleurs. Pour sâadapter dans un monde qui va plus vite, il faut effectivement courir plus vite et savoir oĂč lâon court. » Biologiste de formation, jâai Ă©tĂ© formĂ© Ă comprendre comment courent les bactĂ©ries », rappelle François TaddĂ©i. Nous savons allonger la durĂ©e de vie, lutter contre de nombreux agents pathogĂšnes⊠Nous avons triplĂ© lâespĂ©rance de vie en deux siĂšcles. Mais les bactĂ©ries ont appris Ă apprendre, elles ont accru leur capacitĂ© dâapprentissage, elles savent collaborer, elles savent dĂ©sapprendre, elles savent construire leur propre environnement adaptĂ© Ă leurs gĂ©nomes et Ă©changent des informations sur la maniĂšre de coopĂ©rer. Le paradigme des bactĂ©ries se met Ă lâoeuvre dans un monde de plus en plus vaste. Et il nous faut lâappliquer Ă lâavenir de la science. La science ouverte, tel quâelle commence Ă ĂȘtre pratiquĂ©e, montre que les gens apprennent plus vite ainsi et quâelle peut sâadresser Ă tous. » En Afrique, lâoiseau miel ne sait pas trouver seul le miel, explique le chercheur. Il chante une jolie chanson qui va plaire aux humains, les attirer pour leur indiquer lĂ oĂč se situent les abeilles et lâoiseau va profiter du savoir-faire de lâhumain pour rĂ©cupĂ©rer un peu de miel. La lĂ©gende africaine dit que si vous ne donnez pas de miel Ă lâoiseau, la fois suivante, il vous conduira au lion. Si lâoiseau et lâhomme surexploitent la ressource, ni lâun ni lâautre nâauront de quoi vivre. En cela, la fable est une belle mĂ©taphore de la coopĂ©ration. Tous les systĂšmes apprennent, rappelle le scientifique. Certains primates ont appris Ă laver des lĂ©gumes avant de les manger pour quâil nây ait pas de sable dedans. Et cette technique sâest dâabord propagĂ©e via les jeunes femelles avant de finir par convaincre les vieux mĂąles dominants, sâamuse François TaddĂ©i en comparant cette appropriation Ă la façon dont nos sociĂ©tĂ©s sâapproprient les technologies. Semmelweis a le premier insistĂ© auprĂšs des mĂ©decins pour quâils se lavent les mains en passant dâun malade Ă lâautre, de la salle dâautopsie Ă la salle dâaccouchement. Pourtant, malgrĂ© ses dĂ©monstrations et son insistance, les docteurs de lâĂ©poque ne lâentendaient pas. Souvent, les innovations ne prennent pas, car les gens nâacceptent pas que lâidĂ©e dâun autre ce soit mieux que leur pratique quotidienne. » Kiran Bir Sethi Ă la confĂ©rence TED a Ă©voquĂ© le virus âi canâ, câest-Ă -dire le fait de pouvoir se dire je peux le faire », un virus quâelle tente de transmettre Ă des milliers dâenfants indiens pour leur donner lâenvie dâapprendre et dâinnover. Il faut Ă©tablir des liens entre les crĂ©ateurs et rĂ©inventer la maniĂšre dont nous crĂ©ons, estime encore François TaddĂ©i. DâoĂč lâidĂ©e dâimaginer des Campus un campus en Ă©volution oĂč il faut rĂ©inventer en continu la façon dont on procĂšde Ă lâĂ©ducation et dont on utilise la techno tout en Ă©tant accessible Ă tous sur la planĂšte, Ă lâimage des cours du MIT en ligne. Mais au vrai MIT, on a plus que les cours, il y a aussi les interactions avec les enseignants et les Ă©tudiants, souligne le chercheur. Plus que de donner accĂšs Ă la science, nous avons besoin de zones de crĂ©ativitĂ© », insiste le chercheur, car souvent, on est entourĂ© de gens qui ne le sont pas. Il faut crĂ©er des espaces de crĂ©ation de maniĂšre constructive ». On sait quâen France on a tendance Ă critiquer sans faire de propositions constructives pour aller plus loin, ce nâest pourtant pas la dĂ©marche de François TaddĂ©i, au contraire. Il a mis en place le programme explications additionnelles, vidĂ©o par lequel tente de crĂ©er un espace numĂ©rique pour Ă©changer et crĂ©er des idĂ©es entre Ă©tudiants. Câest un espace oĂč ils peuvent trouver des idĂ©es, rĂ©aliser des projets, de maniĂšre ouverte, utilisant lâintelligence collective⊠Que peut-on faire de plus beau et de plus utile quâune tour Eiffel, conclut François TaddĂ©i en nous montrant le symbole dâune Ă©poque, en utilisant des technologiques dâune maniĂšre constructive et collective ? François TaddĂ©i esquisse une piste. Il faut crĂ©er lâavenir, car nous allons y passer le reste de leur vie », rappelle-t-il enthousiaste, avant de sâĂ©clipser rapidement prendre un avion pour lâautre bout du monde, certainement pour en convaincre dâautres personnes de lâurgence Ă dĂ©velopper une Ă©cole innovante, comme il le disait dĂ©jĂ lâannĂ©e derniĂšre dans une tribune au Monde. RĂ©mi Sussan et Hubert Guillaud Lift11 6-8 juillet, Marseille OĂč peut-on Ă la fois Ă©changer avec le M. Innovation » du Royaume-Uni Geoff Mulgan, lâentrepreneuse en sĂ©rie du covoiturage Robin Chase, le directeur R&D du plus grand rĂ©seau de patients du monde, PatientsLikeMe Paul Wicks, la chercheuse de rĂ©fĂ©rence sur les villes globales Saskia Sassen, la designeuse des Slow cities » Anna Meroni et celle dâun rĂ©seau de gestion de crises qui, issu dâAfrique, intĂ©resse jusquâaux Japonais Juliana Rotich ? A Lift France, cet Ă©tĂ© Ă Marseille. OĂč peut-on dĂ©couvrir 22 installations incroyables qui mettent en scĂšne des projets dâartistes, de designers, de chercheurs et dâentrepreneurs audacieux ? Participer Ă 14 ateliers crĂ©atifs pour redessiner la ville, inventer la consommation collaborative de demain ou rĂ©flĂ©chir au futur de la monnaie ? Toujours Ă Lift. A lâoccasion de lâouverture du blog invitĂ© dâInternetActu et de Place de la Toile sur la plateforme du profitez de 25 % de remise pour aller Ă Lift France 2011. Pour prĂ©parer la 3e Ă©dition française de la confĂ©rence Lift qui aura lieu du 6 au 8 juillet Ă Marseille, nous vous proposons de redĂ©couvrir quelques-unes des plus stimulantes prĂ©sentations qui sây sont tenues ces derniĂšres annĂ©es et que nous avons couvertes. Retour sur lâĂ©dition 2010 avec les prĂ©sentations de Manuel Lima, Stefana Broadbent et Ivo Gormley⊠La complexitĂ© nâest-elle pas devenue une caractĂ©ristique de nos sociĂ©tĂ©s, plutĂŽt quâun bug ? Comment pourrions-nous regagner le contrĂŽle de nos flots dâinformation, de notre temps ? Pouvons-nous aborder la complexitĂ© dâune façon plus productive ? Pouvons-nous mieux la comprendre, mieux la maĂźtriser ? Tel Ă©taient les questions adressĂ©es par les organisateurs de la seconde Ă©dition de la confĂ©rence Lift France, Ă la fois Ă un designer, Ă un vidĂ©aste et Ă une ethnologue. ForcĂ©ment, cela a apportĂ© des rĂ©ponses multiples. Visualiser la complexitĂ© Sommes-nous en train de dĂ©couvrir une nouvelle vision du monde, aussi diffĂ©rente de la vision mĂ©canique newtonienne du rĂ©el, que celle-ci le fut de la vision aristotĂ©licienne qui domina tout au long du Moyen-Age ? Le mot clĂ© de cette supposĂ©e rĂ©volution cognitive, ce serait la complexitĂ© ». Sous cette banniĂšre se regroupe lâensemble des phĂ©nomĂšnes capables de sâorganiser spontanĂ©ment de maniĂšre trĂšs Ă©laborĂ©e, sans intervention dâune intelligence extĂ©rieure. Image Manuel Lima sur la scĂšne du théùtre de la CriĂ©e Ă Marseille, photographiĂ© par Fabien Girardin. Câest dans le but de mieux comprendre cette rĂ©volution de la complexitĂ© que le designer Manuel Lima a créé le site Visual Complexity. Dans sa prĂ©sentation Ă Lift le 7 juillet, Manuel Lima a rĂ©sumĂ© lâactuelle transformation de nos connaissances en citant un article de Warren Weaver un scientifique qui dĂ©veloppa dĂšs 1944 la thĂ©orie de lâinformation en compagnie du cĂ©lĂšbre Claude Shannon sur la complexitĂ© organisĂ©e, oĂč il tente dâanalyser lâhistoire de la perception de la rĂ©alitĂ© en trois Ă©tapes Les 17e, 18e et 19e siĂšcles, Ă©poque du triomphe de la mĂ©canique newtonienne furent essentiellement consacrĂ©s Ă lâanalyse de la simplicitĂ©. Les sciences et les mathĂ©matiques de lâĂ©poque se chargeaient de comprendre les choses prĂ©visibles, constantes, comme les mouvements des objets sous lâinfluence des forces physiques. Le 20e siĂšcle sâest intĂ©ressĂ© Ă la complexitĂ© dĂ©sorganisĂ©e le hasard, les statistiques⊠Le 21e siĂšcle, lui, se heurte Ă la complexitĂ© organisĂ©e. Celle justement qui se caractĂ©rise par la constitution des rĂ©seaux. Les thĂ©ories de la complexitĂ© sont nombreuses par exemple, il y a la thĂ©orie du chaos, celle des automates cellulaires » chĂšre Ă Stephen Wolfram, voire la cybernĂ©tique des annĂ©es 50⊠mais aujourdâhui celle qui est peut-ĂȘtre la plus populaire au moins dans les milieux du web, ce qui nâĂ©tonnera personne ! est la thĂ©orie des rĂ©seaux, notamment lâidĂ©e des petits mondes » qui montre comment un certain type de connectivitĂ© peut trĂšs facilement permettre une mise en relation globale de tous ces Ă©lĂ©ments la fameuse notion des six degrĂ©s de sĂ©paration ». Selon ses promoteurs, tels que Duncan Watts, Steven Strogatz, ou Albert-Laszlo Barabasi, cette thĂ©orie permettrait de mieux comprendre toute une Ă©chelle de phĂ©nomĂšnes, de la physique fondamentale Ă Facebook, en passant par le clignotement synchronisĂ© des lucioles ou les rythmes du cerveau⊠Et pour cause tous ces ensembles sont en fait constituĂ©s de la mĂȘme maniĂšre, Ă des Ă©chelles diffĂ©rentes, avec des composants diffĂ©rents. Comme lâa rappelĂ© Lima Le cerveau est un rĂ©seau constituĂ© de neurones reliĂ©s par des axones ; la cellule est un rĂ©seau de molĂ©cules reliĂ©es par des produits chimiques ; les sociĂ©tĂ©s humaines sont constituĂ©es dâindividus reliĂ©s par des relations amicales, familiales, professionnelles ; les Ă©cosystĂšmes entiers sont des rĂ©seaux dâespĂšces connectĂ©es par diverses interactions comme la chaine alimentaire. » Il y a quelques annĂ©es, en rĂ©digeant sa thĂšse, Manuel Lima a créé un outil permettant de visualiser comment lâinformation se rĂ©pand Ă travers les blogs Blogviz, qui a suscitĂ© lâintĂ©rĂȘt de nombreux chercheurs. Câest cette recherche sur la nature de la blogosphĂšre qui a conduit Lima Ă sâintĂ©resser plus avant aux structures fondamentales des rĂ©seaux, et Ă crĂ©er Visual Complexity. Ce site est un vĂ©ritable catalogue illustrĂ© des systĂšmes complexes existant Ă lâĂšre de lâinterconnectabilitĂ© infinie », un bestiaire de tous les types de rĂ©seaux existant dans notre univers. On y trouve des centaines de modĂšles. Lima en a mentionnĂ© quelques-uns lors de son intervention. Des analyses de la blogosphĂšre politique amĂ©ricaine, par exemple qui permettent de voir si les intersections entre blogs dĂ©mocrates et rĂ©publicains permettent de se faire une idĂ©e des rĂ©sultats des Ă©lections. Une recherche du mĂȘme type a Ă©tĂ© effectuĂ©e sur les soutiens Ă SĂ©golĂšne Royal, qui incluaient de surcroit les coordonnĂ©es gĂ©ographiques des diffĂ©rents participants. Un autre type de visualisation, la âblogosphĂšre hyperboliqueâ de Matthieu Hurst cofondateur du site Blogpulse , concerne lâensemble des blogs et a permis de visualiser des donnĂ©es surprenantes. On y dĂ©couvre en effet lâexistence, au milieu de tous ces sites interconnectĂ©s, de petits ilots isolĂ©s du reste de la sphĂšre. Des blogs de gens trĂšs jeunes, interconnectĂ©s entre eux, mais qui ne font guĂšre de liens vers le reste du monde. Il existe une multitude dâautres exemples, comme les cartographies rĂ©alisĂ©es depuis Flickr par Fabien Girardin ou cette expĂ©rience de Biomapping, qui mesure via GPS le niveau de stress des gens se dĂ©plaçant dans la pĂ©ninsule de Greenwich, Ă Londres. Il existe mĂȘme des recherches sur le terrorisme, comme Rewiring the spy, qui cartographie la âcarriĂšreâ de diffĂ©rents terroristes, pas forcĂ©ment des leaders, mais ceux qui restent plusieurs annĂ©es dans le milieu, afin dâanalyser la dynamique de ces groupes pour ActuVisu, Caroline Goulard a fait sa lecture de Manuel Lima en pointant Ă©galement les diffĂ©rents exemples Ă©voquĂ©s. Lâensemble de ces diffĂ©rentes configurations de rĂ©seaux, quâil est dĂ©sormais possible dâobserver et de mesurer, implique la crĂ©ation dâun nouveau langage, dâune nouvelle syntaxe visuelle, estime Manuel Lima. Câest tout lâenjeu de Visual Complexity. Tous ces rĂ©seaux qui possĂšdent autant de points communs, sont-ils tous des exemples particuliers dâune mĂȘme structure universelle ? Câest une question que Manuel Lima a posĂ©e en conclusion, en nous montrant face Ă face deux photos aux sujets fort diffĂ©rents. Lâune reprĂ©sentant la structure cĂ©rĂ©brale dâune souris, lâautre Ă©tant une illustration de la forme de lâunivers entier. Deux images qui se ressemblent de maniĂšre impressionnante, mais une simple analogie est-elle suffisante pour convaincre quâune rĂ©volution scientifique est en marche ? On voit se profiler aujourdâhui derriĂšre une telle science du rĂ©seau lâidĂ©e dâun nouveau platonisme, la conviction quâil existe un Monde des IdĂ©es » donnant forme Ă lâensemble des phĂ©nomĂšnes. Une idĂ©e qui ne va pas sans susciter un certain scepticisme lorsquâĂ la fin de Lift, le gĂ©ographe Jacques Levy a mis en garde les actuels chercheurs du web contre une formule magique » susceptible dâexpliquer Ă la fois phĂ©nomĂšnes sociaux et physiques, sans doute avait-il en tĂȘte la prĂ©sentation de Manuel Lima. Dâun autre cĂŽtĂ©, on ne peut sâempĂȘcher de penser que ces nouveaux modĂšles formels nous rĂ©vĂšlent quelque chose de profond sur la nature de la rĂ©alitĂ©, mais quoi ? Pour le savoir, sans doute faudra-t-il aller encore plus loin, construire plus avant ce nouveau langage, et au-delĂ dâun vocabulaire visuel, fĂ»t-il fascinant, sâattacher Ă lâĂ©laboration de sa sĂ©mantique et de sa syntaxe. Comprendre la complexitĂ© des usages Stefana Broadbent est chercheuse au dĂ©partement dâAnthropologie de CollĂšge universitaire de Londres et sâoccupe du laboratoire UsageWatch qui consiste, comme son nom lâindique, Ă observer les usages, notamment technologiques. Cet homme envoie un SMS depuis son lieu de travail », certainement Ă quelquâun qui nâest pas loin de lui, car souvent on sâadresse Ă des amis, Ă de la famille, explique la chercheuse en nous montrant la photo dâun ouvrier du bĂątiment en train de faire une petite pause avec son mobile, comme on la faisait avant avec une cigarette. Câest une action trĂšs subversive, car cela remet en question la morale et lâĂ©thique au travail, souligne la chercheuse. Nous avons appris que pour ĂȘtre productif, il faut ĂȘtre isolĂ© de notre famille et des gens quâon aime. On ne doit pas ĂȘtre distrait par des activitĂ©s personnelles au travail. Or, tous les gens qui ont accĂšs Ă des moyens de communication lâutilisent pour des communications privĂ©es sur leurs lieux de travail. » Cette croyance selon laquelle la productivitĂ© et lâisolement sont importants dans le travail ne remonte pourtant quâĂ la rĂ©volution industrielle avec lâinvention des lieux de production spĂ©cialisĂ©e, quand nous sommes passĂ©s du moment oĂč les gens Ă©taient payĂ©s pour le produit quâil fabriquait au temps passĂ© Ă le fabriquer ». Cette transformation a introduit le problĂšme de lâattention au travail », explique Stefana Broadbent. Câest Ă partir de lĂ quâon a inventĂ© des systĂšmes de contrĂŽle de lâattention des gens, en transformant les environnements de travail, en introduisant des superviseurs, des agents de maĂźtrise chargĂ©s de contrĂŽler le travail des autres. » On a la mĂȘme chose dans le systĂšme Ă©ducatif on apprend aux enfants Ă se concentrer , ce sur quoi se concentrer, ce qui vaut la peine de se concentrer. Il y a beaucoup de discussions et de confusions sur la question de lâattention, estime la chercheuse. La façon de gĂ©rer la complexitĂ© et lâattention sâappuie sur lâidĂ©e que les gens peuvent la gĂ©rer de façon individuelle, que câest un processus individuel qui sâappuie sur la volontĂ© de chacun. Or, jâaimerais vous montrer que lâattention est un processus social plus quâindividuel. » Charles Derber en 1979 dans The Poursuit of Attention disait que les relations entre les statuts des uns et des autres Ă©taient liĂ©es Ă lâattention. Ceux qui ont un statut plus Ă©levĂ© sâattendent Ă recevoir lâattention des autres et ceux qui ont un statut plus bas doivent porter de lâattention. Mon expĂ©rience dâobservation des gens sur leurs lieux de travail montre quâon contrĂŽle la gestion de lâattention des employĂ©s de bas niveau, alors quâon fait confiance aux cadres et dirigeants » on ne surveille pas comment ils gĂšrent leur temps. Il y a une rupture sociale considĂ©rable dans la gestion de lâattention, liĂ©e Ă la confiance. A lâheure actuelle, dans beaucoup de lieux de travail, on contrĂŽle lâaccĂšs des employĂ©s aux modes de communication accĂšs internet restreint voir interdit, mobiles Ă©teints, e-mails dĂ©branchĂ©s⊠Il y a une grande disparitĂ© dans la supervision et le contrĂŽle. Le contrĂŽle de lâattention des gens est pourtant vouĂ© Ă lâĂ©chec, mĂȘme si beaucoup dâentreprises continuent Ă le faire. Il est devenu de plus en plus impossible Ă mesure que les moyens de communication se dĂ©multiplient. » Et Stefana Broadbent de prendre un exemple trĂšs prĂ©cis pour nous convaincre de sa dĂ©monstration, en observant par le dĂ©tail un accident de train, le Chatsworth Metrolink Accident de 2008, qui a eu lieu dans une petite ville du nord de Los Angeles un accident tragique oĂč deux trains sont entrĂ©s en collision Ă 4 heures de lâaprĂšs-midi faisant 25 morts et plus de 100 blessĂ©s. Les deux trains un de voyageur, lâautre de marchandise Ă©taient sur la mĂȘme section dâune voie unique et allaient dans deux sens diffĂ©rents. Le National Transportation Savety Board â NTSB â amĂ©ricain a enquĂȘtĂ© sur les causes de lâaccident et a montrĂ© que le conducteur du train de passagers nâavait pas vu un feu de circulation rouge⊠Et la raison pour laquelle il ne lâavait pas vu Ă©tait quâil utilisait son mobile pour envoyer un texto, car lâenquĂȘte a montrĂ© que quelquâun a reçu un texto de lui, 22 secondes avant la collision. On sâest rendu compte que ce jour-lĂ , pendant son travail, il avait envoyĂ© 62 textos. Metrolink avait pourtant Ă©dictĂ© des rĂšgles de non-utilisation des mobiles en conduisant. Mais si lâon regarde les messages du conducteur, on se rend compte quâil envoyait des messages pendant quâil Ă©tait au travail quasiment tous les jours. En regardant son activitĂ© via son tĂ©lĂ©phone mobile, on se rend compte que lorsquâil travaillait 11 heures dans la journĂ©e, aux heures de pointe du matin et de lâaprĂšs-midi, il envoyait plus de textos pendant quâil Ă©tait au travail que pendant quâil Ă©tait au repos. Câest assez habituel dans nos pratiques, quand on les regarde en dĂ©tail, en fait », rappelle la chercheuse. Image Stefena Broadbent sur la scĂšne de Lift, montrant le schĂ©ma des Ă©changes de texto du conducteur de train, photographiĂ©e par User Studio. La sociĂ©tĂ© Metrolink sâest dĂ©fendu en disant quâelle ne pouvait savoir si le conducteur du train Ă©tait en train de tĂ©lĂ©phoner ou de lire son journal. Personne ne voit ce quâil fait dans sa cabine. Suite Ă cet accident, le NTSB a conclu⊠quâil fallait installer des camĂ©ras vidĂ©os dans les cabines des conducteurs ! Dans les jours qui ont suivi lâaccident, il y a une loi interdisant Ă tout employĂ© des chemins de fer dâutiliser des dispositifs mobiles. Une autre loi a interdit lâutilisation du tĂ©lĂ©phone dans les voitures, et dans toute situation de mobilitĂ©. Or, si on regarde les facteurs de risque, on se rend compte quâil y avait bien dâautres Ă©lĂ©ments qui ne fonctionnaient pas », rappelle Stefana Broadbent jouant au dĂ©tective⊠Dâabord, cette ligne Ă©tait une voie unique, comme il y en a beaucoup en Californie, ce qui nâest pas nĂ©cessairement sans risque. Ensuite, quand le train est passĂ© au feu rouge, personne nâa pu avertir le conducteur de son erreur. Le systĂšme ne permettait pas non plus dâarrĂȘter le train Ă distance⊠Enfin, la durĂ©e du travail journalier Ă©tait longue et fractionnĂ©e. Les conducteurs sont isolĂ©s dans leurs cabines. Lâautomatisation du systĂšme fait que leurs tĂąches sont trĂšs rĂ©pĂ©titives et ennuyeuses et lâon sait que la rĂ©pĂ©tition des tĂąches et lâennui ne favorisent pas lâattention. On sâest Ă©galement rendu compte que lâautre conducteur de train de marchandise a envoyĂ© Ă©galement 42 messages avec son mobile durant cette journĂ©e⊠On pourrait trouver bien des exemples analogues, comme lors du crash dâun avion sur lâHudson oĂč un contrĂŽleur aĂ©rien a Ă©tĂ© accusĂ©, faussement, dâavoir utilisĂ© un tĂ©lĂ©phone mobile pendant son travail. On en connait tous, des exemples de ce type, mĂȘme si, heureusement, souvent, ils sont beaucoup moins dramatiques, reconnaĂźt la chercheuse. Lâenvironnement de travail rĂ©duit le niveau dâimplication des gens. Lâautomatisation implique des travaux de plus en plus dĂ©nuĂ©s de sens avec des fonctions limitĂ©es. On demande Ă bien des employĂ©s de concentrer leur attention sur des tĂąches sans sens et rĂ©pĂ©titives et on sait quâon a du mal Ă concentrer son attention quand on sâennuie⊠Finalement, le tĂ©lĂ©phone mobile sert Ă rester vigilant et en alerte. Comme nos vĂ©rifications dâe-mails correspondent souvent Ă une chute dâattention dans notre travail et font partie dâun cycle dâattention qui a pour fonction de la dĂ©tourner pour nous permettre de nous reconcentrer », rappelle Stefana Broadbent. Enfin, on peut se demander si la division arbitraire entre le monde privĂ© et professionnel est une si bonne chose. Chacun sait quâil est important dâavoir des moments de contacts avec les siens dans la journĂ©e. Ce nâest pas un choix indivuel, mais bien souvent un choix social imposĂ© par nos reprĂ©sentations⊠» On peut se demander si la solution de contrĂŽler lâattention des gens est une bonne solution », conclu lâanthropologiste. La multiplication des camĂ©ras de surveillance et des politiques de surveillance augmente plutĂŽt quâelle ne diminue le problĂšme. Or, les gens trouveront toujours une colonne pour se cacher et faire ce qui est interdit. Le problĂšme nâest pas tant dâutiliser un dispositif Ă©lectronique pour se distraire, mais de concevoir des environnements qui Ă©vitent un ennui massif et qui limitent les distractions. Les mobiles, comme lâinternet, ou la nicotine peuvent ĂȘtre un bouc-Ă©missaire facile. mais au final, le vĂ©ritable dĂ©fi est de savoir comment concevoir des environnements de travail plus chargĂ© de sens. » La connexion solution Ă la complexitĂ© ? Dans son film Us now voir lâarticle que nous lui consacrions lâannĂ©e derniĂšre, le cinĂ©aste et anthropologue britannique Ivo Gormley cherchait Ă dĂ©montrer que la collaboration de masse va bouleverser lâorganisation des gouvernements ». Aujourdâhui, il continue Ă tracer cette voie mĂȘlant entraide mutuelle, socialisation et participation Ă la vie de la communautĂ©. Le philosophe Thomas Hobbes pensait que lâĂ©tat naturel des ĂȘtres humains Ă©tait de sâentretuer, pour que les uns puissent profiter de ce que les autres ont. A contrario, Kropotkine, connu pour ĂȘtre lâun des thĂ©oriciens de lâanarchie, a beaucoup Ă©tudiĂ© les animaux, des abeilles aux chimpanzĂ©s, et estimait de son cĂŽtĂ© que, sâils devaient se battre voire tuer pour survivre, ils nâen passaient pas moins beaucoup de temps et dâĂ©nergie Ă sâentre-aider, et que cette forme naturelle » de lâentraide mutuelle Ă©tait trĂšs importante pour leur survie. Image Ivo Gormley sur la scĂšne de Lift, photographiĂ© par Ton Zijlstra. Aujourdâhui, dĂ©plore Ivo Gormley, câest plutĂŽt Hobbes qui a gagnĂ©. Lorsque les familles Ă©taient nombreuses et que les habitations Ă©taient surpeuplĂ©es, nombreux Ă©taient ceux qui allaient au pub ou au marchĂ©, nâhĂ©sitant pas Ă parler avec des Ă©trangers. Les supermarchĂ©s ne sont pas aussi sociaux que les marchĂ©s, et les Ă©crans de tĂ©lĂ©vision, les lotissements, les immeubles, ont souvent tendance Ă isoler les gens, Ă les anonymiser, Ă casser les mĂ©canismes dâentraide, dâapprentissage et dâĂ©changes dâantan. A lâopposĂ©, lâencyclopĂ©die WikipĂ©dia, ou encore le Couchsurfing ce site par lequel des gens prĂȘtent leurs canapĂ©s Ă des voyageurs du monde entier, montre Ă quel point les gens ont envie de partager, et besoin de sâentraider. Lâinternet est un formidable vecteur de socialisation, estime Ivo Gormley, pour qui nous avons besoin de nouveaux formats dâentraide mutuelle, et de faire revivre les anciens, nous devons remettre ça dans le courant mainstream » Lorsquâun systĂšme donne aux gens la possibilitĂ© dâagir de maniĂšre positive, ils le font avec plaisir, sây connectent sur la base de similitudes importantes, pas seulement pour faire le bien, mais aussi de maniĂšre trĂšs individualiste, parce quâils ont besoin dâaide, de trouver des gens dans la mĂȘme situation. Ce nâest que le dĂ©but de ce phĂ©nomĂšne fabuleux la possibilitĂ© de se connecter â et il faut crĂ©er encore plus de possibilitĂ©s de se connecter. Ce qui sâest passĂ© au 20e siĂšcle est une anomalie⊠On en revient Ă ce mouvement oĂč lâon sâintĂ©resse aux autres, oĂč lâon retravaille en collaboration.â Le nouveau film dâIvo Gormley, Playmakers montre comment certains se rĂ©approprient le jeu pour crĂ©er du lien social. Ainsi de ces jeunes blancs de la classe moyenne partis jouer Ă chat dans la rue, la nuit, et qui, confrontĂ©s Ă des jeunes Pakistanais qui ne comprenaient pas ce quâils faisaient et qui hĂ©sitaient Ă aller se plaindre Ă la police, les ont finalement invitĂ©s Ă venir jouer avec eux, pour finir bras dessus bras dessous aprĂšs une partie nocturne endiablĂ©e. Playmakers from thinkpublic on Vimeo. Ivo Gormley explique Ă©galement avoir travaillĂ© dans le service qui sâoccupe des patients atteints dâun cancer pour casser les hiĂ©rarchies constituĂ©es, permettre aux malades de prendre des responsabilitĂ©s, et amĂ©liorer les relations du personnel soignant et des patients. Evoquant lâindividualisme et la compĂ©tition qui rĂšgne gĂ©nĂ©ralement dans les salles de gym, ce quâil qualifie de mauvaise gym », et lâisolement croissant des personnes ĂągĂ©es, il a aussi participĂ© Ă la mise en place du projet Good Gym, via lâagence dâinnovation sociale britannique Think Public pour laquelle il est anthropologue, qui incite ceux qui ne pouvaient ou ne voulaient pas perdre de temps Ă aller en salle de gym Ă aller courir pour apporter par exemple un journal Ă des personnes ĂągĂ©es, trop contentes de pouvoir ainsi voir du monde. Dans les deux cas, le bĂ©nĂ©fice est non seulement social, mais Ă©galement physiologique avoir des contacts rĂ©guliers avec des jeunes a un impact direct sur lâespĂ©rance de vie des plus ĂągĂ©s, leurs capacitĂ©s cognitives et leur santĂ© vasculaire. Pour Ivo Gormley, si le 20e siĂšcle semble avoir donnĂ© raison Ă Thomas Hobbes, les nouvelles formes de sociabilitĂ© et dâentraide mutuelle que lâon voit poindre, notamment via le Net, nous renvoient plutĂŽt Ă Kropotkine. Et nous aurions probablement beaucoup Ă gagner Ă tenter de reconcevoir nos relations, et nos actions, afin de remettre lâentraide mutuelle au coeur des processus. RĂ©mi Sussan, Hubert Guillaud, Jean-Marc Manach Embracing Complexity at Lift France 10envoyĂ© par videosfing. â VidĂ©os des derniĂšres dĂ©couvertes scientifiques. Lift11 6-8 juillet, Marseille OĂč peut-on Ă la fois Ă©changer avec le M. Innovation » du Royaume-Uni Geoff Mulgan, lâentrepreneuse en sĂ©rie du covoiturage Robin Chase, le directeur R&D du plus grand rĂ©seau de patients du monde, PatientsLikeMe Paul Wicks, la chercheuse de rĂ©fĂ©rence sur les villes globales Saskia Sassen, la designeuse des Slow cities » Anna Meroni et celle dâun rĂ©seau de gestion de crises qui, issu dâAfrique, intĂ©resse jusquâaux Japonais Juliana Rotich ? A Lift France, cet Ă©tĂ© Ă Marseille. OĂč peut-on dĂ©couvrir 22 installations incroyables qui mettent en scĂšne des projets dâartistes, de designers, de chercheurs et dâentrepreneurs audacieux ? Participer Ă 14 ateliers crĂ©atifs pour redessiner la ville, inventer la consommation collaborative de demain ou rĂ©flĂ©chir au futur de la monnaie ? Toujours Ă Lift. A lâoccasion de lâouverture du blog invitĂ© dâInternetActu et de Place de la Toile sur la plateforme du profitez de 25 % de remise pour aller Ă Lift France 2011. Pour prĂ©parer la 3e Ă©dition française de la confĂ©rence Lift qui aura lieu du 6 au 8 juillet Ă Marseille, nous vous proposons de redĂ©couvrir quelques-unes des plus stimulantes prĂ©sentations qui sây sont tenues ces derniĂšres annĂ©es et que nous avons couvertes. Retour sur lâĂ©dition 2009 avec Gunter Pauli⊠âAujourdâhui, on donne des prix environnementaux aux hommes dâaffaires qui annoncent quâils vont polluer un peu moins. Mais il ne faut pas polluer un peu moins il faut arrĂȘter de polluer.â Câest sur cette base, qui pourrait paraĂźtre totalement provocatrice, que Gunter Pauli a plantĂ© le dĂ©cor de son impressionnante intervention voir la vidĂ©o. Gunter Pauli est un industriel belge qui, dans les annĂ©es 90, a lancĂ© une sociĂ©tĂ© fabricant des produits biologiques pour la lessive et la vaisselle, Ecover. Il a conçu son usine pour quâelle soit complĂštement biodĂ©gradable tous les matĂ©riaux pouvant ĂȘtre dĂ©montĂ©s et rĂ©utilisĂ©s. Il innova mĂȘme par exemple en payant ses employĂ©s jusquâĂ 50 centimes dâeuros par kilomĂštres parcourus pour quâils viennent en vĂ©lo Ă lâusine, jusquâĂ ce que la justice belge le condamne pour cette initiative qui sortait des cadres du droit du travail⊠Il a dirigĂ© Ecover jusquâĂ ce quâil dĂ©couvre que les produits quâil utilisait lâhuile de palme notamment Ă©taient responsables de la dĂ©forestation et de la disparition des Orang-Outan en IndonĂ©sie. Il vendit alors son entreprise pour se consacrer Ă la recherche de solutions alternatives Ă nos modes de dĂ©veloppement. Pour ĂȘtre un vrai pionnier de lâĂ©cologie, il lui fallait trouver des matiĂšres premiĂšres qui rĂ©gĂ©nĂšrent la forĂȘt tropicale, pas lâinverse. Pour lâexposition universelle de Hanovre en 2000, il contribua Ă rĂ©aliser un pavillon le Guadua Pavilion de Manizales construit uniquement en bambou, afin de montrer que le bambou â le matĂ©riel de la pauvretĂ©, celui avec lequel plus dâun milliard de personnes dans le monde construisent leur maison -, pouvait ĂȘtre un matĂ©riel durable et de qualitĂ©. Un vĂ©ritable acier vĂ©gĂ©tal. Cette rĂ©alisation a changĂ© le regard que les pauvres portaient sur ce matĂ©riau. âIl faut changer fondamentalement nos façons de penser. Nous devons crĂ©er des chemins pour que nos enfants imaginent un futur diffĂ©rent afin quâils ne rĂ©pĂštent pas nos erreursâ, explique Gunter Pauli. Image Gunter Pauli par Ivo NĂ€pflin pour la LiftConference. Câest par des rĂ©alisations comme celle-ci que Gunter Pauli a mis au point sa thĂ©orie et mĂ©thodologie de la âpollution zĂ©roâ qui a donnĂ© le nom de son Institut de recherche Zero emission research institute. Pour Pauli, faisant rĂ©fĂ©rence Ă la dynamique de la croissance mise au point par Adam Smith, on a trop exploitĂ© les facteurs de la division du travail et de lâaccumulation du capital au dĂ©triment des matiĂšres premiĂšres, gaspillĂ©es sous forme de dĂ©chets. Le dĂ©veloppement durable câest la capacitĂ© de rĂ©pondre aux besoins de tous avec ce dont nous disposons. Chaque systĂšme naturel, dont il sâinspire totalement, fonctionne avec ce qui est disponible. Or depuis des annĂ©es, notre Ă©conomie, comme notre systĂšme financier, a fonctionnĂ© avec ce qui nâexiste pas. » Un systĂšme qui nâa cessĂ© de produire du chĂŽmage, de la pollution, des dĂ©chets et de la pauvreté⊠dĂ©nonce lâentrepreneur Ă©cologiste. Aujourdâhui, lâĂ©conomie amĂ©ricaine gaspille chaque annĂ©e 1 000 000 000 000 de dollars pour gĂ©rer ses dĂ©chets ! âCâest une folie !â, clame Gunter Pauli. âOn ne met pas lâargent au bon endroit !â Sâinspirer des systĂšmes naturels Il faut en revenir Ă la satisfaction des besoins fondamentaux lâeau, la nourriture, le logement, la santĂ©, lâĂ©nergie, lâemploi, lâĂ©thique et stimuler lâentrepreneuriat dans ce sens. La science hĂ©las nâest pas liĂ©e Ă la satisfaction de ces besoins fondamentaux. âLes systĂšmes naturels sont mon inspirationâ. Nous nous devons de ne gĂ©nĂ©rer aucune pollution, aucun dĂ©chet, aucun chĂŽmage⊠explique-t-il le plus calmement du monde. De quoi avons-nous besoin pour arriver Ă une sociĂ©tĂ© durable ? Dâabord, y croire. Avoir une pensĂ©e positive. Se dire que câest possible. Il faut sâengager dans un apprentissage crĂ©atif pour comprendre comment fonctionnent les systĂšmes naturels et nous en servir pour que les transformations sâaccomplissent. On a besoin dâune innovation massive et de nouveaux modĂšles commerciaux pour y parvenir. Mais dans les Ă©coles de commerce, le modĂšle Ă©conomique quâon apprend consiste Ă investir plus et Ă©conomiser un peu. Ce nâest pas le modĂšle des systĂšmes naturels ! » LâĂ©volution nous apprend le contraire il faut investir moins pour gĂ©nĂ©rer plus de crĂ©ation et de capital social pour que chacun contribue Ă lâĂ©cosystĂšme. Nous ne pouvons pas accepter les dommages collatĂ©raux que nous faisons peser sur la nature et sur lâhumanitĂ©. Pour dĂ©passer les gĂ©nĂ©ralitĂ©s, Gunter Pauli se dĂ©cide Ă vouloir ĂȘtre concret et Ă montrer, par quelques exemples forts, comment, sur son exemple, on peut transformer les choses. Le systĂšme naturel cherche toujours Ă faire plus avec le moins dâĂ©nergie possible. Comment les systĂšmes naturels gĂ©nĂšrent-ils de lâĂ©lectricitĂ© tous les jours ? Ce nâest pas grĂące au soleil comme on le croit souvent. Mais par la gravitĂ© et la biochimie. Les systĂšmes naturels nâutilisent ni piles, ni mĂ©taux comment peut-on rĂ©soudre le problĂšme de la connectivitĂ©, si ce nâest en regardant comment la vie elle-mĂȘme gĂ©nĂšre de lâĂ©lectricitĂ© ? Et de montrer un prototype de film Ă©lectrocardiogramme thin film electrocardiogram, un Ă©lectrocardiogramme qui marche sans batterie, comme un patch, qui permet, en utilisant la connectivitĂ© naturelle du corps, de fonctionner pendant 24 heures, sans piles, sans fil. Oubliez les technologies qui ont besoin de trop dâĂ©nergie pour fonctionner comme le Bluetooth ! » Faisons tout sans piles. Les prothĂšses auditives, les tĂ©lĂ©phones mobiles peuvent fonctionner par la conductivitĂ© naturelle que nos corps produisent. Comment le dispositif nanomĂ©trique inventĂ© par le professeur Jorge Reynolds qui permet de rĂ©cupĂ©rer lâĂ©lectricitĂ© produite par notre corps et qui nous permet dâenvisager bientĂŽt des Pacemakers ne nĂ©cessitant ni chirurgie, ni anesthĂ©sie, ni piles pour fonctionner⊠Le Fraunhofer Institut est en train de produire le premier tĂ©lĂ©phone mobile qui fonctionne en convertissant la pression gĂ©nĂ©rĂ©e par la voix en Ă©lectricitĂ© ! On peut crĂ©er de lâĂ©lectricitĂ© avec le corps 60 volts/heure ou par la pression de la voix et cela permet dâenvisager de faire fonctionner un tĂ©lĂ©phone mobile pendant plus de 200 heures ! Plus vous parlez, plus votre tĂ©lĂ©phone est chargĂ© ! Mais on peut aller plus loin encore !, rapporte Gunter Pauli. Peut-on faire du mĂ©tal sans fonderie ni exploitations miniĂšres, câest-Ă -dire sans la chaine industrielle que nous avons conçu jusquâĂ prĂ©sent et qui nâest absolument pas durable. Pourrait-on exploiter du mĂ©tal juste en rĂ©cupĂ©rant le mĂ©tal existant ? A quoi servirait une place de marchĂ© de compensation des Ă©missions de carbone comme lâimagine le protocole de Kyoto, si on peut rĂ©duire de 99 % nos Ă©missions de carbone ? Autre exemple. Comment les systĂšmes naturels produisent-ils des polymĂšres ?, nous demande lâentrepreneur⊠Ils sont fabriquĂ©s Ă partir des acides animĂ©s dâinsectes par exemple depuis des millions dâannĂ©es, nous explique-t-il. Si nous Ă©tions capables de fabriquer des polymĂšres comme le font les insectes plutĂŽt que dâutiliser la pĂ©trochimie, nous arriverions Ă rĂ©volutionner profondĂ©ment la production. Gunter Pauli dĂ©fend ardemment le biomimĂ©tisme, câest-Ă -dire des technologies inspirĂ©es par le vivant. Aujourdâhui, on est capable dâutiliser la soie pour faire des rĂ©parations nerveuses ou osseuses. LâaraignĂ©e est capable de produire 9 types de soies diffĂ©rentes, avec des qualitĂ©s de rĂ©sistance diffĂ©rentes selon lâeau quâelle y incorpore. Le zoologue Fritz Vollrath et ses Ă©quipes dâOxford Biomaterial ont produit la premiĂšre usine produisant du fil comme lâaraignĂ©e en utilisant des acides aminĂ©s et la pression. On utilise 100 000 tonnes dâacier pour fabriquer des rasoirs jetables », sâenflamme Gunter Pauli, alors que la capacitĂ© de la soie pourrait nous permettre de nous raser sans jamais pĂ©nĂ©trer la peau. On pourrait remplacer lâacier et le titane de nos lames de rasoir par de la soie, ne nĂ©cessitant ni pĂ©trole, ni Ă©nergie, ni dĂ©chets. Un hectare de murier permet de produire 2 tonnes de soie. La Chine ancienne a travaillĂ© Ă rĂ©gĂ©nĂ©rer des sols arides en y plantant des mĂ»riers dont la soie a Ă©tĂ© le sous-produit. Pour fabriquer des rasoirs avec de la soie, il faudrait planter des mĂ»riers sur 250 000 hectares de sols arides quâon pourrait reconquĂ©rir par ce moyen et qui permettraient de gĂ©nĂ©rer plus de 12 500 emplois », explique-t-il chiffres Ă lâappui. Au final, lâobservation et lâimitation des systĂšmes naturels pourraient nous permettre de gĂ©nĂ©rer des polymĂšres naturels, conquĂ©rir des terres arides et crĂ©er des emplois ! » Autre exemple encore. Remplacer la chimie par la physique⊠Les systĂšmes naturels ne jouent pas avec les molĂ©cules non biodĂ©gradables. Or, si on se dĂ©barrasse de toutes les bactĂ©ries avec de la chimie, nous risquons surtout de finir par nous dĂ©barrasser de toute lâhumanitĂ© ! Comment les systĂšmes naturels contrĂŽlent-ils les bactĂ©ries, sans utiliser le chlore et les produits chimiques ?⊠On pourrait imaginer utiliser le vortex, ce tourbillon vertical quâon observe lorsquâon vide une baignoire par exemple. Realice, dĂ©veloppĂ© par H2O Vortex, un systĂšme qui créé de la glace en enlevant lâair lâeau glace plus facilement sans air, utilise ainsi la pression que gĂ©nĂšre un vortex. Sans air, pas de bactĂ©rie, pas de corrosion⊠TrĂšs rapidement trop, Gunter Pauli a Ă©voquĂ© la climatisation naturelle du zĂšbre ou des termitiĂšres en citant une Ă©cole en SuĂšde oĂč lâair circule sur le modĂšle des termitiĂšres pour faire de la rĂ©gulation thermique naturelle, qui savent refroidir ou rĂ©chauffer en dĂ©pensant le moins dâĂ©nergie possible, en nous incitant Ă nous en inspirer. Autre exemple encore nous avons pris lâhabitude dâincinĂ©rer les dĂ©chets organiques, alors que dans les systĂšmes naturels, ils deviennent des aliments. Dans le cafĂ© par exemple, on trouve seulement 0,2 % des graines de cafĂ© dans un petit noir quâon prend sur un zinc de bistro. 25 millions de fermes produisent du cafĂ© dans 70 pays dans le monde. Lâinitiative Chidoâs Blend au Zimbabwe consiste justement Ă utiliser les dĂ©chets du cafĂ© pour crĂ©er de la nourriture pour animaux ou de lâĂ©lectricitĂ©, plutĂŽt que de les dĂ©truire. Autre exemple encore Ă©voquĂ© trop rapidement, celui de âLas gaviotas en el Vichadaâ. Ici, le projet Ă©tait de reconquĂ©rir des territoires qui ont subi la dĂ©forestation en rĂ©gĂ©nĂ©rant une forĂȘt primaire. Ce programme lancĂ© depuis 25 ans est le plus important programme de reboisement dans le monde. Il a permis de montrer quâon pouvait rĂ©gĂ©nĂ©rer la biodiversitĂ©. Sur cet espace, nous sommes passĂ©s de 11 Ă 250 espĂšces. La forĂȘt gĂ©nĂšre une production naturelle dâeau offerte gratuitement Ă la population locale et pour partie embouteillĂ©e pour ĂȘtre revendue ailleurs et gĂ©nĂ©rer des revenus pour cette communauté⊠Ce territoire a Ă©tĂ© achetĂ© pour quelques dollars et gĂ©nĂšre aujourdâhui des revenus pour toute une population, souligne Gunter Pauli pour montrer combien le modĂšle Ă©conomique est sensĂ©. Impressionnante intervention en tout cas, qui nous fera nous prĂ©cipiter, pour ceux qui ne lâont pas dĂ©jĂ lu, sur les livres de Gunter Pauli comme Croissance sans limites pour aller plus en dĂ©tail et plus en profondeur dans sa stimulante vision. Lift France 09 Gunter Pauli Changing the Planet from Lift Conference on Vimeo. Lift11 6-8 juillet, Marseille OĂč peut-on Ă la fois Ă©changer avec le M. Innovation » du Royaume-Uni Geoff Mulgan, lâentrepreneuse en sĂ©rie du covoiturage Robin Chase, le directeur R&D du plus grand rĂ©seau de patients du monde, PatientsLikeMe Paul Wicks, la chercheuse de rĂ©fĂ©rence sur les villes globales Saskia Sassen, la designeuse des Slow cities » Anna Meroni et celle dâun rĂ©seau de gestion de crises qui, issu dâAfrique, intĂ©resse jusquâaux Japonais Juliana Rotich ? A Lift France, cet Ă©tĂ© Ă Marseille. OĂč peut-on dĂ©couvrir 22 installations incroyables qui mettent en scĂšne des projets dâartistes, de designers, de chercheurs et dâentrepreneurs audacieux ? Participer Ă 14 ateliers crĂ©atifs pour redessiner la ville, inventer la consommation collaborative de demain ou rĂ©flĂ©chir au futur de la monnaie ? Toujours Ă Lift. A lâoccasion de lâouverture du blog invitĂ© dâInternetActu et de Place de la Toile sur la plateforme du profitez de 25 % de remise pour aller Ă Lift France 2011. Pour prĂ©parer la 3e Ă©dition française de la confĂ©rence Lift qui aura lieu du 6 au 8 juillet Ă Marseille, nous vous proposons de redĂ©couvrir quelques-unes des plus stimulantes prĂ©sentations qui sây sont tenues ces derniĂšres annĂ©es et que nous avons couvertes. Pour commencer, retour sur lâĂ©dition 2011 qui se tenait Ă GenĂšve en fĂ©vrier avec Kevin Slavin⊠Kevin Slavin est le cofondateur dâArea/Code devenu il y a peu Zynga, un studio de conception de jeux. Et câest pour ce travail quâil est surtout connu voir ses interventions en 2009 Ă Picnic dont nous vous avions rendu compte ici et lĂ , mais câest Ă une tout autre exploration â oh combien passionnante, bien que particuliĂšrement alambiquĂ©e â Ă laquelle il nous a conviĂ©e Ă la confĂ©rence Lift qui se tenait rĂ©cemment Ă GenĂšve. Image Kevin Slavin sur la scĂšne de Lift11, photographiĂ© par Ivo NĂ€pflin. Sa prĂ©sentation sâappuyait sur une prĂ©cĂ©dente prĂ©sentation faite il y a 4 ans qui portait sur le bas Manhattan, le quartier financier de New York, et qui sâinterrogeait pour comprendre comment les villes pouvaient apprendre Ă Ă©couter le pouls de la ville. Il y expliquait que les villes devaient construire des radars, comme on construisait des amplificateurs acoustiques pour dĂ©tecter lâapproche des avions. Mais ce qui conduit Ă construire des radars, conduit aussi Ă construire des avions furtifs pour y Ă©chapper, pour voler sans laisser de traces. Lâhistoire de lâavion furtif pourtant sâest mal terminĂ©e puisquâen 1999, lâun de ses avions a rĂ©ussi Ă ĂȘtre touchĂ© par un missile WikipĂ©dia. Or, câĂ©tait lĂ quelque chose qui nâaurait jamais dĂ» se passer. Ce qui est intĂ©ressant, explique Kevin Slavin, câest de regarder comment les avions furtifs disparaissent des radars. Le principe pour tromper les radars consiste Ă faire passer les avions pour des oiseaux. Faire disparaĂźtre les gros objets et les rendre plus petits quâils ne sont. Câest la façon de faire disparaĂźtre les choses Ă notre Ă©poque ». Câest notre façon de construire des boites noires. Câest un peu la mĂȘme chose sur les marchĂ©s financiers, estime Kevin Slavin, qui arrive enfin Ă son propos. Si lâon veut dĂ©placer une grosse quantitĂ© dâargent, il faut faire de maniĂšre Ă ce que cela ne se voie pas. Les banques disposent ainsi dâalgorithmes pour rendre invisibles certaines transactions, faire passer de gros Ă©changes massifs pour de petits Ă©changes insignifiants, en les dĂ©coupant en petits paquets pour que le marchĂ© remarque moins les transactions en cours. Mais comme dans le monde militaire, les parades se dĂ©veloppent. Il existe dâautres algorithmes qui surveillent les petites transactions pour les analyser, prĂ©voir les Ă©volutions du marchĂ© et comprendre ce quâils masquent. 70 % des Ă©changes Ă Wall Street passent par des algorithmes qui tentent soit de les rendre invisibles soit de les repĂ©rer⊠Nanex est ainsi une de ces sociĂ©tĂ©s qui extraient des algorithmes des comportements dâinvestissements. Dans le monde financier, la vitesse est une arme. Si vous faites des Ă©changes financiers Ă haute frĂ©quence ou que vous essayez de voir comment ceux-ci se comportent, il vous faut de bons algorithmes, de bons processeurs et surtout un trĂšs bon rĂ©seau. Et pour gagner quelques millisecondes, il faut ĂȘtre proche de lâinternet. Or, tout le monde pense que lâinternet est un rĂ©seau Ă©galement et Ă©quitablement distribuĂ©. Mais ce nâest pas si vrai. A New York, Ă proximitĂ© du Carrier Hotel, il y a un endroit oĂč arrivent les principaux tuyaux de lâinternet mondial et qui permet dâobtenir des temps de latence quasiment nuls, explique encore Kevin Slavin. Et cet endroit est justement trĂšs proche de Wall Street. Ces quelques millisecondes valent des millions de dollars et les immeubles des environs se remplissent de serveurs plutĂŽt que de gens. Les bĂątiments et les villes sont structurellement façonnĂ©s par les algorithmes. Dans ce quartier de New York, on vide les bureaux et les appartements pour y mettre des tonnes de serveurs, parce que cette localisation peut donner un avantage stratĂ©gique en Ă©tant au plus prĂšs dâun des coeurs de lâinternet. La ville de New York est en train dâĂȘtre optimisĂ©e pour fonctionner comme une puce Ă©lectronique. » Et tout ce que nous pourrions faire en tant quâĂȘtre humain dans ces mĂȘmes locaux, vaut bien moins que ce que ces machines font et gagnent. Si on commence Ă tirer sur le fil rouge des algorithmes, on se rend compte quâils dĂ©terminent de plus en plus de choses dans nos vies. Pas seulement les Ă©changes commerciaux ou le niveau de remboursement de nos pensions de retraite⊠Ils dĂ©terminent Ă©galement la valeur de lâimmobilier, ce quâon regarde Ă la tĂ©lĂ©, le prix des produits, ce que nous mangeons, comment nous circulons, ce qui va nous arriver, la maniĂšre dont sont conçues les chansons, ce que nous allons voir au cinĂ©ma, ce que nous lisons, le titre des livres que nous lisons, ce que nous pensons de ce que nous lisons⊠» Tant et si bien que dresser lâAtlas des algorithmes contemporains, de tous les domaines oĂč ils ont une influence, est dĂ©jĂ devenu quasiment impossible. Les inconvĂ©nients des effets de ces algorithmes sont bien sĂ»r nombreux. Dâabord, il y a lâopacitĂ©. Câest-Ă -dire que nous ne savons pas ce quâils font. Observez ces nouveaux types dâascenseurs sensĂ©s ĂȘtre mieux capables de distribuer les personnes dans les Ă©tages. On indique son Ă©tage, et lâalgorithme vous propose de prendre tel ou tel ascenseur en fonction des multiples demandes quâil reçoit au mĂȘme moment et de la situation des ascenseurs. Mais dans lâascenseur vous nâavez plus de boutons pour demander un autre Ă©tage. Il nây a que le bouton stop. Lâeffet des algorithmes est bien plus concret quand on est enfermĂ© dans une boĂźte », sâamuse Kevin Slavin. Regardez les trajets des robots aspirateurs. On constate quâils ne fonctionnent pas tous de la mĂȘme maniĂšre en observant comment ils se dĂ©placent. Certains, comme le Roomba, ont un algorithme alĂ©atoire, qui les fait se comporter dâune maniĂšre trĂšs angoissante, car leurs mouvements nâont rien Ă voir avec le fonctionnement dâun humain, dâautres fonctionnent avec des algorithmes qui ont lâair plus rationnels, qui balaient la piĂšce dans un sens puis un autre. » Autre inconvĂ©nient lâimpĂ©nĂ©trabilitĂ©, câest-Ă -dire le fait que les algorithmes ne soient pas lisibles et ne correspondent pas Ă la maniĂšre dont les humains rĂ©flĂ©chissent. Et Kevin Slavin de prendre lâexemple dâun programme dâalgorithme gĂ©nĂ©tique qui va trouver seul comment dĂ©placer des formes triangulaires et rondes dotĂ©es de caractĂ©ristiques physiques et motrices, comme sait le faire un ordinateur par essai-erreur vidĂ©o. Dans un premier temps, lâordinateur ne sait mĂȘme pas que les roues doivent aller sur le sol. Il apprend de chaque essai et gĂ©nĂšre une nouvelle rĂ©ponse en utilisant ce qui a rĂ©ussi. En une heure, il a appris Ă gĂ©nĂ©rer une voiture efficace, mais il ne sait toujours pas ce que sont des roues. Pour Slavin, câest un bon exemple pour montrer comment lâordinateur rĂ©flĂ©chit et combien ce mode est diffĂ©rent de la façon dont les humains eux rĂ©flĂ©chissent. CoreWar WikipĂ©dia est un jeu imaginĂ© par des programmateurs dâalgorithmes, qui consiste Ă les faire se battre. Câest un jeu absurdement abstrait, mais qui ne lâest pas plus que votre retraite oĂč vos investissements vus par les algorithmes financiers ». Enfin, il y a un dernier inconvĂ©nient que Slavin reconnait ne pas encore savoir nommer. Pour tenter de lâexpliquer, il remonte Ă Frances Galton, le cousin de Darwin WikipĂ©dia, qui voulait savoir comment trouver des structures dans lâagencement des Ă©lĂ©ments. Câest sa rĂ©flexion qui est Ă lâorigine du dĂ©veloppement de lâalgorithmie â mais aussi de lâeugĂ©nisme. Aujourdâhui, le volume de donnĂ©es produites est si immense quâon peut produire des algorithmes sur tout et nâimporte quoi. Orley Ashenfelter, professeur dâĂ©conomie Ă Princeton, sait par exemple dĂ©terminer si le vin que va produire un vignoble sera bon, juste en analysant les raisins et en y appliquant un algorithme en fonction de la mĂ©tĂ©o et du sol. Une approche qui nâa rien Ă voir avec celle de Robert Parker WikipĂ©dia, le grand gourou mondial du vin, puisque lui, câest avec son palais quâil dĂ©termine les qualitĂ©s dâun vin. Les donnĂ©es produites par les algorithmes gĂ©nĂšrent des donnĂ©es que lâon ne peut apprĂ©hender. DĂ©sormais, les mathĂ©matiques disent quâils peuvent influencer le goĂ»t et la prĂ©fĂ©rence des gens. 60 % des films louĂ©s sur Netflix sont des films qui ont Ă©tĂ© mis en avant pour vous par lâalgorithme de Netflix en se basant sur ce que dâautres et vous-mĂȘmes avez dĂ©jĂ apprĂ©ciĂ© ». Pire, une sociĂ©tĂ© comme Epagogix permet dâĂ©valuer un film avant mĂȘme quâil soit fait on introduit un scĂ©nario dans lâordinateur et celui-ci peut vous dire le profit quâil devrait gĂ©nĂ©rer⊠DĂ©sormais, des algorithmes dĂ©terminent quels films vont ĂȘtre tournĂ©s. Dâautres disent sâils ont Ă©tĂ© bons⊠Que se passe-t-il quand le crash quâa connu la bourse va se dĂ©rouler dans lâindustrie du cinĂ©ma ou sur le marchĂ© du vin ? Que signifient, Ă long terme, cette production et cette consommation façonnĂ©es par les algorithmes ? OĂč tous les films se ressemblent. OĂč tous les vins ont le mĂȘme goĂ»t ? JusquâoĂč cela va fonctionner et jusquâoĂč cela va nous conduire ? Que produit cette monoculture, cette culture moyenne, oĂč tout est lissĂ© par les algorithmes ?⊠» On savait pourtant que les emprunts immobiliers des gens ne pourraient pas ĂȘtre remboursĂ©s. Mais on a largement ignorĂ© les faits et les donnĂ©es â pourtant produits par les marchĂ©s. On a autorisĂ© des gens Ă emprunter au-dessus de ce quâils pouvaient rembourser, conclut Kevin Slavin. La leçon que lâon peut tirer de ce quâil sâest passĂ© Ă Wall Street vient peut-ĂȘtre de ceux qui ont dĂ©cidĂ© de quitter le marchĂ© des Ă©changes, Ă©coeurĂ©s. Peut-on faire la bourse ailleurs, autrement ? Peut-on crĂ©er des systĂšmes alternatifs des Dark Pools, câest-Ă -dire des marchĂ©s oĂč dâimmenses liquiditĂ©s se dĂ©placeraient en-dehors du royaume des algorithmes ? Quel serait le dark pool de lâart, de la musique, de lâimmobilier ? Peut-on sortir du champ â du chant â des algorithmes ? Ou est-il dĂ©jĂ trop tard ? Lift11 6-8 juillet, Marseille OĂč peut-on Ă la fois Ă©changer avec le M. Innovation » du Royaume-Uni Geoff Mulgan, lâentrepreneuse en sĂ©rie du covoiturage Robin Chase, le directeur R&D du plus grand rĂ©seau de patients du monde, PatientsLikeMe Paul Wicks, la chercheuse de rĂ©fĂ©rence sur les villes globales Saskia Sassen, la designeuse des Slow cities » Anna Meroni et celle dâun rĂ©seau de gestion de crises qui, issu dâAfrique, intĂ©resse jusquâaux Japonais Juliana Rotich ? A Lift France, cet Ă©tĂ© Ă Marseille. OĂč peut-on dĂ©couvrir 22 installations incroyables qui mettent en scĂšne des projets dâartistes, de designers, de chercheurs et dâentrepreneurs audacieux ? Participer Ă 14 ateliers crĂ©atifs pour redessiner la ville, inventer la consommation collaborative de demain ou rĂ©flĂ©chir au futur de la monnaie ? Toujours Ă Lift. A lâoccasion de lâouverture du blog invitĂ© dâInternetActu et de Place de la Toile sur la plateforme du profitez de 25 % de remise pour aller Ă Lift France 2011. Pour les 500 millions dâutilisateurs de Facebook il semble nây avoir quâune maniĂšre dâaccĂ©der Ă Facebook celle de se connecter sur le rĂ©seau social pour consulter son mur dâactivitĂ© le NewsFeed ». Pourtant, via Facebook Connect, on a dĂ©jĂ vu quâil y en avait une autre, distante, permettant dâinteragir avec les services de Facebook depuis dâautres sites. Il y en a encore une autre, rĂ©servĂ©e aux services informatiques des sites qui utilisent Facebook. Cet autre accĂšs passe par les API, les interfaces de programmation, câest-Ă -dire des jeux de donnĂ©es ouverts qui permettent aux dĂ©veloppeurs dâutiliser les services proposĂ©s par Facebook et qui sont lâune des clefs du fonctionnement du web Car derriĂšre tous les systĂšmes fermĂ©s que dâaucun dĂ©noncent Ă grands cris, il y a avant tout des systĂšmes informatiques qui discutent entre eux, il y a des systĂšmes ouverts » souvent gratuits plus que payants, sauf si on dĂ©passe un certain niveau ou volume dâutilisation des donnĂ©es accessibles. Ouverts » Ă tout le moins aux systĂšmes techniques, plutĂŽt quâaux seuls utilisateurs. Si le web semble se refermer, par la mise en place dâĂ©cosystĂšmes propres comme le constatait Chris Anderson dans Le web est mort, vive lâinternet, il faut nĂ©anmoins reconnaĂźtre que ces Ă©cosystĂšmes savent discuter entre eux. Mieux, pour atteindre la masse critique dâutilisateurs, il est bien souvent impossible que cette discussion nâait pas lieu. Câest bien en tout cas dans les interfaces de programmation que se concoctent le web dâaujourdâhui et le web de demain dans les nĂ©gociations permettant dâaccĂ©der aux services des uns et des autres, dans les mashups de services oĂč la bonne alchimie crĂ©era le bon service. De nombreuses start-ups naissent de ces croisements et des matrices permettent dâailleurs dâimaginer leurs croisements. Les interfaces de programmations ne sont pas des technologies cachĂ©es la plupart des sites qui en proposent documentent ouvertement les conditions dâaccĂšs, prĂ©cisent clairement les conditions dâutilisation. Mais ce sont des technologies relationnelles discrĂštes, des rĂ©pertoires de donnĂ©es qui Ă©changent des droits dâaccĂšs, des utilisations, que le public ne voit pas. Ce sont elles qui permettent le plus souvent le dĂ©veloppement dâapplications web ou logicielles, câest-Ă -dire de micrologiciels que les Ă©changes de donnĂ©es rendent fonctionnels. Quâest-ce quâune interface de programmation ? Il existe deux façons de donner accĂšs Ă des donnĂ©es sur le web, explique Charles Nepote responsable du programme DonnĂ©es publiques de la Fing. Tout dâabord un accĂšs direct Ă un fichier contenant les donnĂ©es. Câest souvent la mĂ©thode la plus simple, car les outils de gestion proposent gĂ©nĂ©ralement une fonction dâexport des donnĂ©es sous forme de fichier. Elle est cependant moins bien adaptĂ©e lorsque les donnĂ©es changent souvent et quâil y en a beaucoup cela oblige les rĂ©utilisateurs Ă recharger frĂ©quemment lâensemble du fichier et peut ĂȘtre consommateur en ressources systĂšme et rĂ©seau. Câest pourquoi se dĂ©veloppent frĂ©quemment un mode dâaccĂšs direct aux donnĂ©es uniquement nĂ©cessaires Ă travers une interface de programmation API. Pour Karl Dubost, chargĂ© des relations avec les dĂ©veloppeurs chez Opera, lâAPI nâest rien dâautre quâ un protocole de communication pour accĂ©der Ă un service ». De la mĂȘme façon quâavec un logiciel de base de donnĂ©es, on a un vocabulaire pour accĂ©der aux donnĂ©es et faire une requĂȘte, lâAPI permet de construire des interrogations via une interface normalisĂ©e ». Les fonctionnalitĂ©s proposĂ©es par les API Ă©voluent selon les services et au cours du temps. Par exemple, Facebook propose plusieurs API celle pour sâauthentifier, celle pour explorer et exploiter le graphe social des utilisateurs, etc. Une API va permettre Ă un programme de demander Ă lâapplication qui fournit les donnĂ©es, uniquement celles dont elle a besoin ou auxquelles il souhaite ou peu accĂ©der. Les grands acteurs du numĂ©rique en gĂ©nĂ©ral et du web particulier, comme Google, Amazon, Facebook, Twitter, ⊠ont Ă©tabli leur succĂšs grĂące Ă leurs APIs. Une API est donc un protocole dâaccĂšs Ă un systĂšme dâinformation pour un autre systĂšme dâinformation, afin quâils Ă©changent des donnĂ©es entre eux. Ce Ă quoi ils ont accĂšs et les conditions de cet accĂšs sont clairement dĂ©crits et documentĂ©s par lâinterface, selon les jeux de donnĂ©es qui peuvent sâĂ©changer. Via des API, on peut construire un systĂšme de rĂ©servation de billets de trains ou dâavion en utilisant les API proposĂ©es par les transporteurs, utiliser des banques dâimages comme celles des agences de presse ou utiliser des services spĂ©cifiques faire correspondre cette banque dâimage Ă un service de reconnaissance dâimage lui-mĂȘme accessible via une API. Image La croissance du nombre dâAPI disponibles et de leur utilisation par Programmable Web. Les API sont des interfaces dâaccĂšs aux donnĂ©es numĂ©riques, comme lâexplique Christian FaurĂ©. Câest une porte dâentrĂ©e qui permet de contrĂŽler lâexposition et lâutilisation des donnĂ©es numĂ©riques produites par un service. Câest un service logistique qui sâadresse aux autres services et aux dĂ©veloppeurs pour faciliter lâĂ©change dâinformations. Chaque API Ă ses particularitĂ©s ses clefs dâaccĂšs, le nombre de requĂȘtes maximales par clefs dâaccĂšs, les donnĂ©es accessibles et celles qui ne le sont pas, les fonctions de manipulation des donnĂ©es celles qui sont proposĂ©es en lecture seule comme celles qui pourront ĂȘtre Ă©crites par un service tiers permettant par exemple Ă un service dâĂ©crire Ă votre place sur votre mur Facebook quand vous lâutilisez et si vous lâavez autorisĂ©. Elles permettent donc Ă des services de communiquer entre eux, de croiser leurs donnĂ©es, dâutiliser les donnĂ©es des uns et des autres, de maniĂšre plus ou moins transparente pour lâutilisateur. API de quoi lâutilisateur est-il maĂźtre ? Plus ou moins transparente. Dans Facebook par exemple, quand vous installez une application, celle-ci vous demande en langage plus ou moins clair si vous souhaitez que les donnĂ©es que cette application va mĂ©moriser Ă©changent avec Facebook. Elle se rĂ©sume souvent par une page dâautorisation qui nâest pas sans poser problĂšme, comme sâen plaint Danny Sullivan, puisque la plupart du temps, nous nâavons pas dâautres choix que dâaccepter ou refuser la communication, quand bien mĂȘme bien des donnĂ©es rĂ©cupĂ©rĂ©es sembleraient inutiles Ă son fonctionnement. Nous nâavons aucune capacitĂ© dâajustement des donnĂ©es rĂ©cupĂ©rĂ©es. Les applications demandent souvent bien plus dâinformation quâelles nâen ont besoin et lâutilisateur nâa rarement dâautre choix que dâapprouver ce vol ou de ne pas utiliser lâapplication en question. Image exemple dâune demande dâautorisation dâune application dans Facebook listant tout ce Ă quoi elle demande accĂšs sans que nous puissions moduler quoi que ce soit. Bien souvent, les rĂšgles qui rĂ©gissent les interfaces de programmation ne sont pas les mĂȘmes que celles que connaissent les utilisateurs passant par le service principal. Sur par exemple, il est difficile de trouver un tweet particulier ou de remonter loin dans le temps⊠Le moteur de Twitter ne semble pas avoir une longue mĂ©moire de nos Tweets. Mais ce nâest pas le cas des API utilisĂ©es par des services tiers, comme le moteur de recherche SnapBird. Sur Facebook, les choses quâon apprĂ©cie like disparaissent peu Ă peu de nos murs et de nos mĂ©moires, mais ce nâest pas le cas des interfaces de programmation de Facebook qui elles savent trĂšs bien que vous avez apprĂ©cier tel groupe ou telle marque il y a plusieurs mois de cela, et lâutiliser pour vous proposer des recommandations ou des publicitĂ©s adaptĂ©es Ă votre profil. Il y a une dissymĂ©trie pour lâusager entre ce Ă quoi accĂšdent les services qui se branchent sur les API et ce Ă quoi accĂšde lâusager, limitĂ© Ă la seule pratique du site web dudit service. Tant et si bien que les API sont bien plus utilisĂ©es que les sites web les API de Twitter reçoivent bien plus de visites que le site web de Twitter, explique Dion Hinchcliffe. LâĂ©cosystĂšme de Twitter câest dĂ©sormais plus de 10 000 applications tierces qui utilisent les API de Twitter, et si Twitter fait 20 millions de visiteurs uniques, 40 millions de personnes y accĂšdent via des applications estime TechCrunch. Autre difficultĂ©, pour les programmeurs et les sites web qui utilisent ces interfaces ils dĂ©pendent complĂštement de leurs Ă©volutions. RĂ©cemment, Google annonçait faire le mĂ©nage dans ses API, expliquant que certaines allaient tout simplement ĂȘtre abandonnĂ©es, comme lâAPI permettant dâutiliser le service Google Translate. DerriĂšre cette dĂ©cision, ce sont des dizaines de services qui doivent repenser leur offre pour trouver une solution alternative ou fermer Ă leur tour. Lâinternet des API, le web des applications Les interfaces de programmations et les applications, qui sont leur corollaire, nous font entrer dans un nouveau web ou plutĂŽt une nouvelle Ă©tape de lâinformatique. Avec dâun cĂŽtĂ© lâinternet des API et de lâautre le web des applications. Dâun cĂŽtĂ©, les Ă©changes dâinformation entre services qui structurent le rĂ©seau, mais demeurent inaccessibles au commun des mortels, de lâautre le web des applications, câest-Ă -dire de nanoprogrammes qui utilisent les donnĂ©es de ces API pour rendre lâinformation plus accessible aux gens. Câest en ce sens quâil faut regarder lâarriver dâapplications dans le navigateur comme le propose dĂ©jĂ Google Chrome ou Mozilla. Si les applications sâexpliquaient dans lâunivers du mobile et du tactile pour rĂ©pondre aux spĂ©cificitĂ©s dâutilisabilitĂ© de ces interfaces, lâarrivĂ©e dâapplications dans le navigateur promet dâautres apports et notamment de rĂ©soudre les problĂšmes dâincompatibilitĂ© des plateformes, supports et langages. Il permet surtout de simplifier les installations plutĂŽt que de devoir lancer un programme, prĂ©ciser oĂč il doit sâinstaller, configurer son accĂšs, il suffit dĂ©sormais dâactiver une application pour quâelle soit disponible, que ce soit sur votre ordinateur pour les applications de bureau, sur votre mobile ou dans votre navigateur. Pour Oren Michels, PDG de Mashery, une solution de gestion dâinterfaces de programmation, les API semblent ĂȘtre des choses trĂšs techniques, trĂšs geeks, alors que ce nâest rien dâautre quâun canal de distribution. Realtibits, une start-up qui propose une solution pour crĂ©er des Forums, a ainsi lancĂ© son API avant de lancer son site web, rapporte le ReadWriteWeb. Pour Sam Rami dâApigee, les API sont la chaĂźne dâapprovisionnement du XXIe siĂšcle tant et si bien que des services mesurent leurs performances en permanence. Les API ne sont pas spectaculaires. Elles consistent en de simples entrepĂŽts de donnĂ©es communicants, dont la disponibilitĂ© doit ĂȘtre sans faille, au risque sinon de briser toute une chaĂźne dâaccessibilitĂ©, car elles ne sont pas seulement utilisĂ©es sur le site qui les propose mais sur une infinitĂ© de sites qui les utilisent. Facebook a lancĂ© sa premiĂšre API en 2006, avant de crĂ©er en 2007, une plateforme dĂ©diĂ©e aux dĂ©veloppeurs. Dans les premiers temps, celle-ci sâest surtout concentrĂ©e Ă fournir le matĂ©riel pour construire des applications Ă lâintĂ©rieur de Facebook. DĂ©sormais, la vitrine pour les dĂ©veloppeurs de Facebook, explique Daniel Luxembourg de Programmable Web, fait uniquement la promotion de mesures techniques permettant dâutiliser Facebook au-delĂ de Facebook et ce, notamment depuis le lancement en avril 2010 du nouveau graphe Facebook et de lâOpen Graph Protocol. Autant dâĂ©volution qui ont permis Ă Facebook de devenir le troisiĂšme service le plus populaire en terme dâutilisation sous forme de mashup voir le classement, rapporte Programmable Web. Image les API les plus utilisĂ©es par type sur ces 14 derniers jours, via Programmable web. Comme lâexplique Dion Hinchcliffe dans un rĂ©cent billet lâintĂ©gration est devenue la vertu Ă cultiver. Il est de moins en moins frĂ©quent de voir de nouvelles applications Web apparaitre sans une bonne API qui lui corresponde, car les start-ups ont appris depuis longtemps que si elles ont quelque chose de bien Ă offrir, lâessentiel de son utilisation viendra des API et non pas de lâexpĂ©rience utilisateur. » DĂ©sormais, les sites ne sont quâune modalitĂ© dâaccĂšs. Lâessentiel de celui-ci se fait dâune maniĂšre distante. Quand vous commencer Ă utiliser des API, vous rĂ©alisez que ce que vous considĂ©riez jusquâĂ prĂ©sent comme le web les sites web nâest quâune maniĂšre de voir lâinformation contenue dans le web », explique Christian Heilmann dans une trĂšs claire prĂ©sentation des enjeux du web de donnĂ©es. Le succĂšs de Facebook ne tient pas tant au succĂšs dâaudience du site de plus en plus il est liĂ© au succĂšs de ses API, Ă la façon dont dâautres sites exploitent Facebook Connect ou intĂšgrent le Graphe de Facebook dans dâautres services. Câest en cela que Facebook, et la plupart des services majeurs du web deviennent chaque jour un peu plus incontournables leur Ă©cosystĂšme ne cessant de sâĂ©tendre. Au cours de ces derniĂšres annĂ©es, nous avons vu les API des entreprises devenir plus simples, plus web, plus faciles dâintĂ©gration tout en rĂ©duisant les coĂ»ts dâaccĂšs », explique encore Dion Hinchcliffe. Tant et si bien que leur succĂšs ouvre de nouvelles perspectives dâintĂ©grations des solutions complexes utilisĂ©es en entreprise, estime le consultant. Le succĂšs des API des services web devrait inspirer les services professionnels, invitĂ©s Ă dĂ©livrer dĂ©sormais leurs donnĂ©es et faciliter leurs intĂ©grations par dâautres sociĂ©tĂ©s via des interfaces de programmation. Il nây a pas de web sans API Les API sont la clef du web social et du web des donnĂ©es. Câest par elles que transitent les donnĂ©es. Câest par leur croisement que se construisent de nouveaux services et de nouvelles connaissances. Si les donnĂ©es sont les entrepĂŽts dâinformation, nul nây accĂšde sans clef, et cette clef, ce sont les API. Mais câest lĂ un web dans lequel lâutilisateur nâa quâune place congrue. Les enjeux sont ailleurs, comme le montrait la rĂ©cente bataille entre Facebook et Google permettant de croiser les contacts des utilisateurs DorĂ©navant, les services Web ne pourront utiliser lâinterface de programmation API qui gĂšre les contacts de Gmail que sâils autorisent en contrepartie lâexportation des mĂȘmes informations de contacts de maniĂšre simple ». De nombreux services utilisent lâAPI de Gmail pour faciliter lâinscription de nouveaux utilisateurs lorsque lâutilisateur rentre son adresse, le service peut trĂšs facilement accĂ©der Ă son carnet de contact, et donc lui signaler quels sont ses correspondants qui sont dĂ©jĂ inscrits sur le service, ou lui proposer de leur envoyer une invitation. Facebook, notamment, utilise cette API pour proposer aux nouveaux inscrits de retrouver et dâajouter comme amis » les correspondants Gmail. Or Facebook se refuse Ă proposer la mĂȘme option aux services tiers. Un nouvel inscrit sur Gmail ne peut pas rentrer son identifiant Facebook pour ajouter automatiquement Ă son carnet dâadresses ses amis » du rĂ©seau social. » La guerre des stratĂ©gies autour des API Ă savoir la façon dont elles sont proposĂ©es, ouvertes, payantes Ă partir dâun certain seuil dâutilisation, gratuites, rĂ©ciproques⊠est en train de façonner lâinternet et tout ce qui en dĂ©pend. Pour la plupart des sociĂ©tĂ©s de lâinternet, ĂȘtre accessible via une ou plusieurs API est essentiel pour le dĂ©veloppement de son service. Mais pour certains acteurs, la surutilisation de leurs ressources pose question. Les stratĂ©gies sâaffinent Ă mesure et peuvent ĂȘtre trĂšs diffĂ©rente dâun service lâautre. Certains acteurs ne vont proposer que des API payantes. Dâautres vont proposer des API trĂšs ouvertes pour ĂȘtre exploitĂ©es par le plus grand nombre. Dâautres au contraire, semblent vouloir de plus en plus distinguer qui peut accĂ©der ou non Ă ses API⊠DĂ©sormais, la plupart des grands services web proposent leurs API. InitiĂ©s dĂšs 2000 par lâAPI dâeBay puis par celle dâAmazon, elles se sont depuis multipliĂ©es dâabord par celles des grands acteurs du web permettant lâexplosion des Mashups, puis par le dĂ©veloppement des API des sites sociaux depuis 2006, comme lâexplique trĂšs bien ClĂ©ment Vouillon. DĂ©sormais, non seulement tous les sites sociaux proposent une API â comme Linked-in -, mais le phĂ©nomĂšne touche dĂ©sormais des services plus petits, des start-ups moins connues, qui misent sur le dĂ©veloppement dâinterfaces de programmation pour assurer leur dĂ©veloppement. LâasymĂ©trie des Ă©changes de donnĂ©es Si via ces API, la circulation des donnĂ©es semble sâouvrir, les dĂ©veloppeurs sont les otages consentants du moindre changement dans les conditions dâutilisations, comme lâexplique ClĂ©ment Vouillon. Mais surtout, dans cet univers, lâutilisateur et ses donnĂ©es semblent ĂȘtre le plus petit dĂ©nominateur commun. On a lâimpression que sâoppose un monde dâAPI plutĂŽt ouvertes, oĂč les systĂšmes discutent entre eux, Ă un monde dâapplications relativement fermĂ©es qui jouent des donnĂ©es des utilisateurs sans que ceux-ci en comprennent la portĂ©e. Certes, ils en bĂ©nĂ©ficient aussi. Mais peut-on vraiment bĂ©nĂ©ficier de choses quâon ne maĂźtrise pas, quâon ne comprend pas ? En fait, ce nâest pas tant le fait quâon ne maĂźtrise pas ou quâon ne comprend pas les API qui posent problĂšme. Câest plutĂŽt le fait quâelles utilisent nos donnĂ©es sans que nous nous en rendions vraiment compte. Et surtout quâelles utilisent nos donnĂ©es de maniĂšre asymĂ©trique câest-Ă -dire quâelles nâutilisent pas nĂ©cessairement les mĂȘmes que celles auxquelles nous pensons leur donner accĂšs. Autoriser un service Ă utiliser nos donnĂ©es sur Facebook, peut lâautoriser Ă aller chercher dans tout notre historique, faisant apparaĂźtre des choses de nous que nous-mĂȘmes avions oubliĂ©es. Le problĂšme des API ne repose pas tant dans la circulation des donnĂ©es que dans leur asymĂ©trie. Comme le disait Kevin Kelly rĂ©cemment âNous ne voulons pas moins de donnĂ©es, nous voulons une plus grande symĂ©trie, tirer plus davantage que ce que lâautre partie sait de nousâ. Et force est de constater que ce nâest pas ce que proposent les API. Hubert Guillaud Le dossier âComprendre Facebookâ 1Ăšre partie Le rĂŽle social du bavardage 2e partie Facebook technologie relationnelle 3e partie Lâinternet des API, le web des applications La lecture de la semaine nâest pas une lecture, mais plutĂŽt une thĂ©orie, dont je ne sais pas si elle est lĂ©gĂšrement dĂ©lirante ou trĂšs banale. Mais je vous la livre mercredi aux alentours de 18h, jâai compris Facebook, je veux dire que jâai vraiment compris ce que câĂ©tait que Facebook. Pourquoi mercredi aux alentours de 18h ? Parce quâĂ ce moment-lĂ , Mark Zuckerberg, le fondateur et prĂ©sident de Facebook Ă©tait Ă la tribune de lâe-G8, et, comme plusieurs centaines de personnes, jâĂ©tais dans la salle. Zuckerberg Ă©tait lĂ fidĂšle Ă lâimage quâon se fait de lui lâair dâun jeune amĂ©ricain de 27 ans, en jean, t-shirt et basket, transpirant sous les spots et sirotant un soda. Il parlait comme on sâattendait Ă ce quâil parle Ă la fois humble et sĂ»r de lui, consensuel et Ă©nervant. Mais, un passage de son intervention a commencĂ© Ă me mettre la puce Ă lâoreille. Zuckerberg sâest lancĂ© dans un dĂ©veloppement sur ce qui faisait selon lui les deux composantes de lâADN de Facebook. Ces deux composantes Ă©tant pour lui la technologie et le social. Dâailleurs a-t-il expliquĂ©, jâai créé Facebook Ă Harvard oĂč jâĂ©tudiais alors non seulement les sciences computationnelles, lâinformatique, mais aussi la psychologie. Facebook câest cela, câest de la technologie et une apprĂ©hension du social ». Image Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, lors de lâeG8 Forum, photographiĂ© par Arash Derambarsh. IntĂ©ressant me dis-je alors, je ne savais pas que Zuckerberg avait Ă©tudiĂ© la psychologie. Quelques minutes plus tard, les questions sont ouvertes Ă la salle, et lĂ , il se produit un phĂ©nomĂšne surprenant. Sur la demi-douzaine de questions qui lui sont posĂ©es, deux abordent la question des affects ; pas ses affects Ă lui, mais ceux qui sont mobilisĂ©s dans la sociabilitĂ© Ă lâĆuvre dans Facebook. A ces deux questions Zuckerberg ne sait pas quoi rĂ©pondre et mĂȘme, il ne les comprend pas, il dit ne pas les comprendre. Les Ă©crans donnent Ă voir en gros plan son visage incrĂ©dule, mal Ă lâaise, lui qui jusque-lĂ semblait dĂ©rouler sans encombre un discours parfaitement rodĂ©. Mon voisin me montre alors un texto quâil reçoit Ă lâinstant mĂȘme, texto dans lequel un correspondant Ă©voque le syndrome dâAsperger pour expliquer la rĂ©action de Zuckerberg. Que Zuckerberg soit atteint de cette maladie associĂ©e Ă lâautisme est Ă lâĂ©vidence impossible, dâailleurs, je ne crois pas quâil sâagissait dâune hypothĂšse sĂ©rieuse. En revanche, il y a dans lâappel Ă la psychopathologie quelque chose dâassez juste. Et câest lĂ dâoĂč ma thĂ©orie tire sa source. Je suis convaincu que quand nous sommes dans Facebook, nous sommes dans lâesprit de Mark Zuckerberg. Je suis convaincu que Mark Zuckerberg a créé Facebook parce quâil avait besoin de Facebook, et que Facebook est une manifestation technologique de la PsychĂ©e de Zuckerberg. Au moment de la sortie de The Social Network, le film de David Fincher retraçant la naissance de Facebook, lâĂ©crivaine britannique Zadie Smith a Ă©crit dans la New York Review of Books un excellent article sur le film, et, au-delĂ , sur Facebook. Elle concluait son article en expliquant que Facebook, câĂ©tait la vision du monde dâun Ă©tudiant de Harvard, mais câĂ©tait aussi celle de Zuckerberg. Elle rappelait que Facebook Ă©tait bleu parce que Zuckerberg Ă©tait daltonien et que pendant longtemps, le site avait portĂ© la mention a production by Mark Zuckerberg ». Mais on peut aller au-delĂ ? Cette maniĂšre quâa Facebook de rationaliser les relations sociales Ă©nonciation du statut amoureux, possibilitĂ© de sĂ©lectionner les relations, division des amitiĂ©s en groupe semble ressortir Ă la crĂ©ation dâun espace oĂč les angoisses sont Ă la fois exprimĂ©es et subsumĂ©es. Câest pourquoi je pense que lâon a tort quand on envisage Facebook comme un outil et quand on tente de lâanalyser avec le seul prisme de la sociologie. Bien sĂ»r, câest devenu un outil, car dâautres dĂ©veloppeurs sont venus ajouter leur savoir-faire au travail de Zuckerberg, et puis les usagers sâen sont emparĂ©s dâune maniĂšre qui nâavait sans doute pas Ă©tĂ© imaginĂ©e par Zuckerberg cf. son rĂŽle politique dans les rĂ©voltes arabes. Bien sĂ»r Facebook est nĂ© dans un contexte sociologique particulier, celui de Harvard, et a empruntĂ© des formes identifiĂ©es sociologiquement celles de la sociabilitĂ© des universitĂ©s amĂ©ricaines dâĂ©lite. Certes Facebook est une entreprise dont les dĂ©veloppements sont Ă comprendre en termes Ă©conomiques. Mais le vrai mystĂšre de Facebook nâest pas lĂ . Le vrai mystĂšre de Facebook est le mĂȘme que celui qui touche tout chef dâĆuvre artistique. La question câest pourquoi 600 millions de personnes se sentent Ă lâaise dans lâesprit de Mark Zuckerberg ? Pourquoi 600 millions jouissent manifestement dâĂȘtre dans lâesprit de Mark Zuckerberg ? Cette question, qui peut paraĂźtre Ă©trange, est la mĂȘme que celle qui pose toute grande Ćuvre dâart. Pourquoi des millions de gens de par le monde ont-ils lu et continue de lire La Recherche du Temps Perdu, alors que sây dĂ©ploie dans ses moindres mĂ©andres lâesprit de Proust ? Pourquoi des millions de gens ont-ils Ă©coutĂ© et continuent dâĂ©couter Mozart alors que sây Ă©panouit la folie de Mozart ? Cette triangulation miraculeuse entre un gĂ©nie nĂ©vrotique, une forme dâexpression parfaitement maĂźtrisĂ©e et un public, lâart nous y a habituĂ©s. La technologie un peu moins, et câest pourquoi Facebook nous trouble autant, câest pourquoi on ne sait pas trĂšs bien comment le prendre. Mais câest peut-ĂȘtre cela Facebook. Un gĂ©nie nĂ©vrotique quâest Mark Zuckerberg, la maĂźtrise dâune forme dâexpression quâest lâinformatique et la rencontre avec ce quâest un public dans le monde sans frontiĂšres quâest lâInternet. Facebook est bien autre chose quâun outil ou un phĂ©nomĂšne de sociĂ©tĂ© Facebook, câest le premier chef dâĆuvre de lâart numĂ©rique. Xavier de la Porte Xavier de la Porte, producteur de lâĂ©mission Place de la Toile sur France Culture, rĂ©alise chaque semaine une intĂ©ressante lecture dâun article de lâactualitĂ© dans le cadre de son Ă©mission. Cette lecture Ă©tait liĂ©e Ă lâĂ©mission du 29 mai 2011 consacrĂ©e justement Ă lâeG8. La caractĂ©ristique principale du web social, dont Facebook est lâemblĂšme, est de lier les activitĂ©s des gens sur internet. Facebook nâest pas un trombinoscope ou un annuaire comme on lâentend souvent, car sâil nâĂ©tait que cela, il ne permettrait pas dâaction, autre que la prĂ©sentation de profils. Les profils ne sont quâune porte dâentrĂ©e câest lâactivitĂ© communicationnelle qui fait mĂ©dia. En ce sens, il est bien un mĂ©dia social », mĂȘme si nous avons tous du mal Ă dĂ©finir ce que câest, comme le rapportait trĂšs justement Nicolas Vanbremeersch. Quâest-ce quâun mĂ©dia social ? Pour comprendre ce quâest un mĂ©dia social, il faut en revenir Ă ce quâest un mĂ©dia, un support de diffusion massive de lâinformation ». Le mĂ©dia social, par essence, est donc toujour un support de diffusion massive de lâinformation qui emprunte exactement toutes les formes et supports existants texte, image, vidĂ©o, audioâŠ, mais la diffĂ©rence vient peut-ĂȘtre de la nature de lâintermĂ©diaire, comme lâexprime trĂšs bien FrĂ©dĂ©ric Cavazza alors que dans les mĂ©dias traditionnels il y a un Ă©metteur qui diffuse un message unique Ă destination de cibles, dans les mĂ©dias sociaux chacun est Ă la fois diffuseur et cible. Les mĂ©dias sociaux sont des mĂ©dias pour lâinteraction sociale », explique la version anglaise de la dĂ©finition de WikipĂ©dia Câest lâusage de technologies web ou mobile pour transformer les communications en dialogue interactif ». Les propriĂ©tĂ©s qui distinguent un mĂ©dia dâun mĂ©dia social reposent sur la portĂ©e si les deux peuvent atteindre des publics massifs, les mĂ©dias industriels utilisent un cadre centralisĂ©, alors que les mĂ©dias sociaux sont par nature mĂȘme plus dĂ©centralisĂ©s, moins hiĂ©rarchisĂ©sâŠ, lâaccessibilitĂ© les mĂ©dias sociaux sont accessibles Ă un coĂ»t faible ou nul ils rĂ©duisent les coĂ»ts de transaction, comme lâexplique Clay Shirky dans Here Comes Everybody, la facilitĂ© dâutilisation ils ne nĂ©cessitent pas nĂ©cessairement de compĂ©tences pour ĂȘtre utilisĂ©s, lâimmĂ©diatetĂ© et la permanence les mĂ©dias sociaux peuvent ĂȘtre modifiĂ©s en permanence. Image issue du bĂȘtisier des captures dâĂ©crans de Facebook, ZĂ©ros Sociaux. Encore plus quâavec les mĂ©dias traditionnels, avec les mĂ©dias sociaux, Le mĂ©dium est le message », comme disait Marshall McLuhan dans Pour comprendre les mĂ©dias. Le mĂ©dia ne reprĂ©sente plus seulement tous les prolongements technologiques » de lâhomme, comme le prophĂ©tisait le chercheur, mais Ă©galement tous les prolongements sociaux » de lâhomme. danah boyd et Nicole Ellison ont essayĂ© de dĂ©finir en 2007 les sites de rĂ©seaux sociaux Nous dĂ©finissons les sites de rĂ©seaux sociaux comme des services basĂ©s sur le web qui permettent aux individus de 1 construire un profil public ou semi-public sans systĂšme dĂ©limitĂ©, 2 articuler une liste dâautres utilisateurs avec lesquels ils partagent une connexion et 3 voir et traverser leurs listes de connexions et celles faites par les autres par le biais du systĂšme. La nature et la nomenclature de ces connexions pouvant varier dâun site Ă lâautre. Nous utilisons le terme de site de rĂ©seaux sociaux » social network site pour dĂ©crire ce phĂ©nomĂšne, le terme site de rĂ©seautage social social networking sites apparait Ă©galement dans le discours public et les deux termes sont souvent utilisĂ©s de maniĂšre interchangeable. Nous avons dĂ©cidĂ© de ne pas utiliser le terme rĂ©seautage pour deux raisons lâemphase et la portĂ©e. RĂ©seautage » met lâaccent sur lâinitiation des relations, souvent entre Ă©trangers. Alors que le rĂ©seautage est disponible sur un grand nombre de sites, elle nâest pas la pratique principale de nombre dâentre eux, alors que câest ce qui les diffĂ©rencie des communications mĂ©diatisĂ©es par lâordinateur computer-mediated communication. » La prĂ©cision est dâimportance. Une fonction sociale ne fait pas mĂ©dia social. Dans sa messagerie instantanĂ©e, le fait dâavoir accĂšs Ă toute une liste dâami ne transforme pas pour autant un tchat en mĂ©dia social. La construction dâun environnement communautaire dans les commentaires de blogs via Gravatar ou mĂȘme BuddyPress par exemple, qui permet dâajouter une couche sociale aux blogs sous WordPress et notamment aux commentaires, mais qui fait plus fonction de forum que de mĂ©dia social ne fait pas nĂ©cessairement mĂ©dia social. La nature des connexions rendues possibles ou impossibles par le mĂ©dia social est dâimportance pour le dĂ©finir. Nous sommes entrĂ©s dans lâĂšre des plateformes sociales Quand on observe Facebook, emblĂšme des mĂ©dias sociaux, on constate que la diffĂ©rence essentielle entre un mĂ©dia et un mĂ©dia social est que le second nous propose une autre forme de lecture que le mĂ©dia alors que sur le mĂ©dia notre lecture personnelle est guidĂ©e par lâĂ©ditorialisation proposĂ©e par le mĂ©dia, avec le mĂ©dia social, notre lecture est orientĂ©e par nos relations, nos parcours, notre historique. Facebook est un site oĂč chacun est invitĂ© Ă partager de lâinformation et Ă faire-part de ses prĂ©fĂ©rences avec son rĂ©seau dâami. Et ce sont les relations au sein de ce rĂ©seau qui vous permettent dâaccĂ©der aux informations que les autres diffusent. Plus que les profils en eux-mĂȘmes, câest lâactivitĂ© quâaccomplissent vos correspondants via Facebook qui est intĂ©ressante. Les images et textes quâils y Ă©changent, les recommandations quâils adressent via le bouton like », les services quâils utilisent et auxquels, en les partageant, ils permettent dâaccĂ©der⊠Les mĂ©dias sociaux sont des supports de diffusion massifs de lâinformation des mĂ©dias orientĂ©e par les relations sociales. Câest bien le fait que la connexion entre amis transforme ce Ă quoi on accĂšde qui fait mĂ©dia social. Dâune certaine maniĂšre, les mĂ©dias sociaux nâexistent pas en tant que tel. Sans utilisateurs, Facebook serait une page vide. Il nây a Ă©change dâinformation que sâil y a Ă©changes entre les utilisateurs. Et surtout, nul nâen a la mĂȘme vision. Contrairement au web traditionnel, par lequel nous accĂ©dons tous plus ou moins Ă la mĂȘme page, avec les rĂ©seaux sociaux, nul nâaccĂšde Ă la mĂȘme chose, car le contenu de ce Ă quoi on accĂšde dĂ©pend entiĂšrement des relations que lâon a Ă©tablies avec dâautres membres dudit rĂ©seau et avec le reste du monde nos prĂ©fĂ©rences » qui signalent ce que lâon apprĂ©cie, qui nous relient Ă ce qui ne tient pas des personnes objets, marques, produits, organisationsâŠ. Câest ce que danah boyd appelle lâhomophilie qui renforce le sentiment de sa propre communautĂ©, lâattachement Ă ses propres relations. Image issue du bĂȘtisier des captures dâĂ©crans de Facebook, ZĂ©ros Sociaux. Comme le dit FrĂ©dĂ©ric Cavazza, il y a bien des mĂ©caniques communautaires et sociales diffĂ©rentes selon les types de mĂ©dias sociaux et les relations quâils proposent, pour autant elles sâavĂšrent souvent dĂ©cevantes. Elles dressent le plus souvent des typologies dâoutils plutĂŽt que de distinguer des caractĂ©ristiques spĂ©cifiques. Il faut faire la diffĂ©rence entre des mĂ©dias qui utilisent des fonctions sociales des communications mĂ©diatisĂ©es par lâordinateur » comme diraient danah boyd et Nicole Ellison et des mĂ©dias sociaux en passe de devenir de vĂ©ritables plateformes sociales, câest-Ă -dire un Ă©cosystĂšme oĂč lâidentifiant proposĂ© par la plateforme, les prĂ©fĂ©rences et le rĂ©seau de relation qui lui est associĂ© sont transportables » dans une multitude dâenvironnements diffĂ©rents. Ce que Facebook appelle le Graphe Social. Facebook Login regarder son activitĂ© par ses contacts Et la vraie puissance de Facebook est incontestablement ici. Dans son potentiel Ă pouvoir retrouver vos amis sur les autres sites que vous utilisez. Ce nâest pas seulement voire Facebook Login ou Facebook Connect comme il sâappelait encore il y a peu, prĂ©cise Christian Gallardo, responsable du dĂ©veloppement business de Facebook â ou dâautres types dâidentifiants [1] â comme un identifiant universel, mais comme une clef dâentrĂ©e sur le web via ses relations et ses prĂ©fĂ©rences. En se connectant via Facebook, lâidentification est la fonction que vous voyez, celle que vous pensez activer, alors quâen fait, vous activez bien plus. Pire, lâidentification est la fonction la moins importante quâon utilise en passant par Facebook Login. Le plus important est lâimportation de votre rĂ©seau relationnel et vos prĂ©fĂ©rences partout oĂč vous allez. AccĂ©der Ă Rue89 et accĂ©der Ă ce que vos amis ont apprĂ©ciĂ© sur Rue89 câest lĂ deux propositions de navigation dans les contenus radicalement diffĂ©rentes. Facebook est un connecteur, qui plus quâembarquer votre identitĂ©, vous permet dâembarquer avec vous vos relations sociales et vos prĂ©fĂ©rences, et ce, sur de plus en plus de sites, comme le montre la vitrine des intĂ©grations de Facebook dans dâautres sites web ou lâexplique Julien Codorniou, responsable des partenariats de Facebook pour la France et le Benelux. Par exemple, vous pouvez utiliser Spotify pour Ă©couter de la musique. Et vous pouvez utiliser Spotify via Facebook pour Ă©couter de la musique. Ce sont alors deux services totalement diffĂ©rents. Dans lâun, vous utilisez le service en tant que tel pour chercher, organiser et Ă©couter votre musique. Dans lâautre, vos connaissances deviennent une nouvelle porte dâentrĂ©e sur le service vous nâaccĂ©dez plus seulement Ă votre musique, mais Ă celle de vos amis, Ă la maniĂšre dont ils lâorganisent et la partagent. Vous nâavez pas accĂšs seulement Ă la musique que vos amis dĂ©clarent partager de temps en temps, vous pouvez vous brancher sur ce quâils apprĂ©cient, sur ce quâils Ă©coutent, et cela sans mĂȘme quâils en soient forcĂ©ment conscients mĂȘme sâil faut activer la fonction de partage de sa musique en partie ou en intĂ©gralitĂ©. Je ne suis pas sĂ»r que Christophe Abric, lâillustre fondateur de la blogothĂšque, ou Philippe Astor qui tient lâexcellent Digital Jukebox soient pleinement conscients que jâai accĂšs aux listes de lectures publiques quâils partagent et câest pourtant un vrai plaisir que dâaccĂ©der Ă leur expertise et Ă leur Ă©clectisme. De la mĂȘme façon, on peut accĂ©der Ă une foule dâautres services comme DisMoiOĂč ou Ă Trip Advisor et naviguer entre les recommandations des utilisateurs. Mais les cartes changent de dimensions quand on a accĂšs aux recommandations de nos amis. Les notations des restaurants et des commerces qui peuplent le territoire qui nous entoure prennent une autre couleur en se peuplant des recommandations de nos relations. Ce restaurant recommandĂ© par 40 ou un milliers dâinternautes nâa pas la mĂȘme image quand câest une connaissance qui vous le recommande. Autre exemple emblĂ©matique de lâutilisation que lâon peut faire de Facebook, le site Etsy, une communautĂ© dâachat et de vente de produits faits mains, propose de trouver dans son catalogue les cadeaux qui iraient le mieux Ă vos amis. Comment ? Le site propose une application qui se branche sur Facebook et qui regarde dans les profils de vos amis, ce quâils ont apprĂ©ciĂ© un mĂ©dia, un objet, une sĂ©rie tĂ©lĂ©, des personnages ou des groupes⊠via le bouton Like. Le site utilise alors ces informations pour chercher des produits correspondants dans son catalogue ainsi, si vous avez apprĂ©ciĂ© Radiohead ou Barack Obama, Etsy va regarder dans son catalogue pour vous proposer des tee-shirts, des badges, des dessins ou des boucles dâoreilles correspondantes â Etsy nâest plus le seul magasin en ligne Ă proposer cette connexion, tous sây sont mis et non des moindres. Depuis juillet 2010, Amazon a lancĂ© en bĂȘta une premiĂšre version de son magasin connectĂ© Ă Facebook, permettant de voir les produits culturels populaires de vos relations pour acquĂ©rir les mĂȘmes et vous suggĂ©rant de leur offrir des cadeaux mieux adaptĂ©s Ă leurs goĂ»ts. De nos goĂ»ts au profil marketing de nos goĂ»ts Bien sĂ»r, pour lâinstant, le rĂ©sultat est loin dâĂȘtre idĂ©al, car, Facebook Ă tendance Ă nous servir Ă tout et Ă rien. On est dĂ©sormais capable dâapprĂ©cier tout et nâimporte quoi, sur lâinstant, sans que cela signifie clairement que vous lâapprĂ©ciez vraiment. Quâimporte ! Facebook extrait tout de son contexte. Câest sa fonction principale. Si vous apprĂ©ciez les mĂ©lodies des Beatles et que vous les recommandez ne serait-ce quâune fois, cela pourra vous ĂȘtre reprochĂ© Ă vie, par des services tiers qui vont utiliser cette information pour en dĂ©duire, automatiquement, que vous ĂȘtes fan des Beatles. Câest certainement encore la limite du like de Facebook. Si je regarde la musique quâapprĂ©cie Philippe Astor sur Facebook, elle est limitĂ©e pour lâinstant Ă 37 artistes, autant dire une broutille par rapport aux milliers de morceaux quâil a classĂ©s et sĂ©lectionnĂ©s dans Spotify. Facebook propose donc deux types de graphes le graphe des recommandations les likes et le graphe social celui des relations. Lâun et lâautre sont intrinsĂšquement liĂ©s, mais ils sont bien diffĂ©rents par nature. Plus que les relations, câest dĂ©sormais plutĂŽt sur le graphe des recommandations que Facebook travaille. Les Like » peuvent devenir de la publicitĂ© câest-Ă -dire que Facebook est capable de faire appel aux recommandations de vos amis pour distribuer de la publicitĂ© ciblĂ©e, comme lâexplique Business Insider on parle de publicitĂ© endossĂ©e socialement » dont les rapports sont bien sĂ»r meilleurs que la publicitĂ© traditionnelle. Nos amis deviennent le panneau dâaffichage de cette publicitĂ©, câest-Ă -dire que leurs recommandations peuvent ĂȘtre utilisĂ©es par les marques pour le signaler Ă notre attention. Câest lâun des biais du systĂšme du graphe de recommandation penser que toutes les actions que nous y faisons nous reprĂ©sentent, dressent notre graphe non pas social, mais comportemental, la carte de nos goĂ»ts et de nos dĂ©sirs, notre profil marketing complet. Cela gĂ©nĂšre beaucoup dâerreurs bien sĂ»r le systĂšme est forcĂ©ment imparfait, car pas plus quâil nâest pas capable de faire de distinguo entre nos relations il nây a toujours quâun seul niveau de relation dans Facebook lâamitiĂ©, alors que le systĂšme pourrait proposer plusieurs niveaux relationnels pas nĂ©cessairement symĂ©triques, il nâest pas non plus capable de faire le distinguo entre ce quâon apprĂ©cie il nây a quâune fonction dâapprĂ©ciation, le Like », elle aussi sans nuances. Cela Ă©voluera certainement. Le problĂšme câest que pour un systĂšme sociotechnique de ce type, ce quâon dĂ©clare apprĂ©cier ne se pĂ©rime pas dans le temps, ne sâapprĂ©cie pas en contexte⊠Facebook a du mal Ă passer du graphe de recommandation au graphe de lâintĂ©rĂȘt. AprĂšs le graphe social, le graphe dâintĂ©rĂȘt ? En juillet 2010, Chris Dixon â cofondateur de Hunch, un moteur de recommandation social personnalisĂ© â expliquait que nous allions passer de lâĂ©poque du graphe pour les gouverner tous » Ă des graphes sociaux plus spĂ©cifiques, construits autour de concepts comme le goĂ»t comme sây essaye Hunch, la localisation Foursquare, la confiance⊠Des concepts qui pourraient devenir le fondement de ce quâon nâappelle non plus le graphe social le rĂ©seau des gens avec lesquels vous ĂȘtes en relation, mais le graphe dâintĂ©rĂȘt le rĂ©seau des gens qui partagent des centres dâintĂ©rĂȘt avec vous, mais que vous ne connaissez pas nĂ©cessairement, explique Om Malik. Car le graphe social et le graphe de recommandation de Facebook ont des limites, on lâa vu. Sâils sont une base pour construire des mĂ©dias sociaux, ils ont Ă©galement ses dĂ©fauts la rĂ©ciprocitĂ© de lâamitiĂ©, la limite du like pour mesurer les objets que lâon partage et la limite des relations que le systĂšme sociotechnique instaure⊠Vos meilleurs amis peuvent avoir des goĂ»ts musicaux diamĂ©tralement opposĂ©s aux vĂŽtres. La musique, les films, les livres, les prĂ©fĂ©rences quelles quâelles soient⊠sont autant de domaines oĂč les gens ont des goĂ»ts qui ne sont pas nĂ©cessairement influencĂ©s par leurs amis ou pas par une large part de ces amis. Il nâest pas surprenant si les services de musique les plus rĂ©ussis sont plutĂŽt organisĂ©s autour du graphe de vos goĂ»ts musicaux quâautour du graphe social musical de vos amis », explique Nathaniel Whittemore sur le blog dâAssetmap. Lâenjeu pour de nombreuses start-ups dĂ©sormais nâest plus de sâintĂ©resser au graphe social quâil est possible de rĂ©cupĂ©rer de nombreux services via les interfaces de programmation quâils proposent â on en parlera dans la 3e partie de ce dossier, quâau graphe dâintĂ©rĂȘt pour construire des systĂšmes de recommandations toujours plus efficaces. Nonobstant, les plateformes sociales sont devenues des systĂšmes techniques par lesquels nous parcourons le web. Le graphe social a conquis le jeu Farmville en est un trĂšs bon exemple, lâe-commerce, lâinformation⊠Nous observons dĂ©jĂ le web non plus de la maniĂšre dont il est Ă©ditorialisĂ© via les flux RSS des sites dâorigines, mais par le prisme du filtre de nos relations sociales via Twitter ou FacebookâŠ. Nos relations sont transformĂ©es par les plateformes sociales il devient important de suivre certains propulseurs plutĂŽt que dâautres. Nos relations en ligne sont technologisĂ©es par le rĂŽle que jouent ces plateformes dans notre approche des services existants qui les intĂšgrent. Lâemprise des technologies relationnelles Comme le rĂ©pĂ©taient les reprĂ©sentants de Facebook eux-mĂȘmes au rĂ©cent Facebook Developer Garage leur vrai » produit nâest pas le site, mais lâOpen Graph nouveau nom du Graph Social, câest-Ă -dire lâinfrastructure mise en place. Lâassociation Ars Industrialis a raison de parler de technologies relationnelles pour dĂ©signer lâensemble des technologies qui non seulement mettent en relation, mais Ă©galement qui engramment les relations ». Par engrammer, il faut entendre Ă la fois incorporĂ© et ce qui laisse une trace, Ă lâimage de lâengramme, la trace biologique de la mĂ©moire dans le cerveau. A ce titre, ces technologies sont un moment, contemporain, du processus de grammatisation qui consiste Ă discrĂ©tiser les flux temporels, câest-Ă -dire Ă spatialiser le temps. AprĂšs la grammatisation de la parole dans lâĂ©criture, puis du geste dans la machine-outil, les technologies relationnelles grammatisent Ă prĂ©sent les relations psychosociales. » Image issue du bĂȘtisier des captures dâĂ©crans de Facebook ZĂ©ros Sociaux. Lâenjeu de la grammatisation des relations, pour faire plus simple, câest nos gestes et nos comportements qui sont distinguĂ©s par les outils technologiques que nous utilisons. Et câest tout Ă fait ce quâaccomplit Facebook en dressant la liste de nos relations que ce soit avec des personnes nos amis ou avec dâautres types dâentitĂ©s des informations, des images, des vidĂ©os, des jeux, des produits, des marchandises, des institutions, des organisationsâŠ. La grammaire de Facebook dĂ©crit les rĂšgles qui rĂ©gissent le fonctionnement non plus dâune langue, mais de notre relation Ă la technologie. Les identifiants sociaux, comme Facebook Login, encapsulent la grammaire de lâinternet de demain. Ils recĂšlent les rĂšgles et les Ă©lĂ©ments constitutifs des pratiques relationnelles en ligne, des outils de recommandation et de mises en relation. Câest en cela quâil faut entendre que Facebook nous façonne, quâil conditionne les rapports humains et les reprĂ©sentations. En cela, il est pleinement une technologie relationnelle, qui a un impact sur la nature de la relation, un impact dâautant plus important que lâusage du graphe social sâĂ©tend. La capitalisation de certaines connexions devient primordiale pour accĂ©der pleinement Ă certains services. Il faut non seulement identifier les experts adĂ©quats, mais Ă©galement ĂȘtre leur ami. Sur Dis moi oĂč il faut que je sois ami avec quelquâun qui va souvent au restaurant, sur Spotify avec quelquâun qui a des gouts musicaux qui me sont proches et qui exploitent pleinement le service, etc. Dit autrement, lâimportant sur Facebook, nâest pas ce que chacun y fait, mais les actions que nous partageons avec dâautres. Par le biais de Facebook, les services que nous utilisons sur internet deviennent tous sociaux et communautaires. Cette transformation nâagit pas sur Facebook seulement, mais sur lâinternet tout entier. LâidĂ©e ici nâest pas de regretter les relations prĂ©numĂ©riques. Mais de comprendre que la grammaire quâintroduisent les plateformes relationnelles va avoir un impact direct et total sur notre relation Ă la technologie et sur notre maniĂšre de construire des relations sur le numĂ©rique. Nous sommes passĂ©s du logiciel social le blog, aux plateformes relationnelles et on observe bien que câest la mĂȘme transformation qui se prolonge observer le monde par le regard des gens qui ont les mĂȘmes sources dâintĂ©rĂȘts, certainement parce que câest un plus puissant stimulant pour son propre intĂ©rĂȘt. Etre sur Facebook nâa donc pas grand-chose Ă voir avec une pulsion voyeuriste-exhibitionniste nous plongeant dans lâĂ©motionnalisme le plus simple. Câest aujourdâhui devenu le moyen dâactiver son rĂ©seau relationnel pour lâexploiter sur lâinternet tout entier. Hubert Guillaud Sur le sujet, signalons la sortie du denier numĂ©ro de la revue HermĂšs consacrĂ©e Ă Ces rĂ©seaux numĂ©riques dits sociaux ». _______________ [1] Facebook Login est bien ici un exemple parmi dâautres. Je ne dis pas quâil est notre seul avenir, dâautres identifiants globaux sont en concurrence. Gmail en a le potentiel, puisque votre identifiant personnel permet Ă©galement dâaccĂ©der Ă toutes les adresses mails avec lesquelles vous avez communiquĂ©. Twitter Ă©galement. Le service de messagerie instantanĂ©e pourrait Ă©galement jouer ce rĂŽle. Linked-in sây essaie. Et Diaspora essaie dâimaginer une plateforme relationnelle libre. On le sait depuis longtemps. AccĂ©der Ă un service, ne signifie par pour autant savoir lâutiliser, le comprendre, ni mĂȘme le maĂźtriser suffisamment pour ĂȘtre capable dâinnover, de crĂ©er avec. Les outils numĂ©riques sont familiers de ces cloisonnements. On peut-ĂȘtre nĂ© avec le numĂ©rique et ne pas en maĂźtriser les usages, on peut utiliser Facebook au quotidien sans comprendre lâĂ©tendue de son action. Dâailleurs, la plupart du temps, on nâen a pas besoin. Pas seulement, les dangers de son utilisation comme aiment Ă nous le rĂ©pĂ©ter les grands mĂ©dias de maniĂšre souvent simpliste ou certains experts avec plus de finesse je vous renvoie au livre de notre collĂšgue Jean-Marc Manach La vie privĂ©e un problĂšme de vieux cons pour mieux comprendre la problĂ©matique de la vie privĂ©e Ă lâheure des rĂ©seaux sociaux, qui ne sera pas le sujet de cette sĂ©rie, mais plus encore le potentiel crĂ©atif que lâoutil libĂšre, son fonctionnement intrinsĂšque. Comprendre les mĂ©dias sociaux et leur fonctionnement social et psychologique comme technique, tel est lâenjeu de ce dossier. Apparemment, Facebook est un babillage chronophage et dĂ©cĂ©rĂ©brant Il y a quelques mois, dans le Monde magazine sur abonnement, FrĂ©dĂ©ric Filloux, pourtant grand observateur dâinternet, dressait le portrait de Facebook, avec le dĂ©dain habituel avec lequel on considĂšre toutes les innovations en provenance du web. Ce quâon Ă©change sur Facebook mais Ă©galement sur Twitter ou la plupart des mĂ©dias sociaux se rĂ©sume Ă un babillage » chronophage et dĂ©cĂ©rĂ©brant, estime le journaliste et consultant. Une des pires expressions de lâinfobĂ©sitĂ© contemporaine. Image 5 des 10 raisons pour lesquelles le dessinateur Obion nâaime pas Facebook. Soit. On peut le voir ainsi. Câest pourtant ne pas voir grand-chose du fonctionnement de Facebook. Câest nâen voir que le mur, que ce fil dâactualitĂ© qui disparait Ă mesure quâil sâaffiche. Câest nâen voir que ces Ă©changes subjectifs et incomplets, ce bavardage, cette conversation permanente pour ne rien dire, et oublier quâils sont depuis toujours le ciment des relations sociales. Certes, lâusage des sites sociaux peut-ĂȘtre chronophage mais pas pour tout le monde et pas pour tous de la mĂȘme maniĂšre. Quant Ă lâaction dĂ©cĂ©rĂ©brante dâinternet quâagitent comme une menace quelques Cassandres, tel Nicholas Carr, on sait que ce nâest pas si simple notre capacitĂ© Ă ĂȘtre attentif, nâest pas nĂ©cessairement un idĂ©al. Si nous nâĂ©tions quâattentifs, en fait, nous ne pourrions pas lâĂȘtre câest notre inattention qui nous permet de construire notre attention. Mais surtout ce bavardage et ces Ă©changes ne sont pas aussi vains quâils y paraissent, pour autant quâon veuille bien observer le rĂŽle social et psychologique du bavardage. La fonction phatique de lâinternet Que lâinternet permette de publier un message qui ne dit rien dâintĂ©ressant, câest ça qui est intĂ©ressant », nous explique le psychologue Yann Leroux. De plus en plus, la technologie prend en charge ce que Roman Jakobson appelait la fonction phatique du langage ». Et dans ce cadre, nos Ă©changes sur lâinternet sont bien lâexact reflet de nos Ă©changes rĂ©els. Lâessentiel de nos Ă©changes ne vise pas Ă lâefficacitĂ©, loin de lĂ . Et ce dâautant plus que les espaces dâĂ©critures du web sont limitĂ©s comme câest le cas sur Facebook ou Twitter Ă la diffĂ©rence des blogs oĂč lâon trouve plus souvent une narration de qualitĂ© ». Le dispositif joue une part importante en fonction de ce quâil impose ainsi, on ne dit plus quâon est Ă tel endroit, mais on se gĂ©olocalise sur Foursquare », estime le psychologue. Une part de la fonction phatique de nos Ă©changes est prise en charge par nos machines et via les machines. Nos outils socio-techniques dĂ©multiplient Ă lâenvie les messages pour sâassurer de leur fonctionnement ou de leur bonne rĂ©ception⊠Internet est un espace intermĂ©diaire entre moi et les autres, un espace de porositĂ© entre nos mondes internes et nos phases sociales. Quand je dis quelque chose de trĂšs banal pour les autres, ça peut-ĂȘtre important pour moi. » Bien sĂ»r cela peut-ĂȘtre utilisĂ© de façon transformative ça peut-ĂȘtre utilisĂ© pour se transformer, pour agir sur soi ou pour favoriser des enfermements on dĂ©pose des choses intimes dans un espace pour ne pas y repenser, prĂ©cise le psychologue. Mais tous nos Ă©changes ne sont pas informatifs. Jouer, plaisanter, rire de soi ou des autres, parler pour ne rien dire⊠sont aussi des formes dâĂ©change social importantes. Et ce sont bien celles-ci que beaucoup dĂ©noncent sur Facebook. Pourtant, les formes courtes, lapidaires, favorisent les jeux de styles, lâhumour. MĂȘme si dans le champ des personnes quâil rencontre, il peut ne pas toucher tout le monde. Bien souvent, et depuis longtemps, le style et la maniĂšre dâintervenir sur les rĂ©seaux comptent plus que lâobjet mĂȘme de lâĂ©change, estime la psychanalyste GeneviĂšve Lombard. Une des possibilitĂ©s de Twitter est ainsi de faire signe ». Lorsque » le signe » nâa pas de consistance , ou quand sa consistance nâest pas reconnue, il fonctionne quand mĂȘme comme signal, car il se rattache la plupart du temps Ă des arborescences des liens, des blogs, des sites⊠grĂące auxquelles il se trouve contextualisĂ©, explicitĂ©, dĂ©veloppĂ© de mille maniĂšres. Ce signe » est juste la pointe la plus actuelle dâune activitĂ© web plus gĂ©nĂ©rale, qui a souvent une histoire et une surface plus large. Il en assure lâapparaitre au prĂ©sent. » Câest ainsi quâil faut entendre lâessentiel de nos Ă©changes sur les sites sociaux comme un ensemble de signes qui nous permettent de faire sociĂ©tĂ© dans une sociĂ©tĂ© mĂ©diatĂ©e. Pour Yann Leroux, le rĂ©seau social est notre nouveau doudou, celui quâon consulte le soir, avant de sâendormir. Selon un sondage britannique, plus de 70% de personnes interrogĂ©es consultent leurs rĂ©seaux sociaux avant dâaller au lit et 18% twittent en pleine nuit. Il faut se souvenir que sâendormir nâest pas une opĂ©ration simple », rappelle le psychologue. Nous avons tous des techniques personnelles pour y parvenir. Ces techniques et ces objets sont des maniĂšres de pallier lâangoisse de la sĂ©paration, dâaller vers un Ă©tat que lâon ne connaĂźt pas le sommeil. Pour cela, il faut dĂ©sinvestir les pensĂ©es qui nous ont accompagnĂ©es toute la journĂ©e, et une des choses qui peut aider passe parfois par des rituels de vĂ©rification ». Ainsi, vĂ©rifier le calme qui se rĂ©pand sur les rĂ©seaux sociaux au fur et Ă mesure que la nuit sâavance nous rassure et nous calme Ă notre tour. Le rĂ©seau social peut aussi ĂȘtre utilisĂ© comme un consolateur ou un briseur de soucis. Les lolcats et autres motivational posters ou demotivational jouent Ă©galement ce rĂŽle. Des chaines de mails qui Ă©changent Ă lâinfini ces mĂšmes qui composent le rĂ©seau, aux assertions idiotes ou inutiles que lâon publie en commentaire sur le Facebook de nos relations⊠tout cela participe de modalitĂ©s dâĂ©changes qui ne sont pas aussi futiles quâelles paraissent. Image extrait dâun des sketchs Facebook imaginĂ© par CĂ©cile Dehesdin et GrĂ©goire Fleurot journalistes Ă lors de lâaffaire Woerth-Bettancourt, montrant combien le fil dâactualitĂ© et sa complexitĂ© sont devenus un mode de narration Ă part entiĂšre, que tentent dâailleurs de rĂ©cupĂ©rer des startups comme Storify. De lâimportance sociale du bavardage Le bavardage confirme le rĂŽle prĂ©dominant de la communication sociale non, nos Ă©changes ne visent pas uniquement Ă lâefficacitĂ©, loin de lĂ . Le bavardage est certes un bruit de fond, disait dĂ©jĂ Paolo Virno insignifiant en soi, il offre nĂ©anmoins la trame dâoĂč extraire des variantes significatives, des modulations insolites, des articulations imprĂ©vues. Le bavardage ne reprĂ©sente pas quelque chose, mais câest prĂ©cisĂ©ment en cela quâil peut tout produire. » Pour autant, il est par beaucoup dĂ©noncĂ© comme une injonction Ă parler, Ă dĂ©battre, le fruit vĂ©nĂ©neux dâune hypnose sociale » au profit de lâautonomie de la pensĂ©e, mĂȘme si cette injonction du dialogue pour le dialogue conduit Ă tout confondre et Ă ne plus rien classer. Tout devient prĂ©texte Ă bavardage et tout est bavardage. Et Facebook, permettant de bavarder sur tout en est certainement le symbole le plus Ă©vident. Mais Facebook nâest pas condamnĂ© parce quâil nous permet de bavarder sur tout, mais parce que nos bavardages sont dĂ©sormais Ă©crits, affichĂ©s, indexĂ©s, cherchables, monĂ©tisables⊠La futilitĂ© des propos inscrits nâa pas la mĂȘme valeur que ceux que la parole prononce et oublie aussitĂŽt. Dâun coup, ils sâaffichent, sâarchivent et deviennent reproductibles mĂȘme avec leurs tics de langage puisque Facebook est le roman que nous Ă©crivons tous ». Lâincident peut devenir un accident comme le disait Frank Beau lorsquâil analysait la viralitĂ© des mĂšmes qui circulent sur lâinternet et en structurent lâimaginaire. François Perea, maĂźtre de confĂ©rences Ă lâuniversitĂ© Paul ValĂ©ry, dans un article sur les reprĂ©sentations de soi dans lâespace numĂ©rique parle de comportement tribal » du web Lâanthropologue Robin Dunbar parle de toilettage verbal » pour caractĂ©riser la fonction du bavardage, quâil rapproche du toilettage social que pratiquent les primates. Câest ce que nous explique Ă©galement Judith Donath, la directrice du Sociable Media Group Ce que lâon fait sur ces sites consiste plutĂŽt Ă passer un peu de temps, Ă montrer quâon fait attention Ă lâautre, que lâon pense Ă lui ». Pour cela, bien sĂ»r, il faut passer par un activisme nĂ©cessaire », contraint par lâobjet sociotechnique quâon utilise. Câest pourquoi nous modifions nos statuts, commentons, jouons aux jeux et aux quizz que dâautres nous transmettent⊠Nous sommes contraints de rĂ©pondre aux signaux que nous adressent les autres. Le mur de Facebook joue prĂ©cisĂ©ment ce rĂŽle accepter une mise en relation le plus souvent avec un inconnu avec quelquâun qui vous a identifiĂ©, mais que vous ne connaissez pas nĂ©cessairement pour Ă©changer des signaux qui feront sens ou quâon ne dĂ©codera pas forcĂ©ment lâun lâautre. Facebook et les outils du web dĂ©multiplient les signaux et rituels quâon sâenvoie commentaires, images, liens, photos, vidĂ©os, jeux, like⊠pour permettre de sâapprĂ©hender les uns les autres. Mais surtout, insiste Donath Cela montre que les choses que vous dites nâexistent que dans le contexte dâautres communications et quâon ne peut pas les regarder de maniĂšres isolĂ©es, comme si elles Ă©taient des publications uniques, singuliĂšres. Nos discussions ne se comprennent que dans le rĂ©seau de relations et de signes dans lesquelles elles sâinscrivent. » Câest-Ă -dire quâil est difficile dâinterprĂ©ter nos Ă©changes sur Facebook Ă lâaune de ces seuls Ă©changes. Publier sur le mur de Facebook une petite vidĂ©o prise avec son mobile montrant un ami en train dâhurler on ne sait pas quoi lors dâune soirĂ©e chahutĂ©e peut nâavoir aucun sens pour bien des relations qui en prendront connaissance. Cette vidĂ©o qui semble isolĂ©e sâinscrit en fait dans un maillage relationnel et communicationnel qui nous est en grande partie inconnu, qui passe par un bien plus vaste maillage de relations et dâoutils de communications. Sur Facebook on ne voit poindre quâune partie du bavardage constant qui nous façonne. Mais nĂ©anmoins, mĂȘme imparfaitement, il apparaĂźt, il devient visible, lisible⊠Il dĂ©multiplie les relations particuliĂšres que nous avons avec chacun pour les mettre Ă la vue de tous, permettant Ă dâautres de sâen saisir, dây trouver sens ou amusement â ou pas. Lâoptimisation des Ă©changes et la rĂ©duction relationnelle Ces Ă©changes inconstants que lâon a sur les rĂ©seaux sâavĂšrent une formidable matiĂšre pour comprendre les Ă©volutions de notre sociĂ©tĂ©. Lâanalyse des donnĂ©es issues de Facebook ou dâautres rĂ©seaux sociaux comme le site relationnel OK Cupid par exemple, qui sur son blog observe trĂšs rĂ©guliĂšrement ce que publie ses membres pour en comprendre les normes sociales permet de porter un regard neuf sur le rĂŽle de ces Ă©changes, sur leur importance et surtout sur leurs significations. Facebook essayait ainsi rĂ©cemment de comprendre les relations de cause Ă effet entre la composition des messages des statuts et lâentregent dâune personne câest-Ă -dire sa capacitĂ© Ă entretenir un rĂ©seau de relations influentes, montrant que les messages qui ont le plus dâaudience sont ceux qui se conforment le plus aux canons de la prise de parole classique dans lâespace public des messages plus structurĂ©s, dĂ©sinvestis et moins personnels, se projetant vers lâavenir fĂ»t-il proche », rappelle Vincent Truffy. Rien que de normal. La technologie relationnelle Ă lâoeuvre porte ses propres effets dâoptimisation. Le plus souvent ses techniques favorisent certaines formes dâactivitĂ©s par rapport Ă dâautres les rĂ©seaux sociaux favorisent globalement ceux qui partagent des liens entre eux plus que ceux qui discutent, ceux qui dĂ©multiplient les relations que ceux qui ont des relations intensives avec un groupe rĂ©duit. Ces mesures ne discriminent pas pour autant la portĂ©e des autres messages, mĂȘme si elles ne savent pas les valoriser les messages moins structurĂ©s, plus personnels, qui servent Ă donner de la vacuitĂ© ou de lâĂ©paisseur Ă nos relations demeurent nĂ©anmoins les plus nombreux. Echanger des banalitĂ©s a certes moins dâimpact sur notre entregent, mais nâest pour autant dĂ©nuĂ© de sens ou de plaisir, pour autant que nous nous sentions proches de cette personne. Facebook favorise ce sentiment de proximitĂ©, en nous montrant le flux de ceux avec qui nos Ă©changes sont les plus nourris. Sur Facebook, chacun derriĂšre nos Ă©crans, nous Ă©changeons nos quotidiens. Nos messages personnels se perdent dans le flux des relations que lâoutil, dans sa logique dâoptimisation, nous pousse Ă dĂ©multiplier. Nos amis, nos relations, nos collĂšgues, les inconnus qui croient nous connaĂźtre sont tous indiffĂ©remment mĂȘlĂ©s. Dans ce flux constant, notre bavardage prend sens, ou pas. Il est le ciment des relations. Mais en traitant toutes les relations sur le mĂȘme pied dâĂ©galitĂ©, Facebook en dĂ©tourne le jeu. En ne permettant dâavoir quâun niveau de relation lâamitiĂ© Facebook rĂ©duit la complexitĂ© relationnelle de sa base Ă son expression la plus simple. Il faudrait pouvoir avoir plusieurs niveaux relationnels pour caractĂ©riser nos relations inconnus, relations, collĂšgues, amisâŠ. Or Facebook a tendance Ă tout lisser, mettant sur le mĂȘme plan le signe social et lâinformation structurĂ©e, le privĂ© et le public, le personnel et le professionnel. Quand le bavardage permet de comprendre notre sociĂ©tĂ© RĂ©cemment, un professeur dâuniversitĂ© britannique faisait Ă©tat dâune recherche qui nâaurait pas Ă©tĂ© possible de mesurer sans Facebook son Ă©tude portait sur le phĂ©nomĂšne consistant Ă se rouler une pelle entre amis par jeu, pour afficher son amitiĂ© et de publier la vidĂ©o ou les photos de ce baiser sur les sites sociaux. Le professeur Eric Anderson, maĂźtre de confĂ©rences au dĂ©partement de lâEducation de lâuniversitĂ© de Bath veut y voir un signe du dĂ©clin de lâhomophobie chez les nouvelles gĂ©nĂ©rations⊠Les avocats voient mĂȘme dĂ©sormais dans les Ă©changes sur Facebook lâune des principales raisons des divorces et surtout de preuves apportĂ©es aux divorces, sans voir quâen fait Facebook ne fait que mettre en Ă©vidence des choses qui se sont dĂ©jĂ dĂ©litĂ©es par ailleurs. Facebook nâest que le lieu documentĂ© de notre sociĂ©tĂ© moderne. Pratique bouc-Ă©missaire ou document ultime â parce quâĂ©crit et visible â de la vie des gens. Il faut raison garder, nous rappelle le sociologue Dominique Cardon. Sur Facebook, on peut toujours trouver quelque chose pour confirmer quâon a raison. » Le risque est de passer de la sociologie Ă la tendançologie », de faire des sites sociaux les boucs-Ă©missaires de nos relations tourmentĂ©es et difficiles, parce que les incidents y prennent une inscription qui leur donne une importance quâils nâavaient pas nĂ©cessairement. Reste que les rĂ©seaux sociaux constituent un corpus dâarchives en temps rĂ©el assez passionnant pour comprendre les mentalitĂ©s et les pratiques, explique le chercheur. Les sites sociaux permettent dâobserver beaucoup de choses, pour autant quâon se donne les outils et mĂ©thodes nĂ©cessaires. Est-ce quâinternet Ă travers les blogs de cuisine peut nous donner une idĂ©e des transformations des pratiques culinaires de français ? » Pour autant, relativise le chercheur, si on trouve plein dâexemples de ce quâinternet apporte aux sciences sociales, rien de ce quây sây trouve nâest inconnu des sciences sociales. Il nây a pas de rĂ©volution par les donnĂ©es. Lâutilisation des bases de donnĂ©es confirme des intuitions, des analyses, permet dâaffiner les chiffres, mais ne rĂ©volutionne pas la connaissance. Câest le coeur des sciences sociales elles sont tout le temps dĂ©cevantes ! ». Certes, avant on connaissait la vie privĂ©e par les documents archivĂ©s par la police et les tribunaux, aujourdâhui, le corps de lâinformation nâest plus dans les archives administratives, mais dans les tĂ©moignages directs des gens. On peut chercher Ă anoblir les bavardages sur Facebook pour quâils deviennent objets de sciences. Ils sont certes une matiĂšre riche pour la comprĂ©hension des fonctionnements et des transformations sociales. Mais il ne faut pas pour autant que cela leur enlĂšve leur sens premier celui dâĂȘtre essentiel aux Ă©changes sociaux ». Quâimporte alors si nos Ă©changes sur Facebook ne sont pas lâexpression la plus haute de la pensĂ©e humaine, ce nâest certainement pas leur but⊠Un si petit monde Dans son analyse sur les relations de cause Ă effet entre la composition des messages des statuts et lâentregent dâune personne, la Data Team de Facebook a aussi soulignĂ© lâimportance de lâhomogĂ©nĂ©itĂ© des groupes câest-Ă -dire la tendance Ă avoir le mĂȘme type de comportement que ses relations si le groupe auquel on appartient Ă©crit des messages longs ou commente beaucoup, on a tendance Ă avoir le mĂȘme comportement pour se conformer aux usages du groupe. Les sociologues ont depuis longtemps mis cela en Ă©vidence, notamment dans les pratiques adolescentes, comme lâa montrĂ© Dominique Pasquier. Mais ce nâest pas le cas seulement des plus jeunes nous faisons groupe Ă©galement parce que nous avons des pratiques similaires. Câest l' »homophilie » quâĂ©voque danah boyd, câest-Ă -dire cette capacitĂ© dans un monde en rĂ©seau Ă ce que les gens se connectent Ă des gens qui leur ressemblent a un corolaire il est dĂ©sormais facile de ne pas accĂ©der au point de vue de gens qui ne pensent pas comme vous. Nous vivons tous dans nos propres mondes, avec des gens qui partagent nos valeurs, et avec les mĂ©dias en rĂ©seau, il est souvent difficile de voir au-delĂ . ⊠La technologie ne bouleverse pas les clivages sociaux. Au contraire, elle les renforce.â En 2009, des chercheurs en sciences sociales employĂ©s par Facebook pour en Ă©tudier les effets sur la sociabilitĂ© ont publiĂ© un rapport analysant de quelle maniĂšre sâorganise la communication entre les membres du rĂ©seau », explique lâanthropologue Stefana Broadbent dans son rĂ©cent livre, LâintimitĂ© au travail. Il en est ressorti quâen moyenne les utilisateurs comptaient cent vingt amis, mais quâils communiquaient activement avec moins de 10 % dâentre eux. Les chercheurs ont dĂ©fini ainsi 4 types de rĂ©seaux diffĂ©rents les amis, câest-Ă -dire lâensemble des relations dâune personne ; ceux avec lesquels il y avait une communication rĂ©ciproque ; ceux avec lesquels il y avait une communication Ă sens unique et ceux avec lesquels il y avait des relations maintenues quand les gens cliquent sur le fil dâactualitĂ© dâune relation ou visite plusieurs fois le profil. Ils ont montrĂ© que les personnes ayant 120 amis un chiffre qui correspond Ă la majoritĂ© des utilisateurs, sont activement engagĂ©es avec moins de 10 personnes. Lâutilisateur moyen laisse des commentaires sur les photos, le mur ou les statuts de 7 relations, et envoie des messages ou chatte avec 6 amis. » Les utilisateurs sont engagĂ©s de façon passive avec une vingtaine dâamis seulement. Or, câest cet engagement passif qui donne aux utilisateurs du site que grĂące Ă Facebook ils communiquent plus et restent en contact avec davantage de gens. » Olivier Ertzscheid, maĂźtre de confĂ©rences en Sciences de lâinformation et de la communication au dĂ©partement Infocom de lâIUT de La Roche-sur-Yon, explique dans un billet sur la taille du web que nous frĂ©quentons que lâune des consĂ©quences de cette homogĂ©nĂ©itĂ© et de cette homophilie signifie quâune fois sur quatre, je vais naviguer lĂ oĂč mes amis » ou les amis de mes amis » mâenvoient naviguer ». Sur Facebook, plus encore que sur le web, le diamĂštre de ce que nous visitons ne semble cesser de se restreindre. Notre univers est bornĂ© par nos amis », comme il lâĂ©tait il y a 100 par notre voisinage et notre niveau social â et nos amis sont bien Ă©videmment le plus souvent aussi le reflet de cela. Difficile de mesurer si lâenfermement consenti » ou la logique documentaire concentrationnaire » ou uniformisante » Ă lâoeuvre sur les sites sociaux est moindre quâelle a pu lâĂȘtre, dans le rĂ©el, oĂč Ă lâĂ©poque oĂč nous ne consultions que les trois premiers rĂ©sultats de Google. Comme le dit encore Olivier Ertzscheid, câest peut-ĂȘtre dans nos reprĂ©sentations que le web, vu via Facebook, est porteur dâune rupture radicale. Avec Facebook, le web nâest plus synonyme dâaltĂ©ritĂ©, de dĂ©calage. Il nâest plus un lieu dâexploration inĂ©puisable, comme nous avons bien souvent tendance Ă le croire. Au contraire. Il borne le web que nous frĂ©quentons, qui est toujours plus Ă©troit que nous ne le pensons â nous revenons pourtant le plus souvent toujours sur les mĂȘmes sites. Cela participe certainement de son mĂ»rissement et de son installation comme mĂ©dia » Ă part entiĂšre. Lâinternet â et lâinternet vu depuis Facebook â Ă©chappe de moins en moins Ă la logique de mĂ©dia social qui le caractĂ©rise. Hubert Guillaud Le dossier Comprendre Facebook » 1e partie Le rĂŽle social du bavardage 2e partie Facebook, technologie relationnelle 3e partie Lâinternet des API, le web des applications AprĂšs avoir Ă©tĂ© deux ans durant partenaires de la section Technologie du InternetActu et Place de la Toile ouvrent un blog invitĂ© sur la plateforme du Monde Un espace pour aller plus avant dans la comprĂ©hension des nouvelles technologies. Chaque semaine, nous essayerons de traiter une thĂ©matique en y apportant diffĂ©rents Ă©clairages provenant du fonds dâarticles dâ et dâĂ©missions de Place de la Toile. Hubert Guillaud, Xavier de la Porte, RĂ©mi SussanCarselon les Ă©tudes, le chiffre rĂ©el du budget moyen dont dispose les Ă©tudiants sâĂ©lĂšve Ă un peu moins de 400 âŹ. Attention au premier mois universitaire : entre les inscriptions, la Trouvez votre appartement Ă vendre parmi 45 annonces de particuliers et agences immobiliĂšres. Cliquez sur un type de bien voir plus * Prix net, hors frais notariĂ©s, d'enregistrement et de publicitĂ© fonciĂšre. Recevoir les nouvelles annonces Quel bien acheter Ă La Roche-sur-Yon ? OĂč acheter proche de La Roche-sur-Yon ? Comment acheter un appartement neuf Ă La Roche-sur-Yon ? Pour trouver un logement neuf dans la ville et profiter des nouvelles normes d'isolation, consultez nos 24 annonces "appartements neuf Ă La Roche-sur-Yon". Quel prix au m2 pour un appartement Ă La Roche-sur-Yon ? En 2021, un appartement se vend en moyenne 4 003⏠à La Roche-sur-Yon. Pour en savoir plus sur l'Ă©volution du marchĂ© immobilier dans la ville, consultez notre page dĂ©diĂ©e au prix au m2 Ă La Roche-sur-Yon. 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VentesimmobiliĂšres Ă La Roche-sur-Yon (85000) Modifier ma recherche 475 annonces. Trier par : Popularit Ă©. Date de parution; PopularitĂ©; Prix croissant (- cher au + cher) Prix dĂ©croissant (+ cher au - cher) Surface croissante (- grand au + grand) Surface dĂ©croissant (+ grand au - grand) Prec. 5 sur 48; Suiv. CrĂ©er une alerte pour cette recherche Fermer Pour La production des chaleur numĂ©rique » peut se faire de deux façons. Elle peut ĂȘtre centralisĂ©e via lâutilisation dâun data center pour chauffer un ensemble de bĂątiments. Mais elle peut Ă©galement ĂȘtre dĂ©centralisĂ©e lorsque le matĂ©riel informatique est rĂ©parti dans divers radiateurs placĂ©s dans chaque logement Ă chauffer. Un exemple de production centralisĂ©e est donnĂ© par la start-up Stimergy. Gagnante de plusieurs trophĂ©es pour son innovation depuis 2013, elle continue dâimplanter progressivement ses chaudiĂšres numĂ©riques en France. Elle a par exemple Ă©quipĂ© des immeubles de logements Ă Nantes et Grenoble ou encore une partie du bassin intĂ©rieure de la piscine de la Butte-Aux-Cailles Ă Paris de chaudiĂšres numĂ©riques. ConcrĂštement, les serveurs sont enfermĂ©s dans une cuve mĂ©tallique et plongĂ©s dans un bain dâhuile. Le liquide monte en tempĂ©rature grĂące Ă la chaleur dĂ©gagĂ©e par les machines informatiques, une chaleur ensuite rĂ©cupĂ©rĂ©e pour chauffer de lâeau. Ce sont 80 litres dâeau chaude par jour qui peuvent ĂȘtre produits grĂące Ă un serveur, soit la consommation de 2 adultes et 1 enfant. Les Ă©conomies dâĂ©nergie pourraient sâĂ©lever Ă 40% pour des bĂątiments de logements collectifs, qui utilisent ainsi moins de gaz pour se chauffer. Dans le cas dâune production de chaleur dĂ©centralisĂ©e, il sâagit par exemple des radiateurs proposĂ©s par lâentreprise Quarnot Computing. Ces radiateurs abritent des processeurs de calcul louĂ©s par des banques, des studios dâanimation 3D ou encore des instituts de recherche. La consommation dâĂ©lectricitĂ© utilisĂ©e par le radiateur est remboursĂ©e Ă lâoccupant, qui bĂ©nĂ©ficie donc dâun chauffage gratuit !Explorez les entreprises qui recrutent en France 586 jobs chez Norauto 380 jobs chez Bouygues Telecom 964 jobs chez Intersport 406 jobs chez Conforama France SA 430 jobs chez Lactalis Voir toutes les entreprises HelloWork facilite votre recherche dâemploi Ătre sĂ»re de ne rien rater ! Je crĂ©e mon alerte DĂ©voilez votre CV, on vous propose des jobs ! Je dĂ©pose mon CV Ătre informĂ©e oĂč que vous soyez ! TĂ©lĂ©charger dans l'App Store Disponible sur Google Play MĂ©dia de lâemploi Vie pro Mon employeur peut-il m'interdire le port d'un signe religieux ? Vie pro La sieste au travail va-t-elle connaĂźtre son heure de gloire Ă cause des canicules ? Vie pro Heures supp', tickets resto, prime⊠que change la nouvelle loi pouvoir d'achat ? Vie pro TĂ©lĂ©travail un accident chez soi est-il un accident du travail ? Voir toutes les actualitĂ©s Guide de la recherche d'emploi CV Lettre de motivation Candidature spontanĂ©e Entretien dâembauche Organiser sa recherche dâemploi Voir tous les conseils Explorez les offres d'emploi par domaine professionnel Commerce Distribution ComptabilitĂ© Ressources Humaines Logistique Administratif Immobilier Informatique Achat Aeronautique Agricole Agroalimentaire Architecture Artisanat Assurance Audiovisuel Audit Automobile Banque BeautĂ© Biotechnologie BTP Chimie Communication Culture DĂ©fense Direction Edition Electronique Enseignement Environnement Ferroviaire Finance Formation Gestion Graphisme Hospitalier Hotellerie Industrie IngĂ©nierie Juridique Marketing Nautisme Nettoyage Production Pub QualitĂ© Recherche Restauration SantĂ© SAV SecrĂ©tariat SĂ©curitĂ© Service Service Public Social Telecom Tourisme Transport Vente Parcourir les offres d'emploi par mĂ©tier Observatoire des mĂ©tiers Assistant pĂ©dagogique Directrice de crĂšche Agent de maĂźtrise Animateur social Animateur HSE Responsable de magasin DĂ©couvrez toutes les fiches mĂ©tiers Observatoire des compĂ©tences Anglais Excel Coiffure AutoCAD SAP Photoshop DĂ©couvrez toutes les fiches compĂ©tences Explorez les offres d'emploi par ville de France Paris Lyon Toulouse Nantes Marseille Bordeaux Rennes Lille Strasbourg Montpellier Nice Grenoble Aix-en-Provence Dijon Annecy Angers Tours Metz Clermont-Ferrand OrlĂ©ans Reims Boulogne-Billancourt Caen Nanterre Rouen Nancy Le Mans Besançon Saint-Ătienne Brest Colmar La Rochelle Mulhouse Valence Courbevoie MĂ©rignac Amiens Cholet NĂźmes Toulon Parcourir les offres d'emploi par ville Pour les Ă©tudiants Stage DRH Stage Informatique Stage Communication Stage ContrĂŽleur de gestion Stage Traducteur Stage ComptabilitĂ© Alternance DRH Alternance ContrĂŽleur de gestion Alternance Lyon Alternance Communication Alternance Marketing Alternance Bordeaux L'emploi par mots clĂ©s Emploi Territorial Emploi Public Emploi Saisonnier Emploi Espace Emploi Fonction publique Emploi Etudiant Emploi Fle Emploi Cadre Emploi CollectivitĂ©s Emploi Domicile Emploi Fonction publique territoriale Emploi Soignant Parcourir les offres d'emploi par mots clĂ©s
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